Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux décembre mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de Me BROUCHOT et de Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X… Claude, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 1990, qui a relaxé Emmanuel Z… et Jacques Y… des chefs d’abus de biens sociaux et d’escroquerie, et l’a débouté de ses demandes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la d violation des articles 437 de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt a refusé de retenir à la charge des prévenus le délit d’abus de biens sociaux et ainsi débouté la partie civile de son action ;
« aux motifs que les engagements pris par la société VOGALU à l’égard de la société SFMO présentaient une contrepartie économique, financière et commerciale et que l’ensemble n’est pas dénué de sens pour VOGALU, même si, au vu des résultats négatifs, il est possible de dire que ses dirigeants n’en ont pas tiré le profit espéré, mais que ce fait ne suffit pas à lui seul à conclure que le délit est constitué ;
« alors qu’au sein d’un groupe de sociétés le concours financier apporté par des dirigeants de l’une d’elles à une autre dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement constitue, nonobstant le lien existant entre ces personnes morales, un abus des biens sociaux s’il met à la charge de la première des engagements excédant ses possibilités financières ou s’il lui fait supporter des charges sans commune mesure avec celles supportées par les autres sociétés du groupe ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt d’une part que la société VOGALU, que les prévenus contrôlaient, avait acquis en 1982 de la société SEB dont ils étaient également les dirigeants l’ensemble de ses actions de la société SFMO en déficit constant et accru depuis quatre ans, pour un prix de 9 417 680 francs ainsi que le stock de cette société pour le prix de 7 677 860 francs et le paiement d’une redevance annuelle de 600 000 francs indexée, et d’autre part que la société VOGALU avait seulement réalisé un bénéfice d’exploitation de 4 160 000 francs en 1981 puis de 1 000 000 francs en 1982 avant de devenir déficitaire après son acquisition des parts de la SFMO ;
« qu’il résultait de ces constatations que l’opération effectuée excédait les possibilités financières de la société VOGALU et avait été faite au détriment de celle-ci, qu’ainsi le délit d’abus des biens sociaux se trouvait constitué et qu’en décidant cependant que le délit ne se trouvait pas constitué, la Cour a violé l’article 437 de la loi du 24 juillet 1966 ;
« qu’ensuite, la cour d’appel en se bornant à observer qu’il existait une contrepartie économique, d financière et commerciale à
cette acquisition n’a pas justifié sa décision de relaxe, dès lors qu’elle n’a pas recherché, bien qu’elle y ait été invitée expressément par les conclusions de la partie civile, si la charge financière imposée à la société VOGALU n’excédait pas ses possibilités ; qu’ainsi elle a privé sa décision de base légale ;
« qu’enfin, en procédant à ses constatations sans toutefois répondre aux conclusions de la partie civile faisant valoir que l’opération avait été menée au détriment de la société VOGALU qui supportait une charge que lui avait entièrement transférée la société SEB, la Cour n’a pas davantage donné de motifs à sa décision qui manque de ce chef, à nouveau, de base légale ;
« et alors qu’ayant constaté une augmentation du chiffre d’affaires de la société VOGALU, passé de 49 millions de francs en 1981 à 67 millions de francs en 1982, la Cour ne pouvait, sans se contredire, justifier la baisse du bénéfice dégagé corrélativement pour ces deux exercices par « une baisse générale de l’activité dans cette activité, baisse qui a affecté d’autres entreprises » (cf arrêt page 8, alinéa 3) ; qu’en effet la baisse d’activité eut nécessairement causé au premier chef une baisse du chiffre d’affaires, qu’ainsi la cause avancée par la Cour est incompatible avec l’effet constaté, et qu’une telle contradiction équivalente à un défaut de motifs prive l’arrêt de toute base légale » ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 437 de la loi du 24 juillet 1966, et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt n’a pas retenu la mauvaise foi des prévenus ;
« aux motifs que Z… avait suffisamment informé M. X… par deux rapports, l’un élaboré en 1983 et l’autre en mai 1982 dont le sens ne pouvait échapper à M. X…, informé par ailleurs ; qu’au cours de la période pendant laquelle SFMO a vu son fonds de commerce pris en location-gérance par VOGALU, cette dernière société a connu des difficultés et des pertes, cependant il n’est pas prouvé que les opérations critiquées aient été élaborées sciemment avec mauvaise foi dans le but de favoriser SEB SA par un usage de biens ou du crédit de VOGALU contraire à l’intérêt de celle-ci ;
d « alors qu’en appréciant ainsi la bonne foi des prévenus au regard d’éléments postérieurs à l’acquisition par la société VOGALU des actions de la société SFMO et de son stock effectué les 8 et 26 février 1982, qui ne permettaient pas de s’assurer de l’intention des prévenus au moment où les actes incriminés ont été commis, la Cour a privé sa décision de base légale ;
« et alors que la Cour ne s’est nullement prononcée sur l’intention frauduleuse de Y… ; qu’ainsi, l’arrêt se trouve dépourvu de motif sur ce point et manque en conséquence de base légale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué qu’Emmanuel Z… et Jacques Y…, mandataires légaux des sociétés anonymes SEB, VOGALU et SFMO, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, notamment du chef d’abus de biens sociaux ; qu’il leur était reproché, sur plainte de Claude X… actionnaire minoritaire, partie civile, d’avoir fait acquérir par la société VOGALU des actions SFMO détenues par la société SEB et surévaluées par elle, et fait prendre par la même société le fonds de commerce de SFMO en location gérance, dans des conditions désavantageuses ;
Attendu que, pour relaxer les susnommés du chef précité et débouter la partie civile de ses demandes, la cour d’appel, après avoir observé que les prévenus s’étaient adressés à un cabinet d’expertise pour faire estimer la valeur globale des actions SFMO et déterminer le montant de la redevance de location-gérance, relève que, compte tenu de l’inflation, le prix de cession de ladite action en 1982 était en réalité inférieur à celui de 1977, et que si les résultats de la société VOGALU ont diminué c’est en raison d’une baisse générale dans son secteur d’activité ;
Qu’elle constate que l’opération, dans son ensemble, n’était pas dénuée d’intérêt pour la société VOGALU et qu’il existait pour elle une contrepartie économique et commerciale ; qu’elle ajoute que si cette société a connu, du fait de la location-gérance, des difficultés et des pertes, il n’est pas établi que les conventions critiquées aient été élaborées de mauvaise foi dans le but de favoriser la société SEB ;
Attendu qu’en l’état des ces énonciations, la d cour d’appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, les moyens, qui remettent en question l’appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause par les juges du fond, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Gondre conseiller rapporteur, MM. Souppe, Hébrard, Hecquard, Culié conseillers de la chambre, MM. Bayet, de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;