Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 février 2005, 04-82.484, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 février 2005, 04-82.484, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux février deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Michel,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 27 février 2004, qui, pour usage de faux, l’a condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 9 mai 2000, Franck Y… a porté plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux et usage de faux, arguant du caractère apocryphe d’un document, daté du 22 janvier 1998, intitulé « ordre de mouvement » et portant cession d’une action de la société TMIS MDP SA, dont il était titulaire, au profit de Michel X… ; que ce dernier a reconnu avoir rédigé ce document et l’avoir fait enregistrer sur le registre des mouvements de titres de la société le 29 janvier 1998 mais a, toutefois, contesté être l’auteur de la fausse signature de Franck Y… figurant sur cette pièce, dont l’auteur n’a pu être identifié ; que, par l’arrêt attaqué, la cour d’appel l’a condamné pour usage de faux ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Michel X… coupable du délit d’usage de faux visé à la prévention ;

« aux motifs que, indépendamment de la qualification pénale qui aurait pu être donnée à l’enregistrement, le 29 janvier 1998, d’un ordre de mouvement, inexistant même dans la version de Michel X…, il est constant que ledit ordre a été produit dans le cadre de l’instance commerciale, en cours de délibéré, le 29 mars 2000, pour la défense de TMIS devenu ABT Corporation ; quel qu’ait été le détenteur matériel de l’acte au moment de sa production, il est constant que ce tiers éventuel le tenait du seul détenteur possible, le bénéficiaire désigné Michel X… ; peu important les intermédiaires jusqu’à l’arrivée entre les mains du juge consulaire, qui comme le ou les avocats de ABT, pouvaient ignorer le vice fondamental de l’acte ; que l’usage de faux est caractérisé y compris dans l’intention frauduleuse ne serait-ce que par la volonté de soustraire l’ordre à l’examen contradictoire en cours de débat public et de tenter d’obtenir que le tribunal de commerce en tire une conséquence défavorable à Franck Y… quant à sa qualité d’actionnaire de TMIS ; que le texte de prévention qui vise  » le temps non couvert par la prescription  »  » et… courant 1998  » vise nécessairement la période de production de l’ordre de mouvement devant le tribunal de commerce ;

« 1) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits visés dans l’ordonnance de renvoi ou la citation qui les a saisis sauf comparution volontaire, dûment constatée par eux dans leur décision, du prévenu sur des faits distincts et que la cour d’appel, saisie par l’ordonnance de renvoi d’un fait unique d’usage de faux consistant en l’enregistrement sur le registre des mouvements de titres d’une société en date du 29 janvier 1998 d’un ordre de mouvement supposé comporter une fausse signature, ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, substituer à ce fait unique un fait d’usage de faux distinct consistant dans la production du même ordre de mouvement dans le cadre d’une instance commerciale deux ans plus tard ;

« 2) alors que la formule « depuis temps non couvert par la prescription », clause de style, n’est pas de nature à elle seule à autoriser les juges à élargir leur saisine telle qu’elle résulte du dispositif de l’ordonnance de renvoi ;

« 3) alors que la cour d’appel, qui ne se prononçait pas sur la qualification pénale de l’usage de faux localisé en 1998 faisant l’objet de sa saisine, usage qu’elle n’imputait pas à Michel X…, ne pouvait, sans se contredire, déclarer celui-ci coupable du délit d’usage de faux  » visé à la prévention  » en se référant à l’existence d’un prétendu usage de faux localisé en mars 2000 manifestement étranger à sa saisine » ;

Attendu que, pour déclarer Michel X… coupable d’usage de faux, l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors que les juges relèvent, d’une part, que Michel X… avait nécessairement connaissance du caractère apocryphe de l’ordre de mouvement daté du 22 janvier 1998 lorsqu’il a fait enregistrer cette pièce, le 29 janvier 1998, sur le registre des mouvements de titres de la société et, d’autre part, que ce n’est que le 29 mars 2000 que Franck Y… a découvert l’existence de cette pièce lorsqu’elle a été versée aux débats par Michel X…, dans le cadre d’une procédure commerciale alors en cours, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 441-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel X… coupable d’usage de faux et l’a condamné à verser à la partie civile 1 000 euros au titre de son préjudice matériel et 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

« aux motifs, d’une part, que, indépendamment de la qualification pénale qui aurait pu être donnée à l’enregistrement, le 29 janvier 1998, d’un ordre de mouvement, inexistant même dans la version de Michel X…, il est constant que ledit ordre a été produit dans le cadre de l’instance commerciale, en cours de délibéré, le 29 mars 2000, pour la défense de TMIS devenu ABT Corporation ; quel qu’ait été le détenteur matériel de l’acte au moment de sa production, il est constant que ce tiers éventuel le tenait du seul détenteur possible, le bénéficiaire désigné Michel X… ; peu important les intermédiaires jusqu’à l’arrivée entre les mains du juge consulaire, qui comme le ou les avocats de ABT, pouvaient ignorer le vice fondamental de l’acte ; que l’usage de faux est caractérisé y compris dans l’intention frauduleuse ne serait-ce que par la volonté de soustraire l’ordre à l’examen contradictoire en cours de débat public et de tenter d’obtenir que le tribunal de commerce en tire une conséquence défavorable à Franck Y… quant à sa qualité d’actionnaire de TMIS ; que le texte de prévention qui vise  » le temps non couvert par la prescription  »  » et… courant 1998  » vise nécessairement la période de production de l’ordre de mouvement devant le tribunal de commerce ;

« aux motifs, d’autre part, que le préjudice résultant de l’usage du faux ordre de mouvement devant le juge commercial consistait à dénier à Franck Y… le fait qu’il bénéficiait, au moins d’une valeur patrimoniale largement supérieure à la valeur nominale (prix de cession pour les seules actions de Technologie égal à près de 15 millions de francs, pour le seul premier paiement qui, fut suivi d’un second quelques mois plus tard, fait que Michel X… a soustrait à la connaissance du juge pénal pour empêcher celui-ci d’apprécier la réalité du préjudice purement financier, à lui dénier les droits d’actionnaire, même minoritaire, à lui interdire de faire valoir la fausseté de l’acte de cession de 100 % des actions de TMIS, acte dans lequel Michel X… (via une cession à titre gratuit de deux actions dont il s’était prétendu propriétaire) avait tenu une place prépondérante, même dissimulée derrière l’écran d’une personne morale contractante ; que ces atteintes patrimoniales, aux droits de l’actionnaire (pour lesquelles Michel X… s’est défavorablement manifesté par ailleurs) caractérisent le préjudice matériel qui sera indemnisé à 1 000 euros et le préjudice moral, réparé à hauteur de 5 000 euros ;

« 1) alors que nul n’est légalement responsable que de son propre fait ; qu’une condamnation pénale pour production devant une juridiction d’une pièce falsifiée suppose que le prévenu ait soit volontairement produit lui-même cette pièce devant la juridiction, soit confié cette pièce à un auxiliaire de justice ou à un mandataire en vue de sa production devant cette juridiction et que la cour d’appel qui, non seulement n’a pas constaté qu’étaient établis de tels faits à l’encontre de Michel X… mais a constaté que l’ordre de mouvement considéré par elle comme un faux avait été produit par la défense de la société TMIS dont Michel X… n’était plus administrateur depuis deux ans, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1 et 441-1 du Code pénal ;

« 2) alors que l’intention frauduleuse, élément essentiel du délit d’usage de faux, doit être constatée dans la personne à l’encontre de laquelle le délit est retenu et que dans la mesure où l’intention frauduleuse a été déduite par la cour d’appel de l’intérêt dans le litige de la société TMIS, société dans laquelle elle ne relevait l’existence d’aucun intérêt en ce qui concerne Michel X… dont il n’a aucunement été allégué qu’il ait eu la qualité de dirigeant de fait, la cour d’appel n’a caractérisé l’élément intentionnel que par un motif manifestement inopérant » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Michel X… devra payer à Franck Y… au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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