Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 février 1994, 90-80.589, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 février 1994, 90-80.589, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de Me COSSA et de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MONESTIE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– C. Jean, contre l’arrêt de la cour d’appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 1990, qui, pour diffamation publique envers des particuliers, l’a condamné à 1 000 francs d’amende avec sursis et à des réparations civiles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du Code civil, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré C. coupable de diffamation, l’a condamné à la peine de 1 000 francs d’amende en répression, ainsi qu’au paiement des dommages-intérêts aux parties civiles ;

« aux motifs propres que le prévenu qui reconnaît avoir associé le qualificatif d’espion industriel à un chef du personnel participant à l’entreprise c. A. A. ne conteste pas sérieusement la réalité des propos qui lui sont attribués ;

« et aux motifs adoptés que, si l’atelier dans lequel ont été tenus les propos reprochés à Jean C. n’est pas un lieu public par nature, il apparaît cependant que son accès n’est pas limité aux seuls membres de l’entreprise et qu’au moins trois personnes extérieures à celle-ci ont pu entendre les paroles prononcées par Jean C. ; que la publicité, élément nécessaire pour que le délit de diffamation soit constitué, apparaît donc bien exister ;

« alors que C. faisait valoir dans ses conclusions que les propos incriminés avaient été tenus dans le bâtiment 33 de l’Atelier Industriel Aéronautique qui, dépendant du ministère de la Défense, est un lieu interdit au public, toute personne y pénétrant devant être en possession d’une carte d’habilitation ;

« que, dès lors, d’une part, en ne recherchant pas si les trois personnes prétendument extérieures à l’entreprise, lesquelles étaient nécessairement titulaires de cette carte d’habilitation du fait de leur présence dans l’atelier, ne se trouvaient pas ainsi intégrées au personnel dûment habilité auquel l’accès de cet atelier était strictement réservé, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler le concept de publicité défini à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ;

« et que, d’autre part, et du même coup, elle a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions ;

« alors, encore, que, faute d’avoir défini la notion d’entreprise qui, pouvait parfaitement englober la société C., actionnaire de la société A. A. M., la cour d’appel ne pouvait légalement affirmer que les propos incriminés tenus devant les salariés de la société mère l’avaient été devant trois personnes extérieures à l’entreprise ;

« alors, surtout, que, pour ce faire la cour d’appel a adopté les motifs hypothétiques et dubitatifs des premiers juges relevant que les trois personnes en cause « ont pu entendre les propos prononcés par Jean C. » » ;

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme, que pour déclarer Jean C. coupable de diffamation publique envers Jean-Paul F. et la société A. A., les juges relèvent que, selon les déclarations produites, C. a, dans l’atelier de la société Air A. M. qu’il dirige, annoncé, devant l’ensemble de son personnel et trois personnes étrangères à son entreprise, qu’Alain B., chef du personnel, était licencié pour espionnage industriel car il avait des actions dans une société concurrente dont le président directeur général était M. F. ; qu’ils énoncent ensuite que, si le local de la société A.-M., lui-même situé dans l’enceinte de l’atelier industriel aéronautique, n’est pas un lieu public par nature, son accès n’est pas limité aux seuls membres de l’entreprise puisqu’au moins trois personnes extérieures à celle-ci avaient pu entendre les propos incriminés ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations déduites d’éléments extrinsèques échappant au contrôle de la Cour de Cassation, et de motifs dépourvus de tout caractère hypothétique, c’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré qu’était constituée la publicité, élément nécessaire du délit de diffamation sans qu’il y ait lieu de s’arrêter aux conditions dans lesquelles des personnes étrangères avaient pu assister à la réunion des membres du groupement, liés par une communauté d’intérêts ;

Qu’il suit de là que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d’office et pris de la violation de l’article 749 du Code de procédure pénale ;

Vu ledit article ;

Attendu qu’aux termes de cette disposition, la contrainte par corps ne peut être prononcée pour une infraction ayant un caractère politique ;

Que les infractions à la loi du 29 juillet 1881 sont assimilées aux infractions politiques ;

Qu’il s’ensuit que c’est à tort que la cour d’appel a confirmé en toutes ses dispositions pénales le jugement entrepris qui prononçait la contrainte par corps contre C., condamné pour diffamation publique envers des particuliers ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l’arrêt de la cour d’appel de Riom, en date du 17 janvier 1990, par voie de retranchement et sans renvoi, dans ses seules dispositions relatives à la contrainte par corps, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Riom, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Guerder conseiller rapporteur, MM. Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Pinsseau, Joly, Schumacher conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier, M. Poisot, Mme Fayet conseillers référendaires, M. Monestié avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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