Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Z… Maryvonne, épouse X…, contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 21 mars 1996, qui, sur renvoi après cassation, des chefs de liquidation dans des conditions irrégulières et publicité de nature à induire en erreur, l’a condamnée à des réparations civiles et a ordonné la publication de la décision dans plusieurs journaux ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 1351 du Code civil, 568 et suivants, 591, 609 du Code de procédure pénale, L. 139-4 du Code de l’organisation judiciaire, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que la décision attaquée a rejeté l’exception d’illégalité du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962 soulevée par la demanderesse ;
« aux motifs que le 9 janvier 1995, la chambre criminelle a retenu les principes suivants :
« si les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier la légalité des actes réglementaires lorsque de cet examen dépend la solution du procès qui leur est soumis, elles ne sauraient déclarer illégal un décret pris en application d’une loi comportant des dispositions répressives que dans le cas où ledit décret en étend ou en modifie la portée (…) ; »
« …que, pour déclarer illégales les dispositions de l’article 6-4° et 7° du décret du 26 novembre 1962, la cour d’appel relève qu’en exigeant du vendeur qu’il soit propriétaire des marchandises liquidées et en lui imposant de justifier qu’il est en possession de ces marchandises depuis au moins 3 mois, le décret a ajouté des conditions supplémentaires à celles prescrites par la loi et est, ainsi, entaché d’illégalité ; »
« … qu’en prononçant ainsi, alors que le décret précité ne fait que préciser les modalités d’application de la loi du 30 décembre 1906, laquelle définit à elle seule les éléments de l’infraction, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du principe susénoncé, repris à l’article 11-5 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 ; »
« D’où il suit que la cassation est encourue. »
« qu’il est ainsi confirmé que les dispositions du décret ne contiennent pas de restrictions supplémentaires mais simplement complètent les dispositions de la loi en les précisant; qu’il y a lieu, dans ces conditions, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception d’illégalité invoquée ;
« alors que les arrêts de la Cour de Cassation n’ont pas l’autorité de la chose jugée; que les juges ne pouvaient donc se contenter de reproduire l’arrêt de la Cour de Cassation et affirmer qu’il en résultait certains principes; qu’ils avaient l’obligation d’examiner l’exception d’illégalité invoquée devant eux et, s’ils entendaient la rejeter, le faire par leurs propres motifs; qu’en se contentant d’affirmer qu’il est établi par l’arrêt de la Cour de Cassation que les dispositions du décret du 26 novembre 1962 ne contiennent pas de restrictions supplémentaires par rapport à la loi du 30 décembre 1906, les juges du fond ont méconnu leur propre compétence » ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906, des articles 6 du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que la décision attaquée a déclaré Maryvonne Y… coupable du délit prévu et réprimé par l’article 2 de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage ;
« aux motifs que l’élément matériel et l’élément intentionnel du délit réprimé par la loi de 1906 se trouvent réunis car Maryvonne Y… a demandé l’autorisation de liquider son stock, cependant que les conditions posées par la loi de 1906 et le décret de 1962 n’étaient pas réunies ;
« alors qu’il résulte de l’article 1er de la loi du 30 décembre 1906 que les ventes de marchandises, non comprises dans les prohibitions de la loi du 25 juin 1841 sur les ventes aux enchères, ne pourront être faites sous les formes de solde, liquidation, ventes forcées ou déballages, sans une autorisation spéciale du maire de la ville où la vente doit avoir lieu; que la loi indique les pièces et justifications nécessaires pour obtenir cette autorisation; que le décret du 26 novembre 1962, à le supposer légal, a posé un certain nombre de conditions pour que l’autorisation puisse être obtenue; que l’article 2 de la loi prévoit des peines au cas de contraventions aux dispositions de l’article 1er; que le délit est constitué par la vente sans autorisation, mais non par la vente lorsqu’elle est réalisée en application d’une autorisation, fut-elle illégale; qu’en l’espèce actuelle, ce qui était reproché à Maryvonne Y… c’était non pas d’avoir vendu des marchandises sans avoir obtenu l’autorisation du maire, mais d’avoir procédé à une liquidation sous le couvert d’une autorisation que les juges du fond ont considérée comme illégale; que le fait, à supposer même que l’autorisation obtenue du maire ne soit pas conforme aux conditions du décret du 26 novembre 1962, n’avait pas pour effet de constituer le délit prévu et réprimé par l’article 2 de la loi du 30 décembre 1906 » ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage, de l’article 3 du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que la décision attaquée a considéré que les éléments du délit prévu et réprimé par la loi du 30 décembre 1906 se trouvaient réunis car la liquidation sollicitée n’était pas la conséquence réelle de modification des conditions d’exploitation, car il n’y a pas eu véritablement un changement d’enseigne puisque les noms Y… et Espace Diamant figurent toujours à la nouvelle enseigne et que seule a été supprimée la référence au groupe Codhor à laquelle la société Guegin-Picaud a substitué la mention « Les Nouveaux Bijoutiers »; que les déboires du groupement Codhor n’ont pas provoqué l’éloignement de la clientèle attachée au nom Y… et que le changement d’enseigne allégué n’était donc pas nécessaire ;
« alors que la demanderesse avait fait valoir non pas seulement qu’il y avait un changement d’enseigne, mais qu’elle s’était rapprochée du groupement d’intérêt économique Expansior exploitant la marque Les Nouveaux Bijoutiers, qu’elle a obtenu une concession du droit d’usage à titre d’enseigne et dénomination pour son magasin de la marque Les Nouveaux Bijoutiers; que le changement d’enseigne n’a pas consisté uniquement dans la suppression du terme Codhor mais avait pour vocation de mettre désormais en avant l’enseigne Les Nouveaux Bijoutiers; que la société Y… est actionnaire des Nouveaux Bijoutiers et participe, depuis ce changement d’enseigne, à des opérations promotionnelles en associant systématiquement son nom commercial à l’enseigne Les Nouveaux Bijoutiers; que l’exploitation de la société Y… et les conditions du commerce étaient liées à l’adhésion de la société à un groupement qu’il approvisionnait, pour l’essentiel, des marchandises proposées à la vente et lui prodiguait une assistance technique, lequel groupement faisait au surplus de la publicité; qu’il y a eu modification profonde des conditions d’exploitation; que la demanderesse avait également assimilé la situation de la société Y… à celle d’un concessionnaire d’une marque automobile qui change le panneau et passe d’une marque à une autre, modifiant ainsi profondément ses conditions d’exploitation même si cette dénomination sociale reste la même ;
qu’en se contentant de rechercher si le changement d’enseigne constituait un changement de structure et d’exploitation, sans rechercher si l’adhésion de la société Y… à un nouveau groupement et la diffusion de marchandises d’une gamme fabriquée par un autre fournisseur que l’ancien (le groupe Codhor), et fournies par un groupement auquel la société Y… avait adhéré, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, et n’a pas répondu à un moyen péremptoire » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que si la loi du 30 décembre 1906 et le décret du 26 novembre 1962 ont été abrogés par la loi du 5 juillet 1996 et son décret d’application, en date du 16 décembre 1996, les réparations civiles allouées par l’arrêt attaqué sont justifiées par la seule déclaration de responsabilité pour publicité de nature à induire en erreur, chef de condamnation non remise en cause par les moyens ;
Que, dès lors, ceux-ci doivent être écartés ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Roman, Schumacher, Martin, Mme Garnier conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;