Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-huit mai mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me CONSOLO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Z… Pierre, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de TOULOUSE, en date du 8 mars 1988, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie sur sa plainte contre Pierre C…, Paul X…, Roger A… et Jacques Y… du chef de fraude et falsification sur la nature et les qualités substantielles des marchandises fournies et des services assurés et des chefs d’escroquerie, faux et vol, a dit qu’il n’y avait lieu à suivre ;
Vu le mémoire produit ;
Vu l’article 575 alinéa 2, 6° ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 191 alinéa 3, 575 alinéa 2-6°, 593 du Code de procédure pénale, L. 612-1, R. 213-6 et R. 213-7 du Code de l’organisation judiciaire, non satisfaction de l’arrêt, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué mentionne que la chambre d’accusation était composée de » M. Bagneris, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Broquière, conseiller, M. Bensoussan, conseiller » ;
» alors que, selon l’article 191 alinéa 3 du Code de procédure pénale, la chambre d’accusation est composée d’un président de chambre et de deux conseillers, ces magistrats étant désignés chaque année, pour la durée de l’année judiciaire suivante, par l’assemblée générale de la Cour ; qu’aux termes des dispositions combinées des articles L. 612-1, R. 213-6 et R. 213-7 du Code de l’organisation judiciaire, le président de chambre est, en cas d’empêchement, remplacé pour le service de l’audience par un président suppléant désigné par l’assemblée générale dans les conditions susvisées ou, à défaut, par le magistrat du siège présent le plus ancien dans l’ordre des nominations à la Cour ; que s’il y a présomption que le président titulaire et les conseillers de la chambre ont été désignés conformément aux disposition de l’article 191 alinéa 3 du Code de procédure pénale, en revanche les énonciations de l’arrêt doivent permettre à la Cour de Cassation de vérifier la légalité du remplacement du président ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué ne précisant ni si M. Bagneris était président non seulement en raison de l’empêchement du président titulaire, mais encore en raison de l’empêchement d’un président suppléant, ni s’il était lui-même le conseiller présent le plus ancien dans l’ordre des nominations à la Cour, la censure est encourue pour violation des textes visés au moyen, l’arrêt ne satisfaisant pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale » ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué ainsi que des pièces régulièrement versées aux débats, d’une part, que la chambre d’accusation était composée de M. Bagneris, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, et de MM. Broquière et Bensoussan, conseillers, tous trois désignés par l’assemblée générale de la cour d’appel tenue le 14 décembre 1987, et, d’autre part, qu’aucun président suppléant n’a été désigné par cette assemblée ;
Attendu qu’en cet état la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer que la chambre d’accusation était composée conformément aux dispositions de l’article 191 du Code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 1987, dès lors qu’aucun président suppléant n’ayant été désigné par ladite assemblée la présidence était assurée, ainsi que le prescrit l’article R. 213-7 du Code de l’organisation judiciaire, par le magistrat présent le plus ancien dans l’ordre des nominations à la Cour ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 201, 204, 205, 206, 575 alinéa 2-6°, 593 du Code de procédure pénale, violation des règles de compétence d’ordre public, non satisfaction de l’arrêt, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué » prononce l’annulation de l’ordonnance du juge d’instruction d’Albi du 8 octobre 1981 en son dispositif qui donne mission aux experts d’émettre un avis motivé sur la bonne ou la mauvaise foi des parties en cause (mission n° 5) ; prononce également l’annulation du rapport des experts du 16 juin 1983 en ses dispositions relatives à cette mission (page 1 alinéa 5, page 24 et page 25) ; dit que ces dipsositions ou pièces seront retirées du dossier par voie de cancellation en ce qui concerne l’ordonnance du juge d’instruction (mission n° 5) et le rapport des experts (page 1 alinéa 5 rappel de cette mission) et par voie de classement au greffe en ce qui concerne les pages 24 et 25 dudit rapport ; dit néanmoins n’y avoir lieu à nouvelle mesure d’instruction ou contre-expertise ; dit qu’il n’existe pas en l’état charges suffisantes contre quiconque et notamment contre Pierre C…, Jacques Y…, Paul X… et Roger A… d’avoir commis les infractions dénoncées dans la plainte du 20 novembre 1978 avec constitution de partie civile de Pierre Z… comme dans son mémoire subséquent du 23 avril 1979 ; déclare irrecevable la demande de Roger B… sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; laisse les dépens à la charge de Pierre Z… ; » alors qu’aux termes de l’article 205 du Code de procédure pénale, » il est procédé aux suppléments d’information conformément aux dispositions relatives à l’instruction péalable, soit par un des membres de la chambre d’accusation, soit par un juge d’instruction qu’elle délègue à cette fin » ; qu’il s’évince de ce texte que le conseiller délégué ou le juge d’instruction délégué pour procéder au supplément d’information a tout pouvoir pour faire les actes d’instruction qu’il estime nécessaires ; que dès lors, en son arrêt avant dire droit du 28 avril 1981, la chambre d’accusation avait violé les règles de compétence d’ordre public et commis un excès de pouvoir en enjoignant au juge d’instruction d’Albi qu’elle avait délégué pour un supplément d’information, de » continuer l’instruction par une expertise technique qui portera sur les griefs faits par Z… aux travaux de construction dont il était maître de l’ouvrage, ensuite, au vu du rapport d’expertise, sur les explications de Z… et des personnes visées dans la plainte et dont l’inculpation sera alors effectuée afin de leur donner toutes les garanties des droits de la défense, et enfin sur tous autres actes ou investigations qui paraîtraient utiles à la manifestation de la vérité » ; que, par suite, l’arrêt avant dire droit du 28 avril 1981, l’ordonnance du juge d’instruction d’Albi du 8 octobre 1981 prescrivant l’expertise, le rapport d’expertise du 16 juin 1983 et l’inculpation par le juge, en 1984, de MM. C…, X…, A… et Y… étaient atteints de nullité ; qu’en rendant l’arrêt de non-lieu présentement attaqué au vu de ladite
expertise qu’elle a déclarée valable dans les limites précisées au dispositif de sa décision, la chambre d’accusation a violé les règles de compétence d’ordre public et privé son arrêt des conditions essentielles de son existence légale ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 156, 157, 158 alinéa 2 6°, 593 du Code de procédure pénale, 12 de la loi du 1er août 1905, 26 du décret du 22 janvier 1919, violation des règles de compétence d’ordre public, non satisfaction de l’arrêt, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué » prononce l’annulation de l’ordonnance du juge d’instruction d’Albi du 8 octobre 1981 en son dispositif qui donne mission aux experts d’émettre un avis motivé sur la bonne ou la mauvaise foi des parties en cause (mission n° 5) ; prononce également l’annulation du rapport des experts du 16 juin 1983 en ses dispositions relatives à cette mission (page 1 alinéa 5, page 24 et page 25) ; dit que ces dispositions ou pièces seront retirées du dossier par voie de cancellation en ce qui concerne l’ordonnance du juge d’instruction (mission n° 5) et le rapport des experts (page 1 alinéa 5 rappel de cette mission) et par voie de classement au greffe en ce qui concerne les pages 24 et 25 dudit rapport ; dit néanmoins n’y avoir lieu à nouvelle mesure d’instruction ou contre-expertise ; dit qu’il n’existe pas en l’état charges suffisantes contre quiconque et notamment contre Pierre C…, Jacques Y…, Paul X… et Roger A… d’avoir commis les infractions dénoncées dans la plainte du 20 novembre 1978 avec constitution de partie civile de Pierre Z… comme dans son mémoire subséquent du 23 avril 1979 ; déclare irrecevable la demande de Roger A… sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; laisse les dépens à la charge de Pierre Z… ; » alors, d’une part, qu’il s’évince de l’article 156 du Code de procédure pénale qu’il appartient à la juridiction d’instruction qui a ordonné l’expertise de désigner elle-même les experts ; qu’à supposer que la chambre d’accusation ait pu enjoindre au juge d’instruction d’Albi de procéder à une expertise technique, elle devait en tout cas désigner elle-même les experts ; que ceux-ci ayant été désignés par le juge d’instruction, l’expertise était nulle dans sa totalité ; qu’en rendant l’arrêt de non-lieu présentement attaqué au vu de ladite expertise qu’elle a déclarée valable dans les limites précisées dans le dispositif de sa décision, la chambre d’accusation a violé les règles de compétence d’ordre public et privé son arrêt des conditions essentielles de son existence légale ;
» alors, d’autre part, qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 1er août 1905 applicable en la cause, » toutes les expertises nécessitées par l’application de la présente loi seront contradictoires… » ; que selon l’article 26 du décret du 22 janvier 1919 pris en l’application de ladite loi, » lorsque l’expertise a été réclamée ou lorsqu’elle a été décidée par la juridiction d’instruction ou de jugement, deux experts sont désignés ; l’un est nommé par la juridiction, l’autre est choisi par l’intéressé et nommé par la juridiction dans les conditions prévues par l’article 157 du Code de procédure pénale » ; qu’en l’espèce par conséquent, à supposer que le juge d’instruction d’Albi fût compétent pour désigner les experts, il ne l’était pas pour les désigner d’autorité tous les deux comme il l’a fait dans son ordonnance du 8 octobre 1981 ; que dès lors, l’expertise était nulle dans sa totalité ; qu’en rendant l’arrêt de non-lieu présentement attaqué au vu de ladite expertise qu’elle a déclarée valable dans les limites précisées dans le dispositif de sa décision, la chambre d’accusation a violé les règles de compétence d’ordre public et privé son arrêt des conditions essentielles de son existence légale ; » et alors, enfin, qu’aux termes de l’article 158 du Code de procédure pénale, » la mission des experts, qui ne peut avoir pour objet que l’examen des questions d’ordre technique, est précisée dans la décision qui ordonne l’expertise » ; qu’il n’appartient pas au juge d’instruction d’Albi de prescrire aux experts de » donner un avis motivé sur la bonne ou mauvaise foi des uns et des autres » ; que les experts étaient donc radicalement incompétents pour donner un tel avis, ce qu’a reconnu la chambre d’accusation ; mais que cette mission irrégulière a nécessairement faussé leur appréciation générale de sorte que l’expertise, indivisible, aurait dû être annulée dans sa totalité ; que dès lors, en rendant l’arrêt de non-lieu présentement attaqué au vu de ladite expertise qu’elle a déclarée valable dans les limites précisées au dispositif de sa décision, la chambre d’accusation a violé les règles de compétence d’ordre public et privé son arrêt des conditions essentielles de son existence légale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, répondant aux articulations du mémoire de la partie civile qui demandait l’annulation de l’ordonnance commettant des experts et celle du rapport d’expertise, la chambre d’accusation a énoncé les motifs pour lesquels elle a estimé que l’annulation ne devait être que partielle ; qu’elle s’est ensuite fondée sur la partie du rapport non annulée et sur d’autres éléments pour en déduire que les faits dénoncés par la partie civile ne constituaient pas des infractions ;
Attendu d’une part, qu’il résulte des dispositions de l’article 575 du Code de procédure pénale que la partie civile n’est pas admise à critiquer la valeur de tels motifs, à l’appui de son seul pourvoi contre un arrêt de chambre d’accusation ; que d’autre part, les griefs contenus dans le deuxième moyen et la deuxième branche du troisième moyen n’ont pas été soumis à la chambre d’accusation et ne peuvent, par application de l’article 595 dudit Code, être proposés pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D’où il suit que les moyens réunis ne peuvent être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 202, 575 alinéa 2 6° et 593 du Code de procédure pénale, violation des règles de compétence d’ordre public, non satisfaction de l’arrêt, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, défaut et contradiction de motifs, contradiction entre les motifs et le dispositif, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué » prononce l’annulation de l’ordonnance du juge d’instruction d’Albi du 8 octobre 1981 en son dispositif qui donne mission aux experts d’émettre un avis motivé sur la bonne ou la mauvaise foi des parties en cause (mission n° 5) ; prononce également l’annulation du rapport des experts du 16 juin 1983 en ses dispositions relatives à cette mission (page 1 alinéa 5, page 24 et page 25) ; dit que ces dispositions ou pièces seront retirées du dossier par voie de cancellation en ce qui concerne l’ordonnance du juge d’instruction (mission n° 5) et le rapport des experts (page 1 alinéa 5 rappel de cette mission) et par voie de classement au greffe en ce qui concerne les pages 24 et 25 dudit rapport ; dit néanmoins n’y avoir lieu à nouvelle mesure d’instruction ou contre-expertise ; dit qu’il n’existe pas en l’état charges suffisantes contre quiconque et notamment contre Pierre C…, Jacques Y…, Paul X… et Roger A… d’avoir commis les infractions dénoncées dans la plainte du 20 novembre 1978 avec constitution de partie civile de Pierre Z… comme dans son mémoire subséquent du 23 avril 1979 ; déclare irrecevable la demande de Roger A… sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; laisse les dépens à la charge de Pierre Z… ; » aux motifs qu’ » en définitive les agissements dénoncés par Pierre Z… dans ses mémoires à l’appui de sa plainte avec constitution de partie civile à l’encontre des représentants de la SARL SAM, de la SA X… et Cie, de la SA Roux-Combaluzier-Schindler, ainsi que de Pierre C…, architecte, lors de la construction de l’ensemble immobilier Eden Roc à Lourdes dont il était le promoteur, ne constituent que de simples et banales inobservations des règles de l’art ou des clauses d’un marché de travaux complexes, aléas de toute opération de promotion immobilière importante, manquements générateurs de dommages-intérêts ou de réparation devant la juridiction civile, et non des infractions à la loi pénale (fraudes, falsifications de la loi du 1er août 1905, escroquerie, faux en écriture, vol) passibles
de poursuites devant les juridictions répressives, ainsi que l’a justement déclaré le juge d’instruction de Tarbes » ;
» alors, d’une part, que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Toulouse a constaté, dans l’arrêt attaqué, que le juge d’instruction de Tarbes et la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau ne s’étaient prononcés que sur le chef de fraude et falsification en matière de produits et services et non sur le chef d’escroquerie de l’article 405 du Code pénal, ce qu’avait également relevé la chambre criminelle en son arrêt du 28 octobre 1980 cassant l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau ; que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Toulouse a également relevé, dans l’arrêt attaqué, que la partie civile n’avait invoqué le délit de faux et usage de faux et le délit de vol que dans son mémoire du 1er février 1988 postérieur au dépôt du rapport des experts ; qu’elle s’est ainsi contredite dans ses motifs en énonçant que le juge d’instruction de Tarbes avait statué sur l’ensemble des infractions susvisées ; que cette contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs et entraîne la censure pour violation des articles 575 alinéa 2-6° et 593 du Code de procédure pénale, l’arrêt ne satisfaisant pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale et devant être réputé dépourvu de motifs ;
» alors, d’autre part, qu’en énonçant dans le dispositif de l’arrêt attaqué, » qu’il n’existe pas en l’état charges suffisantes contre quiconque et notamment contre Pierre C…, Jacques Y…, Paul X… et Roger A… d’avoir commis les infractions dénoncées dans la plainte du 20 novembre 1978 avec constitution de partie civile de Pierre Z… comme dans son mémoire subséquent du 23 avril 1979 « , la chambre d’accusation n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle de légalité puisqu’on ne sait pas si les infractions y visées sont seulement celles de fraudes et falsifications et d’escroquerie ou aussi celles de faux et usage de faux et de vol sur lesquelles la chambre s’est prononcée dans ses motifs en énonçant à la fois que ces dernières infractions étaient dénoncées et n’étaient pas dénoncées dans la plainte initiale et le mémoire ampliatif du 23 avril 1979 ; qu’ainsi la chambre d’accusation a violé de plus fort les articles 575 alinéa 2-6° et 593 du Code de procédure pénale ;
» et alors, enfin, que si les chefs de poursuites concernant les délits de faux et usage de faux et de vol figuraient dans la plainte initiale et le mémoire subséquent du 23 avril 1979 et s’ils n’avaient pas été compris dans les inculpations faites par le juge d’instruction de Tarbes, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Toulouse devait ordonner une nouvelle information sur lesdits chefs et n’était pas en droit de statuer à leur égard ; qu’ainsi son arrêt manque de base légale au regard des règles de compétence d’ordre public, de sorte que la censure est encore encourue pour violation des articles 575 alinéa 2-6° et 593 du Code de procédure pénale » ;
Attendu qu’il résulte de la procédure que Z…, qui avait fait construire un immeuble, a, dans une plainte avec constitution de partie civile du 21 novembre 1978 déposée devant le juge d’instruction de Tarbes, dénoncé des faits imputés tant à l’architecte C… qu’à l’entreprise de menuiserie SAM dont le responsable était Jacques Y…, sous la qualification de fraudes et falsifications prévues par la loi du 1er août 1905 et sous celle d’escroquerie ; que par un mémoire complémentaire du 28 avril 1979 il a demandé l’extension de l’information à des faits reprochés à l’entreprise X… dont Paul X… était le président-directeur général ainsi qu’à la société Roux-Combaluzier dont Roger A… était le représentant local ; que le 21 juillet 1979 le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ne visant que la seule infraction de fraude et falsification imputée à la société SAM ; que l’arrêt de la chambre d’accusation de Pau du 24 octobre 1979 confirmant cette ordonnance a été cassé par la Cour de Cassation pour avoir omis de statuer sur les chefs d’inculpation d’escroquerie ainsi que sur les infractions relevées dans le mémoire complémentaire de la partie civile ; que la chambre d’accusation de Toulouse, désignée comme cour de renvoi, a ordonné un complément d’information et une expertise en déléguant le juge d’instruction d’Albi pour y procéder ; que ce magistrat, après le dépôt du rapport d’expertise a inculpé l’architecte et les responsables des entreprises précitées de fraudes et falsifications et d’escroqueries ; qu’après le dépôt au greffe du dossier de la procédure en application de l’article 208 du Code de procédure pénale, Z… a produit devant la chambre d’accusation un mémoire dans lequel il demandait notamment que l’architecte et les responsables des sociétés en cause soient, en sus des inculpations qui leur avaient été déjà notifiées, inculpés de faux et usage de faux et que Jacques Y… soit en outre inculpé de vol ;
Attendu que la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits dénoncés par la partie civile et répondu aux articulations essentielles du mémoire de cette dernière, a énoncé les motifs pour lesquels elle a estimé que ces faits ne constituaient que des manquements aux règles de l’art ou aux clauses des marchés passés entre Z… et les entrepreneurs, mais qu’ils ne constituaient pas des infractions à la loi pénale et n’étaient ni des fraudes ou falsifications, ni des escroqueries, ni des faux en écritures, ni des vols, » ainsi que l’avait justement déclaré le juge d’instruction de Tarbes » ; qu’en conséquence elle a dit, dans le dispositif de son arrêt, qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre les personnes inculpées d’avoir commis les infractions dénoncées dans la plainte du 21 novembre 1978 et dans le mémoire subséquent du 23 avril 1979 ;
Attendu que, même si le juge d’instruction de Tarbes n’a pas statué sur les infractions d’escroquerie, de faux et de vol ni sur les faits dénoncés dans le mémoire du 23 avril 1979, la référence faite par l’arrêt attaqué aux motifs de l’ordonnance de ce magistrat est surabondante et dépourvue de conséquence dès lors que la chambre d’accusation a justifié sa décision par des motifs qui lui sont propres ; qu’en outre, si, dans les conditions qu’il prévoit, l’article 202 du Code de procédure pénale permet à la chambre d’accusation d’ordonner une nouvelle information, cette disposition ne peut empêcher les juridictions d’instruction de clore la procédure lorsqu’elles estiment que celle-ci est complète et qu’aucune infraction n’est établie et que par suite, les juges ont pu décider, sans inculpation préalable de ces chefs, que les infractions de faux et de vol n’étaient pas établies ; qu’enfin, l’omission dans le dispositif de l’arrêt des infractions de faux et de vol est la conséquence d’une erreur matérielle qui ne peut donner ouverture à cassation dès lors que le dispositif d’un arrêt doit s’interpréter par les motifs auxquels il s’unit entièrement et qu’il ressort en l’espèce des motifs de l’arrêt, clairs et dépourvus d’équivoque, que les juges ont estimé que les faits dénoncés ne constituaient ni des faux ni des vols ;
Qu’ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 575 alinéa 2-5° et 593 du Code de procédure pénale, omission d’énoncer tous les faits de la poursuite et de se prononcer sur tous les chefs d’inculpation visés dans la plainte de la partie civile du 20 novembre 1978 et le mémoire ampliatif du 23 avril 1979, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué » dit qu’il n’existe pas en l’état charges suffisantes contre quiconque et notamment contre Pierre C…, Jacques Y…, Paul X… et Roger A… d’avoir commis les infractions dénoncées dans la plainte du 20 novembre 1978 avec constitution de partie civile de Pierre Z…, comme dans son mémoire subséquent du 23 avril 1979 » ;
» alors que la chambre d’accusation a le devoir, lorsqu’elle statue sur l’appel d’une ordonnance de non-lieu, d’énoncer tous les faits de la poursuite et de se prononcer sur tous les chefs d’inculpation visés dans la plainte de la partie civile, faute de quoi celle-ci est recevable, sur son seul pourvoi, à poursuivre l’annulation de l’arrêt ;
» qu’en l’espèce, en premier lieu, Z…, dans sa plainte du 20 novembre 1978 et son mémoire ampliatif du 23 avril 1979, invoquait des faits susceptibles de constituer des fraudes et falsifications de la loi du 1er août 1905, ainsi que le délit d’escroquerie de l’article 405 du Code pénal, non seulement à l’encontre de la SAM (Y…), de la société X… (X…), de la société Roux-Combaluzier-Schindler (A…) et de M. C…, architecte, mais encore à l’encontre de D… et de l’entreprise Gil, sous-traitants irréguliers ; que la chambre d’accusation l’a bien noté dans son arrêt avant dire droit du 28 avril 1981 visant expressément (page 3 alinéa 2) » D…, menuisier » et » le représentant légal de l’entreprise de construction Gil » ; que dans le même arrêt (page 3 alinéa 4), elle a dit que l’instruction devrait continuer » par une expertise technique qui portera sur les griefs faits par Z… aux travaux de construction dont il était le maître de l’ouvrage, ensuite, au vu du rapport d’expertise, sur les explications de Z… et des personnes visées dans la plainte et dont l’inculpation sera alors effectuée afin de leur donner toutes les garanties des droits de la défense » ; que cependant, dans son ordonnance du 8 octobre 1981 nommant les experts et leur précisant leur mission, le juge d’instruction d’Albi a complètement oublié D… et l’entreprise Gil puisqu’il a prescrit aux experts de » procéder à un examen contradictoire des lieux en présence de la partie civile, de C…, architecte, et des représentants légaux des sociétés, SARL SAM, SA X… et Cie et société des Ascenseurs Roux-Combaluzier-Schindler « , ainsi que de vérifier si les griefs invoqués par Z… dans sa plainte du 20 novembre 1978 et son mémoire ampliatif du 23 avril 1979 étaient fondés à l’encontre des mêmes ; qu’ainsi l’expertise n’a pas porté sur les faits reprochés à D… et à l’entreprise Gil ; que par suite, en se fondant sur cette expertise dans l’arrêt attaqué, la chambre d’accusation a omis de statuer sur les chefs d’inculpation les concernant, ce qui entraîne la censure en vertu des articles 575 alinéa 2-5° du Code de procédure pénale ;
» qu’en second lieu, loin d’examiner et d’apprécier tous les faits reprochés par la partie civile à C…, ainsi qu’à Y…, X… et A…, représentant de leurs sociétés respectives, la chambre d’accusation s’est bornée à des énonciations et appréciations incomplètes, procédant non par analyse détaillée, mais par synthèse imprécise, et disant (arrêt page 6 in fine et page 7 in limine) » que certains manquements, imputés par Pierre Z… aux entrepreneurs dans l’exécution des travaux avec complicité de Pierre C…, architecte, (tels que les malfaçons, le défaut de finitions, le retard dans la livraison de l’ouvrage), simples violations d’obligations contractuelles, ne sont pas en eux-mêmes constitutifs d’infractions « , tandis que d’autres manquements ( » inexécutions de diverses fournitures » ou » inexistence de certains matériaux « , ou » absence de label « , ou sous-traitance de certains travaux « ) ne sauraient constituer » une fraude ou une tromperie » dès lors qu’ils n’auraient été qu’ » occasionnels et non source de préjudice pour le maître de l’ouvrage « , bref que (arrêt page 8 alinéa 2) » les agissements dénoncés par Pierre Z…… ne constituent que de
simples et banales inobservations des règles de l’art ou des clauses d’un marché de travaux complexes, aléas de toute opération de promotion immobilière importante, manquements générateurs de dommages-intérêts ou de réparation devant la juridiction civile et non des infractions à la loi pénale (fraudes, falsifications de la loi du 1er août 1905, escroquerie, faux en écriture, vol) passibles de poursuites devant les juridictions répressives, ainsi que l’a justement déclaré le juge d’instruction de Tarbes » ; qu’ayant ainsi procédé, non par analyse détaillée, mais par synthèse imprécise et même par affirmations aussi générales qu’incomplètes quant aux faits dénoncés et à leur qualification, la chambre d’accusation a omis de statuer sur tous les chefs d’inculpation concernant les quatre inculpés susnommés ce qui entraîne derechef la censure en vertu des articles 575 alinéa 2-5° et 593 du Code de procédure pénale » ;
Attendu, d’une part, qu’il résulte de la procédure que, si dans sa plainte initiale Z… reprochait à l’entreprise SAM d’avoir violé les clauses du marché en sous-traitant une partie des travaux de menuiserie à l’entrepreneur D…, aucune infraction n’était reprochée à ce dernier ; qu’ainsi le moyen pris en sa première branche, manque par le fait sur lequel il est fondé ;
Attendu, d’autre part, qu’il résulte de l’article 575 du Code de procédure pénale que la partie civile n’est pas admise, à l’appui de son seul pourvoi, à discuter les motifs par lesquels la chambre d’accusation a estimé que les infractions reprochées n’étaient pas constituées ; que le moyen qui en sa seconde branche allègue une prétendue omission de statuer mais ne tend en réalité qu’à remettre en cause les motifs de l’arrêt attaqué ne peut être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Millevile conseillers de la chambre, Mme Guirimand, M. de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Patin greffier de chambre ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;