Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 octobre 1997, 96-81.523, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 octobre 1997, 96-81.523, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle Alain GATINEAU et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général de A… ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– Y… Guy,

– X… Marcel, partie civile, contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’AGEN, en date du 21 février 1996, qui, dans l’information suivie, sur plainte avec constitution de partie civile de Marcel X…, pour vols, escroqueries, tentatives de ces délits et abus de confiance, a dit n’y avoir lieu à suivre du chef d’escroqueries et a renvoyé Guy Y… devant le tribunal correctionnel du seul chef d’abus de confiance ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Vu l’article 575, alinéa 2, 5 , du Code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Marcel X… et pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 5° du Code de procédure pénale et 593 du même Code ;

« en ce que la chambre d’accusation a omis de statuer sur les infractions de vols, tentative de vols et tentative d’escroquerie visées dans le réquisitoire introductif ;

« alors que les chambres d’accusation ont le devoir de statuer sur tous les chefs d’inculpation compris dans les réquisitions du ministère public » ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Marcel X… pris de la violation de l’article 207 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, des articles 80, 85, 86, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que la chambre d’accusation a omis de statuer sur un chef d’inculpation compris dans la plainte de la partie civile ;

« alors que, les juridictions d’instruction ayant le devoir d’informer sur une plainte avec constitution de partie civile, le refus d’informer ne peut intervenir que si les faits sont manifestement insusceptibles de qualification pénale;

qu’il n’importe que le plaignant ait mal qualifié les faits, dès lors que la juridiction d’instruction, saisie in rem, a l’obligation d’informer en restituant aux faits leur qualification exacte;

que l’article 207 de la loi du 25 janvier 1985 punit des peines de l’abus de confiance aggravé tout administrateur ou commissaire à l’exécution du plan qui a porté volontairement atteinte aux intérêts du créancier ou du débiteur, soit en utilisant à son profit des sommes perçues dans l’accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer des avantages qu’il savait n’être pas dus, ou qui a fait, dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait, un usage qu’il savait contraire aux intérêts du créancier ou du débiteur;

que, dans sa plainte, la partie civile exposait que Guy Z…, administrateur judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de redressement, avait facturé ses honoraires sans tenir compte du barème prévu par la loi et surfacturé le montant de ses frais de déplacement;

que les honoraires qu’il avait perçus n’avaient pas de réelle contrepartie puisque Guy Z… n’avait ni évalué le passif, ni recouvré les créances, ni tenu la comptabilité;

qu’en outre, les conditions dans lesquelles le matériel du groupe X… avait été bradé permettait de supposer que l’administrateur judiciaire avait reçu des rémunérations occultes et qu’en refusant d’examiner ces faits sous toutes les qualifications possibles et de rechercher notamment si le délit de malversation pouvait être caractérisé, la cour d’appel a voué sa décision à une cassation certaine ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Marcel X… et pris de la violation de l’article 575, alinéa 2, 5°, du Code de procédure pénale et 593 du même Code ;

« en ce que la chambre d’accusation a rendu une décision de refus d’informer sur la plainte de la partie civile ;

« aux motifs que la partie civile prétend que Guy Z…, tant en sa qualité d’expert en diagnostic d’entreprise du 28 février au 28 août 1986, qu’en sa qualité d’administrateur judiciaire du 29 août 1986 au 17 juillet 1987, aurait sciemment et à dessein présenté un plan de redressement, qu’il savait dès le départ voué à l’échec, dans le seul but d’en retirer de substantiels honoraires ou bénéfices, soit 1.521.517 francs d’honoraires perçus au cours des années 1986 et 1987;

qu’il convient, cependant, de rappeler, d’une part, que la juridiction consulaire d’Auch a homologué le plan de redressement présenté le 12 février 1987 par Guy Z…, par jugement du 27 février 1987, et que la cour d’appel d’Agen, par arrêts des 2 avril et 17 juillet 1987, y a substitué une nouvelle période d’observation pour une durée de 3 mois, avec autorisation de vente partielle des actifs excédentaires, mettant en place les organes indispensables à l’exécution du plan;

que, d’autre part, l’élaboration et la présentation d’un plan de redressement par un administrateur judiciaire, fut-il incomplet, léger, voire mensonger ou incohérent, ne saurait constituer une des manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d’escroquerie;

qu’en conséquence il ne résulte pas de l’information charges suffisantes contre Guy Z…, d’avoir à Auch, en tout cas sur le territoire national, courant 1986 et 1987, depuis temps non couvert par la prescription, commis le délit d’escroquerie qui lui était reproché ;

« alors que, les juridictions d’instruction ayant le devoir d’informer sur une plainte avec constitution de partie civile, le refus d’informer ne peut intervenir que si les faits sont manifestement insusceptibles de qualification pénale;

qu’aux termes de l’article 207 de la loi du 25 janvier 1985, est puni des peines de l’abus de confiance aggravé tout administrateur ou commissaire à l’exécution du plan qui a porté volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur soit en utilisant à son profit des sommes perçues dans l’accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer des avantages qu’il savait n’être pas dus et que la chambre d’accusation, qui admettait implicitement que le plan de redressement présenté par Guy Z… ait pu être « incomplet, léger, voire mensonger ou incohérent » et que, pour l’élaboration dudit plan, des honoraires d’un montant de 1.521.517 francs pour 1986 et 1987 aient pu être perçus, avait l’obligation de rechercher si le mandataire de justice ne s’était pas fait attribuer des avantages qu’il savait ne pas être dus, portant ainsi volontairement atteinte aux intérêts des créanciers et du débiteur et n’avait pas , ce faisant, commis le délit de malversation ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’aux termes de l’article 575 du Code de procédure pénale, la partie civile est admise, même en l’absence de recours du ministère public, à se pourvoir en cassation contre un arrêt de la chambre d’accusation ayant omis de statuer sur un chef d’inculpation;

qu’un tel arrêt doit être annulé en vertu de l’article 593 du même Code ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Marcel X…, actionnaire de plusieurs sociétés déclarées en redressement judiciaire, a porté plainte avec constitution de partie civile en exposant que Guy Z…, successivement chargé par le tribunal de commerce d’une mission d’expert en diagnostic d’entreprises, puis des fonctions d’administrateur judiciaire, et enfin de celles de commissaire à l’exécution du plan, avant d’en être relevé par la cour d’appel, avait commis diverses fautes, et notamment refusé de restituer à son successeur des sommes qu’il détenait pour le compte des sociétés ;

Que le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, frappée d’appel par la partie civile;

qu’après avoir ordonné un complément d’information, au cours duquel Guy Z… a été mis en examen, la chambre d’accusation a rendu l’arrêt attaqué ;

Attendu que, saisie sous les qualifications de vols, d’escroqueries, de tentatives de ces délits et d’abus de confiance, de faits qu’aurait commis, au cours d’une procédure collective, Guy Z…, en sa qualité de mandataire de justice, la juridiction d’instruction du second degré se borne à dire n’y avoir lieu à suivre du chef d’escroqueries et à ordonner le renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel pour abus de confiance ;

Mais attendu qu’en omettant ainsi de se prononcer sur les chefs de vols, de tentatives de vol et de tentatives d’escroquerie visés au réquisitoire introductif, et alors qu’il lui appartenait d’examiner les faits, objet de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, et notamment de rechercher s’ils étaient susceptibles de constituer le délit prévu par l’article 207 de la loi du 25 janvier 1985, la chambre d’accusation a méconnu les textes susvisés ;

D’où il suit que la cassation est encourue;

qu’elle ne peut être que totale, en raison de l’indivisibilité des faits poursuivis ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens proposés en faveur de Guy Z…,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Agen, en date du 21 février 1996, et, pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Agen et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Pelletier, Ruyssen conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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