Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 mars 2000, 99-81.665, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 mars 2000, 99-81.665, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– B… Jules,

– B… André,

– X… Michel,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 21 janvier 1999, qui, pour fraude fiscale, les a condamnés chacun à 1 an d’emprisonnement avec sursis et 200 000 francs d’amende, a ordonné la publication et l’affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l’administration des Impôts, partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 92 B, 92 J, 160, 1741, 1743 du Code général des Impôts, 593 du Code de procédure pénale, 1583 du Code civil ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel X…, Jules B… et André B… coupables de s’être frauduleusement soustraits à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 1993 ;

 » aux motifs adoptés que la fixation de la date de cession desdits titres de l’année 1990 ne repose, à l’issue du contrôle fiscal, de l’enquête de police et des débats d’audience, que sur les allégations des prévenus et sur le témoignage de Francine C… Vanner… qui n’apporte aucun élément à l’appui de cette affirmation, n’ayant trouvé trace d’aucun document concernant cette négociation… que les pièces produites à l’audience par les prévenus concernant la prétendue vente en 1990 se limitent à des articles de presse de l’époque concernant la prise de participation du groupe André dans les sociétés Kookoo et Kookaï ; que, force est de constater que lesdits articles ne mentionnent nullement l’acquisition de l’ensemble des titres de ces dernières sociétés par le groupe André mais qu’en revanche, il y est mentionné une prise de participation de 50 % alors que les associés des frères B… et de Michel X… ont cédé leurs titres au groupe André exactement aux mêmes dates ;

 » et aux motifs propres, devant la Cour, que les prévenus tentent de suppléer l’absence d’acte par la production de deux attestations, la première émanant de M. Y…, ancien président-directeur général de la société groupe André, datée du 12 mars 1998 qui écrit :  » une négociation s’est engagée, lors du premier semestre 1990 entre, d’une part, la société groupe André et, d’autre part, le trio fondateur des sociétés Kookoo et Kookaï : MM. de A…, D… et Jacques B… ; un accord est intervenu entre les parties le 26 juillet 1990 en présence de M. Z…, conseil des vendeurs, aux termes duquel il a été décidé l’acquisition de la totalité des actions Kookoo et Kookaï ; le prix d’acquisition de la totalité des actions a été fixé, dès le 26 juillet 1990, à 400 millions de francs « … ; que, dans la seconde attestation établie par M. Z…, conseil des vendeurs, le 21 octobre 1998, l’auteur mentionne :  » le 26 juillet 1990, l’accord entre les parties portait sur la transmission de l’intégralité des actions des sociétés Kookoo et Kookaï ; que, toutefois, M. Z… ne précise ni l’identité des parties en cause ni le prix convenu ; que ces seuls documents produits tardivement, qui ne comportent qu’une relation imprécise et incomplète des accords passés entre l’ensemble des actionnaires des sociétés Kookaï et Kookoo et la société groupe André, sont inopérants à prouver contre les ordres de mouvement et les registres de transfert que la cession de la totalité des titres détenus par les trois prévenus était réalisée dès le 26 juillet 1990 ;

 » alors que, d’une part, Michel X…, Jules B… et André B…, avaient fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d’appel, que la preuve que les fondateurs des sociétés Kookaï et Kookoo, représentant les actionnaires de ces sociétés, s’étaient mis d’accord dès le 26 juillet 1990 avec le groupe André sur le principe de l’acquisition par ce groupe de l’intégralité des actions Kookaï et Kookoo pour un prix global de 400 000 000 francs, résultait de la combinaison des trois éléments suivants : l’audition des prévenus et la déposition de Mme E…, secrétaire général du groupe André, la communication devant le tribunal des coupures de presse des Echos du 6 septembre 1990, et la production devant la cour d’appel des attestations de M. Y…, président-directeur général à l’époque de la cession du groupe André, et de Me Z…, conseil des vendeurs au même moment ; qu’en se bornant à examiner (page 9) les attestations de M. Y… et Me Z…, produites devant elle pour la première fois, sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions des prévenus, si ces attestations combinées avec les déclarations des prévenus, la déposition de Mme E… et les coupures de presse n’étaient pas de nature à établir l’accord sur la chose et le prix dès le 26 juillet 1990, la cour d’appel n’a pas répondu aux articulations essentielles des conclusions des prévenus et violé ainsi l’article 593 du Code de procédure pénale ;

 » alors que, d’autre part, l’attestation de M. Jean-Louis Y…, président-directeur général du groupe André, indique clairement qu’un accord est intervenu entre le trio fondateur des sociétés Kookaï et Kookoo : MM. Philippe de A…, Jean-Louis D… et Jacques B…, et le groupe André représenté par M. Y…, le 26 juillet 1990, en présence de Me Z…, conseil des vendeurs, aux termes duquel il a été décidé l’acquisition de la totalité des actions Kookaï et Kookoo pour un prix de 400 000 000 francs ; l’attestation précise, en outre, les modalités de transmission des parts et du paiement du prix : le 6 septembre 1990, transfert de 50 % des actions pour 200 000 000 francs, le 26 juin 1993, transfert de 20 % et 1996 pour le solde, et de passation de pouvoir : maintien de l’équipe dirigeante de Kookaï et Kookoo pendant une durée de trois à six ans ; que l’attestation de Me Z…, conseil des vendeurs, certifie que l’attestation de M. Jean-Louis Y… est exacte et confirme qu’un accord est intervenu le 26 juillet 1990 portant sur l’intégralité des parts des sociétés Kookoo et Kookaï et que le transfert matériel des parts devait intervenir en trois fois, le 6 septembre 1990, le 26 juin 1993, et en 1996, afin d’assurer une bonne passation de pouvoir ; qu’en décidant que ces attestations concordantes, qui précisent la date de l’accord sur la chose et sur le prix, entre les parties, les modalités de transfert des parts et de paiement du prix et de passation de pouvoir ne comporteraient qu’une relation imprécise et incomplète des accords passés entre l’ensemble des actionnaires des sociétés Kookoo et Kookaï et la société André, la cour d’appel a dénaturé leurs termes clairs et privé ainsi sa décision d’une motivation suffisante ;

 » alors que, enfin, une vente est parfaite dès l’instant où les parties s’accordent sur la chose et le prix quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu’il résulte des attestations de MM. Y… et Z…, des déclarations de Mme E…, Michel X… et Jules B…, des articles de journaux des Echos et du Figaro du 6 septembre 1990, que, dès le 26 juillet 1990, un accord est intervenu entre le groupe André, représenté par M. Y… et les actionnaires des sociétés Kookaï et Kookoo, représentés par le trio fondateur de ces deux sociétés, sur l’acquisition par le groupe André pour un prix de 400 000 000 francs de l’intégralité des actions Kookoo et Kookaï ; que, dès lors, la vente était parfaite dès cette date et non soumise à l’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ; que l’arrêt, qui est néanmoins entré en voie de condamnation, a violé les textes précités  » ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 92 B, 92 J, 160, 1741, 1743 du Code général des Impôts, 593 du Code de procédure pénale, 1583 du Code civil ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel X…, Jules et André B… coupables de s’être frauduleusement soustraits à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 1993 ;

 » aux motifs qu’au surplus, le fait pour les trois prévenus d’avoir mentionné dans leur déclaration d’impôt sur la fortune relative à l’année 1992, les titres transférés par eux à la société groupe André le 26 juin 1993, démontre que jusqu’à cette date, ils s’estimaient propriétaires de ces actions ;

 » alors que la vente entre les parties est parfaite et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas été livrée ni le prix payé ; qu’en se fondant sur le fait que les prévenus se seraient encore estimés propriétaires des parts cédées, au cours de l’année 1992, pour décider que la vente desdites parts n’était pas parfaite dès le 26 juillet 1990, la cour d’appel a violé l’article 1583 du Code civil, ensemble les textes susvisés  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué, partiellement reprises aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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