Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Z… Bruno,
contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 17 juillet 1998, qui, pour complicité d’escroqueries commises en bande organisée, l’a condamné à 3 ans d’emprisonnement dont 1 an avec sursis et a prononcé sur les réparations civiles ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 313-1 et 313-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Z… coupable de complicité des délits d’escroquerie aggravée commis par Alain I… ;
« au motif que Bruno Z… a établi des fiches de paye au nom de plusieurs personnes censées être employées par Copie Montmartre et que ces fiches de paye ont été utilisées par Alain I… pour être jointes à des dossiers de demandes de prêts accessoires à l’achat de véhicules ultérieurement revendus au comptant ;
« alors que les poursuites ayant été disjointes en ce qui concerne Alain I…, auteur principal, la cour d’appel ne pouvait, sans méconnaître le principe du procès équitable, juger Bruno Z… pour les faits de complicité reprochés, le privant ainsi des moyens de défense invoqués par l’auteur principal ;
« alors que la complicité légale n’existe qu’autant qu’il y a un fait principal punissable ; qu’Alain I… était poursuivi pour dix délits d’escroquerie aggravée distincts et que l’arrêt, qui ne constatait pas les éléments constitutifs de chacun de ces délits, ne pouvait légalement entrer en voie de condamnation du chef de complicité à l’encontre de Bruno Z… ;
« alors qu’en l’état de dix délits de complicité distincts visés par la poursuite, la cour d’appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à l’encontre de Bruno Z… sans constater à son encontre, pour chacun de ces délits distincts, l’existence d’actes positifs précis d’aide ou assistance » ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-6, 121-7, 313-1 et 313-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Z… coupable des délits d’escroquerie aggravée reprochés à Messieurs X…, D…, B…, Y…, Joffre et K… et à Madame L… ;
« aux motifs que Bruno Z…, comptable, a été contacté au début de l’année 1995 par Eric Y… qui cherchait à racheter une société en difficulté financière et a aussitôt soumis une offre de rachat aux actionnaires de la société Copie Montmartre dont il connaissait l’insuffisance de chiffre d’affaires. Sur les indications d’Eric Y… et d’Alain I…, il a procédé aux cessions de parts et changement de gérant au nom de Pascal N… usurpé par Joseph K… et de Pierre C… usurpé par Alain B…, rempli la déclaration de non-condamnation au nom de N… et rempli un pouvoir fait à son bénéfice au nom de N… ; il devait percevoir pour ce travail une rémunération de l’ordre de 6 à 7 000 francs d’Eric Y…. Une fois les cessions de parts effectuées, ce dernier lui a demandé d’établir des fiches de paye au nom de plusieurs personnes censées être employées par Copie Montmartre sous les noms fictifs d’Eric F…, Pascal H…, Pascal N…, Mireille A… et autres, ce qu’il a accepté, en portant sur ces documents fictifs diverses qualifications professionnelles (opérateur-responsable commercial, secrétaire-comptable), diverses rémunérations et ce en sachant que ces fiches de payes serviraient à faire des achats à crédit. Celles-ci seront utilisées par Alain X…, Jacky D…, Alain I…, Alain B…, Elisabeth E…, Eric Y…, Dominique Joffre et Joseph J… pour être jointes à des dossiers de demande de prêt accessoire à l’achat de 30 véhicules ultérieurement revendus au comptant ;
« alors que lorsque des délits distincts sont poursuivis à l’encontre d’un prévenu, les faits constitutifs de chacun d’eux doivent être constatés expressément et qu’en entrant en voie de condamnation à l’encontre de Bruno Z… au titre de 46 délits de complicité d’escroquerie distincts sans constater, en ce qui concerne chacun d’eux, la commission d’actes positifs d’aide ou assistance, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s’assurer de la légalité de sa décision de condamnation ;
« alors que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; que l’arrêt a expressément constaté que, dans 19 cas, les faux documents utilisés par les auteurs principaux avaient été fournis soit par Jacques M… dans le cadre de la société Socofi, soit par Alain I… dans le cadre de la société Access et non par Bruno Z… dans le cadre de la société Copie Montmartre et que dès lors, ayant constaté que, pour un grand nombre d’entre eux, les délits de complicité par fourniture de faux documents visée par la poursuite étaient imputables à d’autres personnes qu’à Bruno Z…, l’arrêt ne pouvait, sans méconnaître le principe susvisé, contredisant ses propres constatations, déclarer Bruno Z… coupable de complicité de l’ensemble des escroqueries commis par les auteurs principaux susvisés » ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-71, 313-1 et 313-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Z… coupable de complicité d’escroquerie en bande organisée ;
« aux motifs que, courant 1995 et 1996, une bande de délinquants s’est organisée pour acheter à crédit des dizaines de véhicules sous de fausses identités en utilisant non seulement de fausses pièces d’identité mais encore de fausses fiches de paye et de fausses preuves de domiciliation établies au nom des sociétés Access, Copie Montmartre, Socofi et Sodinel, régulièrement inscrites au registre du commerce ainsi que des comptes CCP ouverts sous de fausses identités et pour revendre ensuite au comptant lesdits véhicules à des tiers de bonne foi par le biais d’annonces parues dans la centrale des particuliers, sans que les organismes de crédit ne soient remboursés de leurs créances ; que la revente des véhicules se faisait très rapidement soit à des membres de la bande organisée eux-mêmes puis à des tiers de façon à éviter qu’un gage ne soit inscrit en préfecture avant la revente soit directement à des tiers de bonne foi ; qu’il était de cette manière acquis 57 véhicules de gamme moyenne, neufs ou quasiment neufs, revendus légèrement en-dessous de leur valeur et obtenu par ce biais un total de crédits de 5 578 000 francs ;
« alors que la composition de la bande organisée prétendue ne ressort d’aucune des énonciations de l’arrêt ; qu’en particulier la cour d’appel n’a pas constaté que les différents auteurs principaux concernés aient appartenu à cette organisation et que, de la sorte, la circonstance aggravante de commission en bande organisée n’étant pas régulièrement constatée, la déclaration de culpabilité du chef de complicité d’escroquerie en bande organisée n’est pas davantage caractérisée à l’encontre du demandeur » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’à l’instigation d’Eric Y… et Alain I…, Bruno Z…, comptable indépendant de la société Copie Montmartre, a procédé à la cession des parts de cette société au profit d’Alain B… et Joseph K… lesquels avaient pris pour la circonstance une identité usurpée et a établi à la demande d’Eric Y… des fiches de paye à l’en-tête de Copie Montmartre pour le compte de salariés qui y étaient fictivement employés sous de faux noms ; qu’Alain G…, Jacky D…, Alain I…, Alain B…, Elisabeth E…, Eric Y…, Dominique Joffre et Joseph K… ont utilisé ces faux bulletins de salaires à l’appui de demandes de prêt qui leur ont permis d’acquérir à crédit 30 véhicules automobiles qu’ils ont aussitôt revendus au comptant ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui caractérisent la participation d’Alain Z… à une bande organisée au sens de l’article 132-71 du Code pénal ainsi que l’aide ou l’assistance qu’il a sciemment apportée aux auteurs des escroqueries commises au moyen des fausses fiches de paye à en-tête de la société Copie Montmartre, seuls faits qui lui sont imputés aux termes de la prévention, la cour d’appel, devant laquelle le demandeur avait toute latitude pour contester les faits reprochés à Alain I… en dépit de la disjonction ordonnée par les juges, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D’où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;