Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me Z… et de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– F… Jean-Louis,
– D… Jacques,
– E… Gérard,
– C… René, parties civiles
– A… Denis,
– X… Patrick,
– Y… Guy, inculpés contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de DOUAI, en date du 2 juillet 1992, qui, sur le seul appel, par les parties civiles, d’une ordonnance de non-lieu des chefs d’escroqueries et d’infractions à la loi du 3 janvier 1972, a confirmé le non-lieu pour escroqueries et, infirmant pour le surplus, a renvoyé Denis A…, Patrick X… et Guy Y… devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’infractions à la loi susvisée ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jean-Louis F…, Jacques D…, Gérard E… et René C…, membres du directoire de la SA « Voix du Nord », ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre Denis A…, Patrick X… et Guy Y…, leur reprochant de s’être rendus au domicile de certains actionnaires pour leur proposer le rachat de leurs actions, en se servant, notamment, d’une association prête-nom destinée à faire croire à la légitimité de leur démarche et d’avoir ainsi contrevenu aux dispositions de la loi du 3 février 1972 relative au démarchage financier et commis des escroqueries ; qu’à l’issue de l’information, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ; que, sur appel des parties civiles, la chambre d’accusation a confirmé ce non-lieu du chef d’escroqueries, a dit n’y avoir lieu à supplément d’information sur des faits dénoncés par mémoire et, infirmant pour le surplus, a renvoyé les inculpés devant le tribunal correctionnel du chef d’infractions à la loi du 3 février 1972 ;
En cet état :
Vu les mémoires produits en demande et défense ;
I – Sur le pourvoi des parties civiles :
Vu l’article 575 alinéa 2,1° du Code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 202 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu a supplément d’information ;
« aux motifs que la référence par la plainte à des faits révélés par l’instruction ne suffit pas à élargir la saisine des faits de toute nature non explicités dans la plainte : le vol par un démarcheur, une infraction routière de l’un des inculpés ou d’un tiers, par exemple, ne pourraient, comme le délit de manipulation de cours, faire l’objet d’instruction sans une nouvelle saisine spécifique ;
« alors qu’il résulte de l’article 202 du Code de procédure pénale que la chambre d’accusation, même d’office, peut statuer sur tous les chefs de crime, de délits ou de contraventions résultant du dossier de la procédure qui n’auraient pas été visés par l’ordonnance du juge d’instruction ; qu’en constatant que les délits en cause avaient été révélés par l’instruction, tout en déclarant qu’elle ne pouvait statuer sur de tels délits en l’absence de nouvelle saisine du juge d’instruction, la chambre d’accusation a méconnu se pouvoirs et violé les textes susvisés » ;
h Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des pièces de la procédure que le délit de manipulation de cours ait été révélé par l’information ;
Qu’ainsi, en ce qu’il vise une méconnaissance de l’article 202 du Code de procédure pénale, le moyen est inopérant ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
8 Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à suivre contre Denis B…, Patrick X…, et Guy Y… du chef d’escroquerie ;
« aux motifs que l’existence de la clause d’agrément ne rend pas les actions incessibles mais de tels titres ne peuvent être inscrits à la cote officielle ou au « second marché » de la bourse des valeurs ; cette clause était d’ailleurs expressément évoquée dans les protocoles de cession et un litige d’ordre commercial a opposé les parties sur les incidences de cette clause quant aux achats réalisées ; les protocoles de cession, prévoyant que les acquéreurs faisaient leur affaire de l’obtention de l’agrément, doivent s’interpréter comme comportant une clause de porte-fort qui est licite et ne constitue pas une manoeuvre frauduleuse ; qu’il est suffisamment établi par l’examen des pièces que B…, X…, et Y… s’ils ont démarché les porteurs d’actions sous couvert de l’ADN déclarée en juillet 1989, donc alors qu’ils avaient déjà acquis des titres, ont signé de leur nom les circulaires émanant de cette association, qu’en outre ils ont mené eux-mêmes les négociations et qu’ils ont en personne acheté les titres directement puis sur le marché hors cote ; l’évolution des prix du titre du jeu
normal du marché qu’ils ont relancé, le délit d’escroquerie n’est pas caractérisé ; l’existence de l’ADN ne paraît pas avoir déterminé la remise des actions par les vendeurs de titres qui seraient victimes de manoeuvres frauduleuses alléguées mais dont aucune ne s’est constituée partie civile ;
« 1°) alors qu’en déclarant que le délit d’escroquerie n’était pas caractérisé, sans préciser concrètement les éléments légaux de cette infraction qui faisaient défaut en l’espèce, la chambre d’accusation a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
« 2°) alors qu’en affirmant que l’existence de l’ADN ne paraît pas avoir déterminé la remise des actions par le vendeur, la chambre d’accusation a statué par un motif dubitatif et violé les textes susvisés » ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer partiellement l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d’accusation, après avoir analysé l’ensemble des faits visés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles des mémoires des parties civiles, a exposé les motifs pour lesquels elle estimait qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis des escroqueries reprochées ;
Attendu que les demandeurs se bornent à critiquer les motifs retenus par les juges, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d’accusation, en l’absence de pourvoi du ministère public ;
Que le moyen est donc irrecevable ;
II – Sur les pourvois des prévenus ;
Vu l’article 574 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2 alinéa 2 et 5 indice 5 de la loi n° 72-6 du 6 janvier 1972, 211, 213, 591 et 593 du Code de la procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré qu’il existait à l’encontre des inculpés des charges suffisantes du chef d’infraction au démarchage financier ;
« alors d’une part, que l’arrêt attaqué n’est à un paragraphe près, que la reproduction littérale du réquisitoire de renvoi partiel du procureur général du 26 mai 1992 rédigé avant le dépôt du mémoire des prévenus daté du 30 juin 1992 ; qu’ainsi les magistrats composant la juridiction d’instruction n’ont pas procédé, personnellement et effectivement, à l’examen des charges retenues contre les inculpés à l’issue de l’information comme le prescrit l’article 211 du Code de procédure pénale et que dès lors, l’arrêt attaqué n’est pas légalement justifié ;
« alors, d’autre part, que dans un mémoire régulièrement déposé le 30 juin 1992, les inculpés faisaient valoir que les conditions d’application de l’article 2 de la loi 72-6 du 3 janvier 1972 n’étaient pas réunies étant donné que le protocole d’accord signé entre les parties n’était pas constitutif de cession, celle-ci étant soumise à l’agrément de la société émettrice et que les opérations concernant les titres de la Voix du Nord relevaient, selon l’éminent professeur Michel G…, d’une cotation soumise à un recours officiel comme cela avait déjà été reconnu par la cour d’appel de Douai dans une affaire concernant la société Voix du Nord et qu’en conséquence ce titre pouvait faire, sans risque, l’objet de démarchage ; que l’arrêt attaqué qui ne s’explique aucunement sur les conclusions de l’inculpé est privé de motifs » ;
Attendu que, sous couleur d’insuffisance de motifs ou de défaut de réponse à mémoire, le moyen revient à critiquer les énonciations de l’arrêt attaqué relatives aux charges que la chambre d’accusation a retenues contre les prévenus et à la qualification qu’elle a donnée aux faits poursuivis ; que, ces énonciations ne contenant aucune disposition définitive que le tribunal n’aurait pas le pouvoir de modifier, le moyen est irrecevable en application de l’article 574 susvisé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Milleville conseiller rapporteur, MM. Dumont, Fontaine, Alphand, Guerder, Pinsseau conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;