Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 décembre 2004, 03-83.474, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 décembre 2004, 03-83.474, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze décembre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de Me BLANC, de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– X… Michel,

– Y… Pierre,

– Z… Stanislas,

– A… Jacques,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 14 mai 2003, qui a condamné Michel X…, pour corruption passive, atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, complicité de faux et d’usage, recels d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance, à 18 mois d’emprisonnement, dont 12 mois avec sursis, 15 000 euros d’amende et 3 ans d’interdiction des droits de vote et d’éligibilité, Pierre Y…, pour corruption active, abus de biens sociaux, complicité de faux et d’usage, à 1 an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, Stanislas Z…, pour corruption active, complicité de corruption active, trafic d’influence, abus de biens sociaux, recels d’abus de biens sociaux, à 3 ans d’emprisonnement, dont 2 ans avec sursis, et 150 000 euros d’amende, Jacques A…, pour atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, corruption passive, trafic d’influence, complicité et recels d’abus de biens sociaux, recel d’abus de confiance, à 3 ans d’emprisonnement, dont 2 ans avec sursis, 150 000 euros d’amende et 3 ans d’interdiction du droit de vote et d’éligibilité, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs et complémentaire produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, notamment dans le courant des années 1991 à 1995, l’attribution et l’exécution des marchés portant sur les bâtiments du parc immobilier du département des Yvelines a donné lieu à des pratiques généralisées de favoritisme, liées à des actes de corruption des élus et fonctionnaires du conseil général de ce département ;

Que ces pratiques frauduleuses ont été mises en uvre par l’action conjuguée de la commission d’appel d’offres, des services techniques du conseil général et d’un nombre limité d’entreprises qui ont pu obtenir des marchés publics, moyennant l’attribution d’avantages occultes à un certain nombre d’élus et de fonctionnaires du département ;

Que Jacques A…, conseiller général, président de la commission d’appel d’offres, a été déclaré coupable d’atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, corruption passive, trafic d’influence, recel d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance, complicité d’abus de biens sociaux ;

Que Michel X…, directeur de la coordination des services techniques du conseil général, a été déclaré coupable d’atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, corruption passive, complicité de faux et d’usage, recels d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance ;

Que Pierre Y…, directeur général des sociétés Rousseau et Billez, a été déclaré coupable de corruption active, complicité de faux et d’usage, abus de biens sociaux ;

Que Stanislas Z…, dirigeant de l’entreprise STEPC, a été déclaré coupable de corruption active, complicité de corruption active, abus de biens sociaux, recel d’abus de biens sociaux, trafic d’influence ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Michel X…, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel X… coupable de diverses infractions qui lui étaient reprochées ;

« aux motifs adoptés des premiers juges qu’en sa qualité de directeur de la coordination et des services techniques, il apparaissait moins impliqué dans le système écrit ; que jouant un rôle ambigu, il avait à la fois essayé de mettre un terme à certaines pratiques mais avait également bénéficié du système ; qu’il semblait avoir à la fois été un exécutant zélé des instructions données et dans l’impossibilité d’avoir une quelconque autorité sur M. B… ;

« alors, d’une part, que le doute doit profiter au prévenu et sa culpabilité être affirmée en des termes non équivoques ; qu’en ayant énoncé que Michel X… « apparaissait moins impliqué » et avait joué un « rôle ambigu », la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs ;

« alors, d’autre part, qu’en ayant énoncé que Michel X… « semblait » avoir été un exécutant zélé, la cour d’appel a statué par un motif dubitatif équivalent aussi à un défaut de motifs » ;

Attendu que ce moyen, qui critique une disposition du jugement non reprise par l’arrêt, ne peut qu’être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jacques A…, pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jacques A… coupable de favoritisme au profit des sociétés STEPC, C…, Verger, Delporte, Magnard, CMV, D…, Chagnault, Serpev et Chapelle, et l’a condamné de ce chef ;

« aux motifs que, dans le cadre du renouvellement des marchés publics d’entretien du parc immobilier du département des Yvelines, intervenu fin 1993, il est reproché à Jacques A… d’avoir, en sa qualité de conseiller général des Yvelines, président de la Commission d’appel d’offres du conseil général, procuré des avantages injustifiés à diverses entreprises, par des actes contraires aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et d’égalité des candidats dans Ies marchés publics ; que le système de favoritisme consistait à utiliser la procédure d’appel d’offres restreint par lots et par secteur, la Commission d’appel d’offres opérant une présélection ;

que les fourchettes de rabais de prix étaient étabIies par le service des bâtiments du département et communiquées à la Commission d’appel d’offres qui les entérinait et les mettait sous pli, après acceptation ;

que les entreprises avaient eu connaissance de ces fourchettes par l’intermédiaire des élus (arrêt pp. 93 et 94) ; que ce système de communication d’informations privilégiées par M. B…, directeur du service des bâtiments au conseil général des Yvelines, ne pouvait fonctionner sans l’aval et la participation effective de la Commission d’appel d’offres, d’autant que celui- ci donnait son accord aux fourchettes de rabais de prix préalablement établies par les services des bâtiments du département, qu’il avait, par sa formation d’expert immobilier et par son ancienneté au sein de la CAD, une parfaite connaissance technique des dossiers, et qu’il ne pouvait, dès lors, manquer de relever la parfaite adéquation entre les fourchettes retenues par la CAO et les prix proposés par l’entreprise attributaire ; qu’il s’ensuit que Jacques A… a eu, en sa qualité d’élu au conseil général, un rôle actif dans la communication aux entreprises, en 1993, par M. B…, des fourchettes de rabais de prix, et s’est ainsi rendu coupable du délit de favoritisme, au profit des dix sociétés (arrêt p. 103) ;

« alors que le délit de favoritisme suppose que le prévenu ait procuré à une entreprise un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ; qu’en se bornant à déduire de sa qualité de président de la Commission d’appel d’offres, de son ancienneté et de sa parfaite connaissance des dossiers, le prétendu rôle actif de Jacques A… dans la communication aux entreprises des fourchettes de rabais de prix, dont elle constate expressément qu’elle était le fait de M. B…, directeur du service des bâtiments, sans caractériser, de la part de Jacques A…, des actes contraires aux dispositions garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés pubics, ayant procuré aux dix entreprises un avantage injustifié, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Michel X…, pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Michel X… coupable de favoritisme au profit de la Société SVEE et à l’occasion du renouvellement du marché des baux d’entretiens ;

« aux motifs s’agissant de la Société SVEE qu’en ayant proposé à M. E… une solution qu’il savait contraire au Code des marchés publics, consistant à détourner l’exécution d’une décision de la commission d’appel d’offres, Michel X…, qui disposait de moyens intellectuels et de l’autorité suffisante pour résister aux demandes de M. E… s’était rendu coupable de favoritisme ;

« et concernant le renouvellement du marché des baux d’entretien, que s’il n’était pas le vecteur principal de la communication des fourchettes de rabais, il avait communiqué des informations privilégiées qui n’étaient pas seulement des tendances ; qu’il n’importait pas que ces chiffres n’eussent pas été retenus par la commission d’appel d’offres, le délit consommé par la fourniture, d’informations à certains candidats ; qu’il avait en outre mission de superviser le travail réalisé par le SBD ; qu’il était agent d’une collectivité publique territoriale et avait participé au système de communication d’avantages injustifiés au profit d’entreprises ;

« alors, d’une part, que le délit poursuivi suppose que le prévenu ait procuré à une entreprise un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions garantissant la liberté d’accès des candidats dans les marchés publics ; qu’en retenant Michel X… dans les liens de la prévention pour avoir proposé au président du conseil général, autre prévenu dépositaire de l’autorité publique et non candidat à un marché public, une solution contraire au Code des marchés publics, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ;

« alors, d’autre part, que n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ; qu’en n’ayant pas caractérisé la connaissance par Michel X… du caractère manifestement illégal de l’acte accompli et sa contrariété aux intérêts de la collectivité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

« alors, enfin, que le délit de favoritisme suppose que les actes commis aient été déterminants de l’attribution de la commande publique ; qu’en déclarant coupable Michel X…, qui n’avait pas de droit de vote au sein de la commission d’appel d’offres pour le renouvellement des baux, après avoir constaté qu’il n’était pas le « vecteur principal de communication des fourchettes de rabais », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations » ;

Les moyens étant réunis ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jacques A… et sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Michel X…, pris en sa troisième branche ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’à l’occasion du renouvellement des marchés publics d’entretien du parc immobilier du département des Yvelines, intervenu en 1993, des élus et fonctionnaires de ce département, notamment Jacques A…, et Michel X…, ont, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres restreint, communiqué aux entreprises pré-sélectionnées les fourchettes de rabais de prix établies par les services des bâtiments du département et transmises à la commission d’appel d’offres ; que les entreprises, informées de ces « fourchettes » de rabais par l’intermédiaire d’élus ou de fonctionnaires, se sont alors réparties les lots pour ne présenter que des offres les moins disantes dans les secteurs où elles avaient la certitude d’obtenir les marchés ;

Attendu que, pour retenir Jacques A… dans les liens de la prévention du chef d’atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, au profit de dix entreprises, les juges relèvent que le système de communication d’informations privilégiées n’a pu fonctionner sans sa participation effective, dès lors qu’il a donné son accord sur la fixation des « fourchettes » de rabais de prix et qu’il n’a pu que constater, lors de l’ouverture des plis, la parfaite adéquation entre les « fourchettes » retenues et les prix proposés par l’entreprise à laquelle le marché était attribué ; que les juges ajoutent qu’il est mis en cause par deux fonctionnaires du département comme « se trouvant au c ur du système » ;

Que, pour dire Michel X… coupable du même délit ayant profité à quatre entreprises, les juges retiennent que celui-ci a personnellement communiqué des informations privilégiées à certaines entreprises ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine des faits de la cause, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Michel X…, pris en ses deux premières branches ;

Attendu que, pour dire Michel X… coupable d’atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics au profit de la société SVEE, l’arrêt énonce que cette société attributaire d’un lot, avait été chargée, par le prévenu, sur la demande du président du conseil général des Yvelines, d’exécuter des travaux hors marché, à hauteur de dix millions de francs ; que l’arrêt ajoute que le prévenu disposait « des moyens intellectuels et de l’autorité suffisante » pour résister aux demandes d’un président d’une collectivité territoriale ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors qu’eu égard à ses fonctions le prévenu ne pouvait ignorer le caractère manifestement illégal de la demande qui lui était faite, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Pierre Y…, pris de la violation des articles 179 de l’ancien Code pénal, 111-4, 121-1 et 433-1 du Code pénal, 1er de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la clarification du financement des activités politiques, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pierre Y… coupable de corruption active ;

« aux motifs, d’une part, qu’à la suite de la réception par le procureur de la République de Versailles, le 4 août 1995, d’une lettre anonyme dénonçant des faits de corruption au sein des services du conseil général des Yvelines, « ayant en charge la construction neuve des collèges, des gendarmeries, ainsi que tous les travaux d’entretien des bâtiments départementaux », selon laquelle des marchés auraient été attribués au profit de certaines sociétés, en échange d’avantages consentis à différents élus ou fonctionnaires, une demande d’enquête a été adressée, le jour même, par le procureur, au SRPJ de Versailles et une information a été ouverte, par réquisitoire introductif du 11 octobre 1995 ; que l’ensemble des délits sur lesquels la Cour doit se prononcer dans cette procédure présentent entre eux un lien de connexité évident, puisque, même s’ils ont été découverts progressivement, au fur et à mesure des investigations du juge d’instruction et ont fait l’objet de réquisitoires supplétifs distincts, ils ont été commis, selon la prévention, dans le cadre d’un concert organisé et généralisé de favoritisme et de corruption au sein des services et de la commission d’appel d’offres du conseil général des Yvelines, par des élus ou des fonctionnaires de cette collectivité, d’une part, et par les responsables d’entreprises ou de bureaux d’études, bénéficiaires de marchés d’autre part ; ces faits sont, en outre, tous relatifs aux conditions d’attribution ou d’exécution de marchés publics à réaliser sur les bâtiments du département, soit au titre de leur entretien, soit au titre de leur construction ou de leur extension et aux avantages consentis aux élus et aux fonctionnaires, par les responsables des différentes sociétés attributaires des marchés ; il existe donc entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus à l’article 203 du Code de procédure pénale ; il en résulte que le soit transmis adressé par le procureur de la République, le 4 août 1995, au SRPJ de Versailles, premier acte interruptif de prescription, a ce même effet à l’égard de l’ensemble des infractions poursuivies dans cette procédure, sous réserve que la prescription n’ait pas été déjà acquise à cette date ;

que le délit de corruption reproché à M. F… ne s’est pas limité à la conclusion du pacte intervenu, lors de la réunion au cours du premier semestre 1992, il s’est renouvelé par les différents actes d’exécution du même pacte formant entre eux un tout indivisible provenant de la même intention frauduleuse, notamment par le paiement de fausses factures ou de divers avantages aux élus intervenus au cours de l’année 1993 et 1994, dont le principe avait été admis lors de la conclusion du pacte ;

« aux motifs, d’autre part, que la société Rousseau, habilitée monument historique, filiale du groupe Bouygues, dirigée par Pierre Y…, qui dirigeait également la société Billiez, était intéressée par l’obtention de marchés du conseil général des Yvelines ; son directeur commercial, M. F…, a alors pris contact avec Pierre B… pour lui présenter son entreprise ; que celui-ci a organisé, à son domicile, un rendez-vous auquel participaient M. F… et Stanislas Z…, responsable de la STEPC, entreprise du département, mais qui ne pouvait obtenir seule le marché du lycée Hoche car elle n’avait pas la qualification monument historique ; au cours de cette réunion, Stanislas Z… se serait fait fort de remporter ce marché et il avait été indiqué à M. F… qu’il y aurait des « frais à prévoir », de l’ordre de 200 000 francs ; qu’un groupement des entreprises a alors été décidé et les sociétés Rousseau et STEPC ont été attributaires du marché, en juin 1992, la société Rousseau étant mandataire du groupement ; selon l’accusation, Pierre Y…, dirigeant salarié de la société Billiez, aurait ensuite rémunéré l’obtention du marché, de la manière suivante, M. F… ayant quitté l’entreprise en avril 1993 : deux fausses factures ont été payées par les sociétés Billiez au profit de RCO, pour un montant de 70 000 francs, le 20 octobre 1993 : 30 000 francs et le 16 mai 1994 : 40 000 francs ; qu’il convient, à cet égard, de préciser les intérêts financiers de M. B… à travers la RCO ; qu’en février 1991, M. et Mme B… ont constitué la SA Reveyon, dont M. B… était le PDG, pour devenir une société holding regroupant les différentes activités des membres de la famille ; cette dernière n’a eu aucune activité commerciale ; qu’en mars 1991, la société RCO a été constituée entre la SA Reveyon (225/475 parts), M. G…, fils de Mme B… (25 parts) et Antoine H…, gérant, porteur de 225/475 parts ; M. H… n’assurera plus la gérance de novembre 1993 à février 1994, remplacé par M. I… ;

M. B… a indiqué que la société RCO a été utilisée en partie dans le système de fausse facturation mis en place dans la société CRI, pour ne pas trop faire apparaître cette dernière dans les relations avec les bureaux d’études ; que la rétrocession à Ia société CRI des sommes versées à la société RCO par les bureaux d’études s’effectuait par le paiement, par le biais de factures majorées, de prestations administratives (comptabilité et secrétariat) réalisées par la société CRI pour le compte de la société RCO ; que la société RCO est également intervenue comme sous-traitant occulte des bureaux d’études travaillant avec le département pour les saisies de plans informatiques sur le système « Autocad » ; M. B… a reconnu qu’il y avait un système complexe de refacturation entre la société CRI et la société RCO, celle-ci intervenant comme intermédiaire pour la rémunération occulte de M. B… par les bureaux d’études et les entreprises attributaires de marchés du conseil général : par des remises d’espèces ou par le règlement par la société RCO de fausses factures émises par la société CRI ou bien par le biais de la fausse facturation adressée par la société RCO aux bureaux d’études et entreprises, doublant la fausse facturation CRI ; que malgré les dénégations de MM. A… et J…, il est démontré qu’a été conclu, avec leur accord de principe, lors de la rencontre de Stanislas Z…, MM. F… et B…, au domicile de ce dernier, dans le courant du premier semestre 1992, un pacte de corruption, selon lequel les sociétés Rousseau et STEPC obtiendraient le marché de couverture du lycée Hoche à Versailles, en échange de rémunérations de décideurs à hauteur de 200 000 francs, même si le détail des modalités d’exécution et le nom des bénéficiaires n’a pas été précisé ; que ce groupement de sociétés a été attributaire du marché, alors que la société Rousseau n’avait jamais pu, antérieurement, obtenir de marchés ;

que la Cour considère que les avantages ci-dessus analysés, versés respectivement à Jacques A… et M. J… constituent la contrepartie de cette attribution et donc les différents actes d’exécution du pacte de corruption ; que M. B… n’a pas contesté avoir perçu sa « rémunération », à hauteur de 70 000 francs, sous forme de deux fausses factures de 30 000 francs et 40 000 francs, payées par la société Billiez à la société RCO, et ce, en exécution du pacte de corruption conclu entre lui-même, Stanislas Z… et M. F…, lequel a permis à la société Rousseau d’être attributaire du marché de la couverture du lycée Hoche à Versailles ; que Pierre Y…, directeur général des deux sociétés Rousseau et Billiez, bénéficiait de délégation de pouvoir en date du 30 juin l 992 ; qu’en donnant son accord à M. F… pour que des rémunérations soient versées aux décideurs du conseil général, pour permettre l’attribution aux sociétés Rousseau-STEPC du marché de couverture du lycée Hoche à Versailles, Pierre Y… a adhéré au pacte de corruption dont il a ensuite exécuté les différentes modalités en établissant les deux fausses factures datées des 20 octobre 1993 et 16 mai 1994 et s’est rendu coupable du délit de corruption active ;

« 1 ) alors que le délit de corruption active ne peut être retenu qu’autant que sont relevés à l’encontre du prévenu des actes personnels de participation au pacte illicite ayant pour but d’obtenir un avantage indu et qu’il résulte sans ambiguïté des énonciations de l’arrêt que seul a participé au pacte de corruption intervenu avant la signature du marché le 29 juin 1992, M. F…, directeur commercial de la société Rousseau, à une époque où Pierre Y… n’était, quant à lui, pas encore dirigeant de fait des sociétés Rousseau et Billiez, n’ayant eu cette qualité, en vertu d’une délégation de pouvoir qui lui a été consentie par le groupe Bouygues que postérieurement et le 30 juin 1992 ;

« 2 ) alors que les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation que s’ils caractérisent à l’encontre du prévenu le délit poursuivi en tous ses éléments ; que l’avantage attendu du prétendu pacte de corruption étant, selon les constatations de l’arrêt, l’attribution d’un marché signé le 29 juin 1992, le texte applicable à la poursuite est l’article 179 de l’ancien Code pénal ; que selon ce texte, plus favorable au prévenu que l’article 433-1 du Code pénal, le délit de corruption active n’est constitué qu’autant que le corrupteur prétendu a personnellement usé de voies de fait ou menaces, de promesses, offres, dons ou présents ou cédé à des sollicitations tendant à la corruption, même s’il n’en a pas pris l’initiative et que le seul accord donné a posteriori par Pierre Y… à M. F…, seul intervenant selon les constatations de l’arrêt au pacte de corruption pour que des rémunérations soient versées aux décideurs, accord exclusif de tout contact avec ces décideurs, ne permet pas de caractériser l’utilisation par le demandeur, préalablement à l’obtention du marché, de l’un des moyens entrant dans les prévisions du texte susvisé en sorte qu’en entrant en voies de condamnation à l’encontre de Pierre Y… du chef de corruption au titre de l’accord donné par lui, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

« 3 ) alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que le versement de fonds à la personne dépositaire de l’autorité publique postérieurement à l’obtention de l’avantage objet du pacte de corruption ne tombe pas sous le coup des articles 433-1 du Code pénal et 179 de l’ancien Code pénal compte tenu de la rédaction de ces textes quand bien même ce versement constituerait l’exécution dudit pacte et que dès lors qu’il résulte sans ambiguïté des constatations de l’arrêt que tous les actes d’exécution du pacte de corruption relevé à l’encontre de Pierre Y… en sa qualité de dirigeant de fait, à savoir l’établissement de factures à l’ordre de RCO, sont tous postérieurs à l’attribution, en date du 29 juin 1992, à la société Rousseau du marché de couverture du lycée Hoche à Versailles, la cour d’appel ne pouvait, sans méconnaître les textes susvisés, entrer en voie de condamnation du chef de corruption active à l’encontre de Pierre Y… au titre de ces actes ;

« 4 ) alors que les actes d’exécution du délit de corruption, délit instantané, ne sont de nature à entraîner le report du point de départ du délai de prescription qu’autant qu’ils sont intrinsèquement pénalement punissables et qu’en l’espèce prétendus actes d’exécution, qui se situent dans le temps postérieurement à l’obtention de l’avantage objet du pacte de corruption, n’étant pas pénalement punissables, ils n’ont pu avoir pour effet d’entraîner le record du point de départ du délai de prescription en sorte qu’à supposer qu’il puisse être considéré que Pierre Y… ait, antérieurement à l’attribution du marché, en donnant son accord à M. F… à une époque où il n’avait pas encore la qualité de dirigeant de fait des sociétés Rousseau et Billiez pour que des rémunérations soient versées aux décideurs, commis un acte susceptible de caractériser l’incrimination de corruption active, cet acte ayant été commis plus de trois ans avant le premier acte de poursuite qui se situe le 4 août 1995, la prescription lui était nécessairement acquise ;

« 5 ) alors que le financement par une société commerciale de la campagne électorale d’un candidat à une fonction de conseiller général étant, à l’époque des faits, conforme aux dispositions de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, la participation de la société Billiez, au demeurant postérieure selon les constatations de l’arrêt, à l’attribution du marché de couverture du lycée Hoche, ne pouvait être retenue à l’encontre de Pierre Y… sous aucune qualification et notamment sous la qualification de corruption active » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Pierre Y…, pris de la violation des articles L. 241-3-4 , L. 242-6-3 et L. 245-16 du Code de commerce (425-4 , 437-3 et 478 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966), 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pierre Y… coupable d’abus de biens sociaux ;

« aux motifs que Pierre Y…, directeur général des deux sociétés Rousseau et Billiez, bénéficiait de délégations de pouvoirs, en date du 30 juin 1992 ; qu’en donnant à M. H…, dirigeant de la société RCO, les éléments lui permettant d’établir, au nom de cette société, les fausses factures adressées à la société Billiez et en donnant instruction de les payer, Pierre Y… s’est également rendu coupable, ce qu’il reconnaît, des déIits de complicité de faux et d’usage de faux ; qu’il s’est aussi rendu coupable du délit d’abus de biens sociaux au préjudice de la société Billiez, puisqu’en sa qualité de directeur général de cette société, il a fait de mauvaise foi, des biens de celle-ci, un usage contraire à l’intérêt de cette dernière, en lui faisant payer des factures, sans prestation ni contrepartie, dans son intérêt personnel, pour préserver ses bonnes relations avec les décideurs du conseil général et donc sa qualité de dirigeant, ainsi que les avantages qui y sont attachés ; qu’en faisant exécuter gratuitement au domicile de Stanislas Z… des travaux à hauteur de 90 000 francs, par les salariés des sociétés Billiez et Rousseau, Pierre Y… a fait, des biens de ces sociétés, un usage contraire à l’intérêt de celles-ci puisqu’il n’a pas été démontré que ces travaux venaient en compensation de prestations fournies par Stanislas Z… à ces deux entreprises, Stanislas Z… ne justifiant nullement de frais d’études qu’il aurait accomplies pour la société Rousseau et puisqu’il n’existait aucun contrat d’association entre les sociétés Rousseau et STEPC et qu’aucune facture n’a été établie ; qu’il a agi dans son intérêt personnel pour préserver ses bonnes relations avec Stanislas Z… dont il avait compris le rôle déterminant au sein du conseil général, et donc pour conforter sa qualité de dirigeant des sociétés Rousseau et Billiez ainsi que les avantages qui y sont attachés ;

« alors que les fins personnelles du dirigeant constitutives du délit d’abus de biens sociaux ne peuvent être que des fins personnelles en contradiction avec les intérêts de la société et que dans la mesure où une société de travaux publics a le plus grand intérêt à ce que ses dirigeants conservent de bonnes relations avec les décideurs des collectivités publiques avec lesquelles ils sont appelés à contracter, la fin personnelle dont s’agit est insusceptible à elle seule de caractériser les fins personnelles au sens des articles L. 241-3-4 et L. 242-6-3 du Code de commerce » ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Stanislas Z…, pris de la violation des articles 433-1, 121-7 et 321-1 du Code pénal, 425-4 de la loi du 24 juillet 1966, 8, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Stanislas Z… coupable de complicité de corruption active et de recel d’abus de biens sociaux commis dans le cadre de la dévolution du marché du Lycée Hoche à Versailles ;

« aux motifs qu’en participant à la réunion qui s’est tenue chez M. B… au cours de laquelle il a été convenu entre lui-même, M. B… et M. F…, qu’il y aurait des « rémunérations » à hauteur de 200 000 francs pour les décideurs, pour permettre l’attribution du marché du Lycée Hoche au groupement des sociétés Rousseau, STEPC au cours de laquelle il a affirmé se faire fort d’obtenir le marché, Stanislas Z… a favorisé la conclusion du pacte de corruption et s’est rendu coupable du délit de complicité de corruption active et il n’importe qu’il n’ait pas personnellement suivi les modalités d’exécution de ce pacte de corruption ; qu’en acceptant que soient exécutés gratuitement par les sociétés Billiez et Rousseau, des travaux à hauteur de 90 000 francs dans un pavillon qui constituait son domicile personnel, qui appartenait certes à la société STEPC mais dont il était le principal actionnaire, Stanislas Z… a bénéficié d’avantages indus consentis par Pierre Y…, dans des conditions constitutives du délit d’abus de biens sociaux ; il s’est rendu coupable de recel d’abus de biens sociaux ; qu’en faisant exécuter gratuitement au domicile Z… des travaux à hauteur de 90 000 francs par les salariés des sociétés Billiez et Rousseau, Pierre Y… a fait des biens de ces sociétés un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celles-ci puisqu’il n’a pas été démontré que ces travaux venaient en compensation de prestations fournies par Stanislas Z… à ces deux entreprises, Stanislas Z… ne justifiant nullement de frais d’études qu’il avait accomplies pour la société Rousseau et puisqu’il n’existait aucun contrat d’association entre les sociétés Rousseau et STEPC et qu’aucune facture n’a été établie ;

« alors que, d’une part, la complicité par aide et assistance ne pouvant résulter d’une simple inaction ou abstention, les juges du fond, qui n’ont pas constaté que Stanislas Z… avait pris part à la conclusion du pacte de corruption et qui ont dû reconnaître que Ie prévenu n’avait pas pris part à l’exécution de ce pacte, n


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