Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 16 mai 1991, 89-82.396, Publié au bulletin

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 16 mai 1991, 89-82.396, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET des pourvois formés par :

– le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence,

– X… Catherine,

– la société Disco-Loisirs,

contre l’arrêt de ladite cour d’appel (5e chambre) du 8 mars 1989 qui a condamné Catherine X… à 30 000 francs d’amende pour contrefaçon, a déclaré la société Disco-Loisirs civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué que, sans verser les redevances correspondantes, Catherine X…, gérante d’une discothèque, a diffusé dans cet établissement des oeuvres musicales appartenant au répertoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) ; que, sur la plainte de celle-ci, elle a été poursuivie du chef de contrefaçon ;

En cet état :

Sur les quatre moyens de cassation, proposés par le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui critiquent les raisons pour lesquelles ladite cour d’appel n’a pas suivi les réquisitions du ministère public tendant à surseoir à statuer sur les poursuites ;

Et sur le premier moyen de cassation proposé pour Catherine X… et la société Disco-Loisirs et pris de la violation de l’article 386 du Code de procédure pénal, des articles 177 du traité de Rome, 485, 593 du Code de procédure pénale :

 » en ce que la décision attaquée rejette les demandes de saisine de la Cour de justice des Communautés économiques européennes formulées par la demanderesse, et visant à faire constater les infractions commises aux dispositions des articles 85, 86, 30 et 59 du traité de Rome ;

 » au motif que cette demande est formulée pour la première fois en cause d’appel, et après que la prévenue et son civilement responsable ont défendu au fond devant les premiers juges ;

 » alors que les moyens tendant à faire écarter l’application d’un texte national comme incompatible avec un texte communautaire, ou les moyens tendant à faire combiner l’application d’un texte communautaire avec un texte ou des principes du droit français, constituent, même lorsqu’ils sont assortis d’une demande de saisine de la Cour de justice des Communautés européennes pour obtenir l’interprétation du texte communautaire, un moyen de défense au fond pouvant être soulevé en tout état de la procédure, et non une question préjudicielle devant être soulevée avant toute défense au fond  » ;

Lesdits moyens étant réunis ;

Attendu que, pour écarter la demande présentée tant par le ministère public que par Catherine X… et la société Disco-Loisirs, tendant à saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une demande d’interprétation des articles 30, 59, 85 et 86 du Traité CEE, ainsi qu’à surseoir à statuer au fond en attendant la décision de cette juridiction, les juges retiennent que cette  » question préjudicielle « , qui aurait dû être invoquée par le prévenu avant toute défense au fond conformément à l’article 386 du Code de procédure pénale, a été formulée pour la première fois en cause d’appel et se trouve donc irrecevable ;

Attendu que ce motif est justement critiqué par les demandeurs dès lors qu’une telle demande ne constitue pas une exception préjudicielle au sens de l’article 386 précité ;

Attendu, cependant, que la Cour de justice des Communautés européennes ayant, par deux arrêts du 13 juillet 1989, statué sur des demandes d’interprétation émanant d’autres juridictions nationales et formulées en termes semblables, les moyens doivent être écartés comme devenus sans objet ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Catherine X… et la société Disco-Loisirs : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Catherine X… et la société Disco-Loisirs et ainsi rédigé :

 » Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir refusé d’examiner les infractions aux articles 85 et 86 du traité de Rome commises par la SACEM et d’avoir refusé de surseoir à statuer jusqu’au résultat de négociations ordonnées par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 10 novembre 1988 sur le taux des redevances ;

 » au motif qu’il a déjà été jugé que la rémunération perçue par la SACEM n’était pas inéquitable, eu égard au service rendu, et que même si ce taux était supérieur à celui pratiqué dans d’autres pays, il ne pouvait suffire à caractériser de la part de la SACEM un comportement abusif, au sens de l’article 86 du traité de Rome ;

 » alors que l’article 86 du Traité CEE doit être interprété, en ce sens, qu’une société nationale de gestion de droits d’auteur se trouvant en position dominante sur une partie substantielle du Marché commun impose des conditions de transactions non équitables lorsque les redevances qu’elle applique aux discothèques sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres Etats membres, dans la mesure où la comparaison des niveaux de tarifs a été effectuée sur une base homogène ; qu’il en serait autrement si la société de droits d’auteurs en question était en mesure de justifier une telle différence en se fondant sur des divergences objectives et pertinentes entre la gestion des droits d’auteurs dans l’Etat membre concerné et celle dans les autres Etats membres  » ;

Attendu que pour écarter l’argumentation de la prévenue et de la personne civilement responsable, selon laquelle la SACEM abusait de sa position dominante en exigeant le paiement de redevances d’un taux supérieur à celui pratiqué par les sociétés d’auteurs dans les autres Etats membres de la Communauté économique européenne, les juges exposent que la rémunération perçue par la SACEM n’est pas inéquitable eu égard au service rendu et que, même si ce taux est supérieur à celui pratiqué dans d’autres pays, il ne peut suffire à caractériser, de la part de cet organisme, un comportement abusif au sens de l’article 86 du Traité CEE ;

Attendu qu’en décidant ainsi la cour d’appel n’a pas encouru le grief allégué ;

Qu’en effet, lorsqu’un usager du répertoire d’une société de droits d’auteur, poursuivi pour contrefaçon, soutient que ladite société abuse de sa position dominante sur une partie substantielle du Marché commun en lui imposant des redevances sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres Etats membres, il appartient à cet usager d’apporter au préalable la preuve que la comparaison des tarifs a été effectuée sur une base homogène ; que tel n’étant pas le cas en l’espèce, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.


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