Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-neuf avril mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MORELLI, les observations de la société civile professionnelle Michel et Christophe NICOLAY et de la société civile professionnelle RICHE, BLONDEL et THOMAS-RAQUIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Marie-Hélène-
contre un arrêt du 10 juin 1986 de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE (5° chambre) qui l’a condamnée à 3 000 francs d’amende, pour contrefaçon, et s’est prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Attendu que, selon l’arrêt attaqué, Marie-Hélène X… ayant diffusé, dans la discothèque dont elle était la gérante, des oeuvres appartenant au répertoire de la » Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM), mais ayant refusé de verser à celle-ci les redevances correspondantes, le tribunal, saisi par cet organisme d’une plainte en contrefaçon a, par jugement du 25 janvier 1985, sursis à statuer afin de recueillir l’avis de la Cour européenne de justice sur l’éventuelle violation par la Sacem de l’article 81 du traité de Rome relatif à l’abus de position dominante ; que par arrêt du 12 juin 1985 la cour d’appel a infirmé ledit jugement en estimant que les premiers juges auraient du examiner d’emblée le fond de cette affaire, sur laquelle elle s’est finalement prononcée par la décision critiquée ; En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 425 du Code pénal, 26, 27 et 65 de la loi du 11 mars 1957, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Melle X… coupable du délit de contrefaçon habituelle, et condamné à diverses indemnités, outre l’astreinte à remettre à la Sacem, ses bordereaux de recettes pour la période du 1er avril 1981 au 31 décembre 1982 ;
» aux motifs que la Sacem est un organisme de droit prive qui a reçu mandat des créateurs ou des éditeurs de gérer le droit d’exécution publique ; qu’elle veille sur les droits des créateurs ; qu’elle vérifie si les représentations n’ont pas lieu sans le consentement des auteurs et sans qu’ils touchent leurs redevances et qu’elle peut passer au nom des auteurs ou des éditeurs des contrats d’exploitation ; que le contrat général de représentation, tel qu’il résulte de la loi du 11 mars 1957 (article 43), a pour but de confier à un entrepreneur de spectacles, durant la durée du contrat, le droit de représenter ou de diffuser des oeuvres actuelles et futures du répertoire d’un organisme professionnel d’auteurs aux conditions déterminées par les auteurs ou leurs ayants droit ; que la cession des droits doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation c’est-à-dire une quote-part (article 35) ; que la Sacem, selon la loi du 11 mars 1957 (article 65), a le droit d’agir en justice pour la défense des intérêts de ses mandants et, qu’elle peut ainsi mettre en mouvement l’action publique, si celui qui n’a pas sollicité son autorisation diffuse des oeuvres de son répertoire et commet les infractions prévues par les articles 426 et 427 du Code pénal ; qu’il n’y a donc pas lieu de rechercher si la Sacem est une société de défense professionnelle ou un simple organisme professionnel ; » alors que d’une part, l’article 65 de la loi du 11 mars 1957 réserve le droit d’agir en justice pour son application, aux organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ; qu’en indiquant qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si la Sacem était une société de défense professionnelle, la Cour a privé sa décision de base légale ; » alors que d’autre part, Melle X… démontrait, dans ses conclusions, que la Sacem ne pouvait avoir qualité pour agir en justice à son encontre, en raison notamment de ce que, du fait de son organisation, elle ne représentait réellement ni ne défendait les intérêts financiers de la quasi totalité de ses adhérents ; qu’en outre, si elle prétendait encaisser des redevances au profit d’auteurs étangers, elle ne leur reversait aucune part de celles-ci ; qu’en ne répondant pas à ces moyens péremptoires, de nature à établir que la Sacem n’était pas une organisation de défense professionnelle régulièrement constituée, la Cour a privé sa décision de motifs » ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 425 du Code pénal, 26, 27 et 65 de la loi du 11 mars 1957, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 177 du traité de Rome, défaut de motifs et manque de base légale ;
» aux motifs que toute contestation, portant sur la validité ou l’interprétation du traité instituant la CEE ou d’un règlement communautaire, peut constituer une question préjudicielle et être portée devant la Cour de justice des communautés d’après l’article 117 dudit traité, mais que des textes clairs et précis ne sauraient toutefois donner lieu à interprétation ; que la prévenue en l’espèce ne rapporte pas la preuve d’une entente ou d’un abus de position dominante et qu’il n’y a pas lieu ainsi de solliciter l’interprétation de la Cour de justice des communautés en ce qui concerne l’application des articles 30 et 86 de ce traité ; en conséquence qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer ; » alors que, Melle X… rappelait que le caractère de monopole absolu exercé par la Sacem, avait été constaté par la Cour de Cassation, condamné par la Commission de la concurrence, et résultait d’un certain nombre de faits précis et indiscutables ; que dans ces conditions, la Cour n’a pu, sans mieux s’expliquer, se borner à indiquer qu’aucune preuve d’une entente ou d’un abus de position dominante n’était rapportée pour refuser de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes par la voie d’une question préjudicelle » ; Ces moyens étant réunis ; Attendu que pour retenir la culpabilité de Marie-Hélène X…, la juridiciton du second degré, après avoir analysé au regard des contrats généraux de représentation proposé par la Sacem, le comportement reproché à la prévenue, indique notamment que cette société » est un organisme de droit privé qui a reçu des créateurs ou des éditeurs mandat de gérer le droit d’exécution publique ; que veillant sur les intérêts de ces créateurs, et pouvant passer, au nom de ces derniers ou des éditeurs, des contrats d’exploitation, elle vérifie si les représentations n’ont pas eu lieu sans le consentement des intéressés et sans qu’ils touchent leurs redevances ; que tel qu’il résulte de l’article 43 de la loi du 11 mars 1957 le contrat général de représentation a pour but de confier à un entrepreneur de spectacles, durant la durée du contrat, le droit de représentation ou de diffuser des oeuvres actuelles ou futures du répertoire d’un organisme professionnel d’auteurs, aux conditions déterminées par lesdits auteurs ou leurs ayants droit, la cession des droits devant comporter au profit du créateur, la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation, c’est-à-dire une quote-part (article 35) » ;
Attendu que la même juridiction relève ensuite que, » selon l’article 65 de la loi précitée, la Sacem a le droit d’agir en justice pour la défense de ses intérêts propres, mais aussi de ceux de ses mandants, et qu’ainsi elle peut mettre en mouvement l’action publique si celui qui n’a pas sollicité son autorisation diffuse des oeuvres de son répertoire et commet les infractions prévues par les artiles 426 et 427 du Code pénal ; qu’il n’y a donc pas lieu de rechercher si la Sacem est une société de défense professionnelle ou un simple organisme professionnel » ; Attendu que les juges observent en outre que » si toute contestation sur la validité ou l’interprétation du traité instituant la CEE peut constituer une question préjudicielle et être portée, d’après l’article 117 de celui-ci, devant la Cour de justice des communautés » ; des » textes clairs et précis ne sauraient toutefois donner matière à interprétation » ; qu’en l’espèce, la prévenue ne rapporte pas la preuve d’une entente ou d’un abus de position dominante et qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer pour solliciter sur l’application des articles 30 et 86 du même Traité l’avis de ladite Cour de justice » ; Attendu que par ces énonciations la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu’en effet d’une part elle a répondu pour les écarter aux conclusions de la prévenue, dont elle n’était pas tenue de suivre dans le détail l’argumentation, et ne saurait se voir utilement reprocher de n’avoir pas recherché si la Sacem était bien un organisme de défense professionnelle dès lors que par ses motifs, exempts d’insuffisance, elle venait précisément de souligner ce rôle ; que d’autre part elle a souverainement estimé qu’en présence de dispositions explicites, et faute pour la demanderesse d’établir une entente ou un abus de position dominante prohibés par le Traité de Rome, il n’était pas besoin de surseoir à se prononcer afin de consulter sur le point considéré la Cour de justice des communautés européennes ; D’où il suit que les moyens ne peuvent être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi