Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 octobre 1995, 94-85.303, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 octobre 1995, 94-85.303, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– Z… Michel, contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3ème chambre, du 2 juin 1994, qui, pour infractions au Code de la construction et de l’habitation, l’a condamné à 20 000 francs d’amende, dont 10 000 francs avec sursis, et a ordonné, sous astreinte, la mise en conformité de la construction ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 437, 446 et 591 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, L. 152-5 et L. 152-7 du Code de la construction et de l’habitation L. 480-1, L. 480-2, L. 480-5 du Code de l’urbanisme, ensemble violation des droits de la défense ;

« en ce qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué que M. B…, représentant la direction départementale de l’Equipement de Saint-Brieuc, a prêté le serment des témoins prévu par l’article 446 du Code du procédure pénale ;

« alors que les fonctionnaires ou agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés par l’autorité dont ils relèvent pour dresser procès-verbal des infractions aux règles de l’urbanisme, dont copie est adressée au ministère public aux fins de la poursuite, et qui sont entendus en leurs observations et appelés à donner leur avis des débats devant les juges du fond, ne sauraient, en cette qualité, déposer comme témoin serment préalablement prêté ;

que c’est pas conséquent, en violation de cette règle de procédure essentielle et des droits de la défense que M. B…, auteur du procès-verbal d’infraction transmis au Parquet et, entendu en ses observations devant la cour d’appel, après que le directeur départemental de l’Equipement ait conclu à la mise en conformité du bâtiment, ait prêté serment « de dire toute la vérité, rien que la vérité » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que le représentant de la direction générale de l’Equipement, délégué du préfet, a été entendu en ses observations, en vertu de l’article L. 152-5 du Code de la construction et de l’habitation, après avoir prêté serment ;

Attendu que, s’il est vrai que les dispositions de cet article impliquent que l’audition du fonctionnaire compétent n’a pas à être recueillie sous la foi du serment, l’irrégularité commise ne doit cependant pas, selon les dispositions de l’article 802 du Code de procédure pénale, entraîner l’annulation de l’arrêt, dès lors qu’il n’est pas établi, ni même allégué, qu’elle ait eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 151-1 et L. 152-2 du Code de la construction et de l’habitation, de l’article 28 et 429 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a refusé d’annuler le procès-verbal dressé par la direction départementale de l’Equipement ;

« aux motifs que sur la nullité du procès-verbal dressé par la direction départementale de l’équipement, les articles L. 151-1 et L. 152-1 prévoient que les constatations peuvent être faites par les agents commissionnés et assermentées ;

qu’il n’y a pas lieu comme le soulève à tort Michel Z… que le procès-verbal précise par qui l’agent a été commissionné, l’autorité compétente étant celle dont relève l’agent (collectivité locale ou ministère de la Construction) ; qu’en l’espèce, il est clairement précisé que les constatations ont été faites dans le cadre de la DDE ; que ce moyen sera donc rejeté ;

« alors que, ainsi que le faisait valoir Michel Z… dans ses conclusions devant les juges du fond, rien n’indique que M. B…, auteur du procès-verbal, dont on ignore la qualité, ait été régulièrement commissionné et assermenté par l’autorité compétente ; qu’une telle qualité doit, en effet, résulter des mentions dudit procès-verbal que seuls les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques dûment autorisés sont habilités à établir ;

qu’ainsi, la seule circonstance qu’il ait pu être précisé que les constatations ont été faites dans le cadre de la DDE ne saurait donc suffire à justifier de la régularité de ce procès-verbal » ;

Attendu qu’il résulte des conclusions déposées par le prévenu devant la cour d’appel que l’exception tirée de la nullité du procès-verbal n’a pas été proposée avant toute défense au fond ;

que, si les juges ont cru devoir y répondre pour la rejeter, au lieu de lui opposer l’irrecevabilité édictée par l’article 385 du Code de procédure pénale, le moyen, qui reprend ladite exception, est lui-même irrecevable en vertu de ce texte ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 111-3 et suivants, L. 111-9, L. 421-3 et L. 480-13 du Code de l’urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel Z… coupable des faits de la prévention, rejetant l’exception d’irrecevabilité des poursuite invoquée par le demandeur ;

« aux motifs que « l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme invoqué par Michel Z… ne peut recevoir application en l’espèce puisqu’il vise les infractions relatives à la méconnaissance des règles de l’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique ;

que l’obtention du permis de construire et la délivrance du certificat de conformité ne mettent pas obstacle aux poursuites engagées en l’espèce du chef d’infraction au Code de la construction, les éléments vérifiés n’étant pas similaires ;

« alors que les articles L. 111-3 et suivants du Code de l’urbanisme prévoient expressément que les règles générales de la construction applicables aux bâtiments d’habitation, notamment les règles de sécurité, les caractéristiques thermiques sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

qu’ainsi, ces normes sont, comme le faisait valoir Michel Z… dans ses conclusions devant la Cour, directement rattachables aux règles de l’urbanisme auxquelles elles sont intégrées par les dispositions des textes susvisés ;

que c’est par conséquent à tort que la cour d’appel a, sans mieux s’expliquer sur ce qu’il fallait entendre par « règles d’urbanisme » et sur la prétendue « absence de similitude des éléments vérifiés », rejeté l’exception fondée sur l’article l. 480-13 du Code de l’urbanisme » ;

Attendu qu’en écartant, par les motifs exactement repris au moyen, l’application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme invoqué par le demandeur, la cour d’appel a justifié sa décision dès lors que Michel Z… n’était pas poursuivi pour défaut de permis de construire, ou pour inobservation des prescriptions dudit permis, mais pour exécution de travaux en méconnaissance des prescriptions du Code de la construction et de l’habitation et des règlements pris pour leur application ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 111-4, L. 152-4, L. 152-5, L. 152-7, L. 111-9, L. 125-3 à L. 125-5, L. 111-7, R. 111-5 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, R. 121-1 et suivants, R. 125-4 du même Code, et le décret d’application du 5 juillet 1990, de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel Z… coupable de diverses infractions aux règles de la construction et de l’habitation ;

« aux motifs que « sur les infractions relevées que tant lors de l’enquête préliminaire que devant les premiers juges, leur matérialité n’a pas été contestée ; qu’il convient de relever que l’essentiel de l’argumentation de Michel Z… devant la Cour consiste dans l’absence de visa des différents arrêtés ou débats fixant les normes propres à chaque élément de la construction ;

qu’en cela il reprend l’argument de nullité de la citation rejeté ci-dessus ;

que pour le surplus il convient de relever : 1 ) que le procès-verbal d’huissier dressé le 1er mars fait étatd’un transport sur une simple civière avec inclinaison de la personne à plusieurs reprises ;

que cet élément n’est donc pas suffisant pour caractériser la conformité aux normes prévues à l’article R. 111-5 du Code de la construction, 2 ) qu’en ce qui concerne la réglementation thermique les éléments du procès-verbal de constat sont particulièrement précis et ne sont contestés par aucun élément en preuve contraire, 3 ) que les allégations de Michel Z… concernant l’article 20 de l’arrêt du 31 janvier 1986 relèvent d’une mauvaise lecture dudit article qui ne vise pas des immeubles ayant au moins une hauteur de 28 mètres mais au contraire des immeubles dont le plancher bas du logement le plus haut est situé à 28 mètres en plus au dessus du sol, 4 ) que le dispositif de désenfumage est prévu par l’article 25 de l’arrêté du 31 janvier 1986 ;

que l’avis donné par la direction départementale des services d’incendie et de secours vise cet arrêté ;

que cet avis vise l’endroit où sera situé le système de commande manuel qui doit aux termes de cet arrêté (article 36) doubler l’ouverture automatique des bouches d’évacuation des fumées et non le système d’ouverture lui-même (article 25) ;

5 ) qu’en ce qui concerne la porte du garage, l’article R. 125-4 et l’article L. 125-4 auquel il renvoie prévoit que toute les portes automatiques de garage installées avant l’entrée en vigueur du décret du 5 juillet 1990 devront être mises en conformité au pus tard le 31 décembre 1991 ;

que ces textes avaient déjà été publiés à la date d’achèvement des travaux de construction de l’immeuble « les dauphins » ;

6) les normes relevées par le procès-verbal sont conformes aux dispositions du décret du 4 août 1980, hauteur maximale des ressauts 2 cm ;

largeur minimum du cheminement 1,20 m ;

largeur des portes 0,90, hauteur commandes 1,30 m » ;

« alors, d’une part, que la cour d’appel n’a précisé, pour aucune des infractions (largeur de l’escalier ou de l’ascenseur, caractéristiques thermiques, opposabilité de la réglementation contre l’incendie, dispositif de désenfumage, sécurité du portail automatique, protection des handicapés), quelles étaient exactement les normes que le prévenu n’aurait pas respectées et n’a donné aucune précision sur les éléments constitutifs de chacun des délits reprochés du prévenu, points sur lesquels la prévention ne fournit d’ailleurs aucune précision permettant éventuellement de pallier la carence de l’arrêt et du jugement ;

qu’en ne s’expliquant pas sur les éléments matériels spécifiques des infractions imputées au prévenu, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer un contrôle de légalité et n’a pu donner une base légale à sa décision ;

« alors, d’autre part, qu’en ce qui concerne tout particulièrement la question du portail automatique, Michel Z… faisait valoir dans ses conclusions que les dispositions du décret du 5 juillet 1990 (article R. 125-4 du Code de la construction) n’étaient pas en vigueur à l’époque de la construction ;

qu’en se bornant indiquer que « ces textes avaient déjà été publiés à la date d’achèvement des travaux… » sans rechercher si la nouvelle réglementation était entrée en vigueur avant l’achèvement des travaux ou si Michel Z… était encore propriétaire des constructions litigieuses à l’expiration du délai imparti pour la mise en conformité, lors même que l’entrée en vigueur desdits textes était prévue à l’expiration d’un certain délai et que la mise en conformité devait intervenir avant le 31 décembre 1991, l’arrêt attaqué manque de base légale » ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des infractions poursuivies, la juridiction du second degré, après avoir relevé que la matérialité des faits n’a été contestée ni au cours de l’enquête préliminaire ni devant les premiers juges, se prononce par les motifs repris au moyen en se référant au procès-verbal, qui constate ces infractions et vise avec précision les normes méconnues en fonction de la réglementation applicable ;

que l’avis écrit donné au procureur de la République par le directeur départemental de l’Equipement, en vue de la mise en conformité des bâtiments, se réfère également avec précision à ces normes et à cette réglementation ;

Attendu que les juges relèvent, par ailleurs, que les textes relatifs à la sécurité des portes automatiques de garage étaient en vigueur, lors de l’achèvement des travaux, et que le prévenu n’a pas satisfait à l’obligation de mise en conformité qui lui incombait en vertu de ces textes ;

Attendu, enfin, que l’arrêt attaqué retient à bon droit que Michel Z…, maître de l’ouvrage et gérant de la SCI concernée, doit être considéré comme bénéficiaire des travaux au sens de l’article L. 151-4 du Code de la construction et de l’habitation ;

Attendu qu’en cet état la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Simon conseiller rapporteur, MM. Y…, X…, C…, D… E…, M. Farge conseillers de la chambre, Mmes A…, Verdun conseillers référendaires, M. le Foyer de Costil avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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