Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin deux mille, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– Z… Sylvie,
– A… Christian,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 1999, qui les a condamnés, la première, pour escroquerie, le second, pour complicité d’escroquerie, chacun à 2 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d’amende et a déclaré recevable la constitution de partie civile de la compagnie AXA ASSURANCES ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 121-6 et 121-7 du Code pénal, violation de l’article 1382 du Code civil, méconnaissance des exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que les prévenus Sylvie Z… et Christian A… ont été déclarés coupables des infractions reprochées et, en répression, condamnés, respectivement à 2 mois de prison avec sursis et 5 000 francs d’amende ;
« aux motifs, sur l’action publique, que le 6 juillet 1996, Sylvie Z…, gérante de la SCI de la Saône, qui effectuait des travaux sur un chantier de réfection d’immeuble par la SCI B…, … à Gray, déposait plainte pour vol à la gendarmerie de Gray ; elle indiquait que la porte de la cave où étaient stockés des matériaux avait été fracturée ; que les gendarmes constataient que la porte du local fonctionnait sans gâche (fermeture trois points) ; que, le 14 octobre 1997, la société d’assurances UAP déposait plainte avec constitution de partie civile pour tentative d’escroquerie contre X ; qu’elle exposait que la plainte formulée par Sylvie Z… se limitait au vol de petit matériel et que la gendarmerie avait clôturé sa procédure le 20 juillet 1996 sans avoir reçu un devis ou des factures de produits volés qui avaient pourtant été annoncés ; que, cependant, le 28 août 1996, Sylvie Z… dressait un état très détaillé des pertes alléguées faisant apparaître la disparition d’environ 200 objets (outillages et matériaux de construction) pour une valeur de 110 495 francs ; que la société plaignante, devant la discordance entre l’absence de détails fournis par Sylvie Z… le 5 juillet 1996 et l’estimation du 28 août, faisait intervenir l’agence pour la lutte contre la fraude à l’assurance ; que, par ailleurs, le cabinet Vionnet à Dijon mettait en lumière l’incompatibilité entre la capacité de la cave et le volume des matériaux soi-disant volés, et l’importance de la manipulation nécessaire pour opérer des vols ; qu’il faisait observer également que la SCI aurait dû acheter du matériel de remplacement, les factures ayant pu alors lever tous les doutes sur la réalité des vols, mais que cela n’a pas été fait ; qu’un témoin, Daniel Y…, salarié de la société B… et responsable du chantier où le vol serait intervenu, rédigeait une attestation pour le compte de l’assurance selon laquelle le lendemain du vol, aucun des objets déclarés volés ne manquait par rapport à la veille ; il mentionnait qu’étant donné que les consommations n’étaient pas suivies au jour le jour, la liste du matériel volé était impossible à établir comme l’a effectué Sylvie Z… ; il précisait que la porte du local du vol était munie d’une serrure qui ne fonctionnait plus, la gâche ayant été démontée et se trouvant dans la cave, il indiquait avoir reçu l’ordre de remettre en place la porte fracturée ; que ce témoin a ensuite réitéré ses propos sur commission rogatoire en confirmant qu’aucun vol n’avait été commis … à Gray ; qu’il ajoutait que sur l’incitation de Christian A… et M. B…, il avait fait une fausse déclaration le 18 juillet 1997 à son assureur pour un vol fictif dans sa cave ; or, il apparaît qu’en réalité, c’est lui-même qui avait déposé plainte pour vol au commissariat de Besançon, plainte qui avait été classée sans suite ;
« et aux motifs encore qu’on sait également par la procédure que les premières déclarations de Daniel Y… du 9 septembre 1997 sont concomitantes avec un litige prud’homale qui l’a opposé à M. B…, son employeur, le 20 août 1997 ; que figure également au dossier une lettre de ce dernier du 27 juillet 1998 déclarant que Daniel Y… avait détourné du matériel et fait des fausses déclarations ; que Christian A…, qui assurait bénévolement la surveillance des travaux et l’approvisionnement en matériaux, a confirmé le vol en indiquant avoir établi l’inventaire fourni ; que Marie-Christine X…, épouse E…, collaboratrice en assurance UAP, se souvenait avoir reçu, le 5 juillet 1996, la visite d’un homme qui venait signaler l’effraction de la porte de la cave sur le chantier de la rue des Terreaux, mais cet homme lui aurait dit qu’apparemment rien n’avait été volé ; qu’Olivier D…, employé de la SCI de la Saône, relatait que Christian A… lui avait dit qu’il y avait eu « un peu » de matériel volé ; que Stéphane C…, employé également à la SCI, disait ne pas avoir entendu parler d’un vol, mais savait que la porte avait été fracturée ; que Mehmet F…, autre employé, déclarait être descendu plusieurs fois dans la cave contenant du matériel et de l’outillage tout cela étant désordonné ;
qu’il disait savoir que la porte avait été fracturée et à son retour de vacances, avoir constaté que le matériel avait disparu mais ignorait ce qu’il était advenu ; que le 30 avril 1998, Sylvie Z… était entendue par le juge d’instruction et se présentait de bonne foi en soulignant avoir fait la déclaration de vol sur les déclarations de son concubin, Christian A…, elle affirma avoir adressé à l’assurance, dès le 27 juillet 1996, la liste des objets volés et que la facture du matériel acheté pour les remplacer avait été transmise au cabinet Vionnet ; que Christian A… devait déclarer qu’il supervisait les travaux faits pour le compte de la SCI en juillet 1996 et qu’il lui avait fallu 3 semaines pour faire l’inventaire du matériel dérobé ; que ce dernier, qui n’a aucun lien avec la SCI, assurait bénévolement la surveillance des travaux et rappelait que Daniel Y… était employé par M. B… qui lui, était actionnaire de la SCI ;
« aux motifs aussi que Sylvie Z…, lorsqu’elle s’est rendue à la gendarmerie de Gray le 6 juillet 1996, a déclaré qu’après s’être rendue sur place, elle avait constaté que le préjudice « se limite au vol de petit matériel », précisant que le matériel dérobé « se limite à de l’outillage, fils électriques, petit matériel de plomberie » ; que, malgré la promesse faite à la gendarmerie, celle-ci était incapable de fournir la liste des choses volées ; qu’en revanche, le 28 août 1996, soit près de 2 mois après le vol, Sylvie Z… a fourni à l’expert sur sa demande une liste impressionnante de plus de 190 listes différents, de matériels variés et pondéreux pour certains (éviers, lavabos, revêtements de sol) ou volumineux (laine de verre) ; qu’il apparaît étonnant que les salariés interrogés n’aient pas entendu parler de vol ou ont été très évasifs sur le contenu du matériel stocké dans la cave ; que le volume et l’importance des matériaux déclarés volés le 28 août 1996 ne correspondent pas du tout à la première déclaration de Sylvie Z… qui a parlé de « petit matériel » ; qu’on peut s’interroger sur la réelle possibilité de stocker une telle quantité de gros objets dans la cave ; que, nécessairement, un tel vol ne pouvait prospérer qu’avec le concours de plusieurs individus et d’un camion ; qu’à cet égard, les occupants de l’immeuble en centre ville n’ont rien entendu ; qu’il ressort du dossier que les matériaux déclarés disparus étaient nécessaires pour la poursuite des réfections des logements dont les travaux ont été achevés ; que, malgré la demande de l’expert, Sylvie Z… n’a pas été en mesure de produire des factures de remplacement des matériels manquants, se contentant de fournir des factures de prestations de services que la société B… a adressées à la SCI de la Saône ; que Christian A… a expliqué que la détermination des quantités manquantes a été effectuée par différence entre les existants avant et après le vol ; que si l’inventaire avait été tenu à jour, il était particulièrement facile de faire ressortir sans délai la disparition de la plupart des articles de gros volume ; qu’enfin, il était dit par plusieurs témoins que le matériel déclaré volé comme les plaques de placo et de la laine de verre étaient restés stockés dans le hall d’entrée et dans les étages ; que, même en faisant abstraction des déclarations de Daniel Y…, tous ces éléments du dossier sont suffisants pour permettre à la Cour de dire que les poursuites à l’encontre des
prévenus sont fondées ; qu’il convient de réformer le jugement et de retenir les prévenus dans les liens de la prévention ;
que les procédés utilisés par ceux-ci pour exagérer considérablement des pertes au niveau quantitatif méritent d’être sanctionnés sévèrement ;
« alors que, d’une part, le juge doit statuer en considération de motifs tout à la fois suffisants et non hypothétiques ; qu’il ressort de la motivation retenue que l’élément matériel de l’infraction n’a pas été caractérisé avec la rigueur requise tant en ce qui concerne l’acteur principal que le complice, si bien qu’en infirmant le jugement entrepris à partir de motifs inopérants, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités au moyen ;
« alors que, d’autre part et en toute hypothèse, à aucun moment, la Cour ne relève l’élément intentionnel de l’infraction retenue à la charge de chacun des prévenus, violant de plus fort les textes cités au moyen » ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué, reproduites au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D’où il suit que moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;