Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET du pourvoi formé par :
– X… Patrick,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 26 février 1990, qui, pour mise à la disposition du public à titre onéreux de phonogrammes sans autorisation des producteurs, l’a condamné à 5 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 55 de la Constitution, des articles 30, 36, 85 et 177 du traité de Rome, de l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985, de l’article 426-1 du Code pénal et de l’article 593 du Code de procédure pénale :
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de mise à la disposition du public à titre onéreux de phonogrammes sans autorisation du producteur et l’a condamné à la peine de 5 000 francs d’amende ainsi qu’au paiement d’un franc de dommages-intérêts à la SCPP ;
» au motif que, il est simplement reproché à Patrick X… d’avoir loué les phonogrammes à des particuliers sans avoir obtenu des producteurs l’autorisation prévue par l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985 ; que les premiers juges ont justement relevé que l’application de l’article 177 du traité de Rome ne pourrait s’imposer et se justifier qu’en cas d’existence d’un élément communautaire dans la situation en cause et que le présent litige n’intéresse pas les courants d’échange, la libre circulation des produits ou la liberté des prestations de services sur le plan de la Communauté économique européenne ; que c’est donc à bon droit que le Tribunal a dit n’y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice des Communautés européennes ;
» alors que les articles 85 et 86 du traité de Rome prohibent les pratiques anticoncurrentielles dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’être affecté ; que la circonstance que l’exploitation de certains produits ne concernerait que l’exécution sur le territoire d’un seul Etat membre de contrats conclus sur ce territoire et par des parties dépendant de cet Etat, ne fait pas obstacle à elle seule à l’application de ces textes ; qu’ainsi en écartant la question préjudicielle soulevée par le prévenu au motif que les locations de phonogrammes ne comportent pas d’éléments communautaires sans rechercher si notamment, par les restrictions à l’importation qu’il implique, l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985 n’était pas susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes visés au moyen » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Patrick X…, gérant d’une société de location de disques, est poursuivi, sur la plainte avec constitution de partie civile de la SCPP Société pour l’exercice des droits des producteurs de phonogrammes pour avoir mis des phonogrammes à la disposition du public, à titre onéreux, sans l’autorisation des producteurs, faits prévus par l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985 et réprimés par l’article 426-1 du Code pénal, devenus les articles L. 213-1 et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu qui arguait de l’incompatibilité de l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985 avec les articles 30, 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne et sollicitait, à titre subsidiaire, la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes, les juges du second degré énoncent qu’ » en l’absence d’élément communautaire dans la situation en cause « , le litige n’intéresse pas les courants d’échange, la libre circulation des produits ou la liberté des prestations de services entre les Etats membres, et qu’il n’y a, dès lors, pas lieu à renvoi préjudiciel ;
Attendu que c’est à juste titre que le demandeur fait grief aux juges d’appel d’avoir statué ainsi alors que l’absence d’élément d’extranéité ne met pas obstacle à l’application des articles 30, 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne ;
Attendu, cependant, que cette erreur de droit est sans incidence sur la solution du litige dès lors, d’une part, que la faculté d’interdire les locations conférée aux producteurs de phonogrammes par l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985 est inhérente à la protection du droit d’auteur, au sens de l’article 36 du Traité précité, et dès lors, d’autre part, que l’exercice de cette faculté ne constitue pas, en soi, une pratique anti-concurrentielle prohibée par les articles 85 et 86 de ce même Traité ; qu’au surplus, s’appliquant indistinctement aux produits français et étrangers, le renforcement de la protection des producteurs de phonogrammes accordée par la loi nationale ne saurait constituer une restriction au commerce entre les Etats membres ;
Attendu que, par ces motifs substitués à ceux des juges du fond, la décision se trouve justifiée ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation de l’article 55 de la Constitution, des articles 30, 36, 85 et 177 du traité de Rome, de l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985, de l’article 426-1 du Code pénal, de l’article 10 de la convention internationale de Rome du 26 octobre 1961 et de l’article 593 du Code de procédure pénale :
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de mise à la disposition du public à titre onéreux de phonogrammes sans autorisation du producteur et l’a condamné à la peine de 5 000 francs d’amende ainsi qu’au paiement d’un franc de dommages-intérêts à la SCPP ;
» au motif que l’article 10 de la Convention internationale du 26 octobre 1961 donne le droit aux producteurs de phonogrammes d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes, que l’article 21 de cette Convention prévoit que la protection prévue ne saurait porter atteinte à celle dont pourraient bénéficier autrement les artistes interprètes ou exécutants, les producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion ; qu’il est évident que cette Convention, qui instaurait pour les producteurs de phonogrammes un minimum de protection légale n’a pas interdit une protection plus poussée établie par chaque Etat ;
» alors que l’article 10 de la convention de Rome du 26 octobre 1961 n’accorde aux producteurs de phonogrammes que le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction de phonogrammes ; que dès lors, en décidant que l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985, qui accorde auxdits producteurs le droit d’autoriser la représentation des phonogrammes, n’était pas contraire à cette norme conventionnelle supérieure, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;
Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu qui soutenait que l’article 21 de la loi du 3 juillet 1985 était contraire à l’article 10 de la convention internationale de Rome du 26 octobre 1961, qui n’accorde que le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction des phonogrammes, les juges du second degré énoncent que l’article 21 de la Convention précitée permet aux Etats signataires d’instaurer une » protection plus poussée » des droits des producteurs ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel n’a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Qu’en effet, d’une part, la définition et la réglementation des droits d’auteur relève en vertu de l’article 222 du Traité instituant la Communauté économique européenne de la compétence des Etats membres ;
Que, d’autre part, les prescriptions de la loi du 3 juillet 1985, qui ont pour effet d’apporter sur le territoire national une protection supplémentaire aux producteurs de phonogrammes, ne sont pas en contradiction avec la Convention précitée ;
Que le moyen ne peut, dès lors, qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.