Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 11 octobre 2006, 05-87.439, Inédit

·

·

Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 11 octobre 2006, 05-87.439, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le formé par :

– X… Bisser,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 15 novembre 2005, qui, pour abus de biens sociaux, faux et usage, infraction au monopole de l’Office des migrations internationales, emploi irrégulier d’étrangers, travail dissimulé, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 5 ans d’interdiction professionnelle, 10 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 184, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité de l’ordonnance de renvoi ;

« aux motifs que le magistrat instructeur s’est expliqué dans la motivation de l’ordonnance de renvoi sur les éléments qui, selon lui, caractérisaient les délits d’abus de biens sociaux ; que la lecture de cette ordonnance, laquelle s’appuie sur les conclusions du rapport de M. Y…, expert, permet d’individualiser les versements injustifiés et le montant des prestations indûment payées par GSI ; qu’ainsi que les premiers juges l’ont relevé, l’ordonnance de renvoi contenait bien les éléments permettant de caractériser l’infraction dans le respect des droits de la défense ;

« et aux motifs adoptés que le dispositif de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est indissociable de la motivation ; que l’ordonnance de renvoi est fondée sur les conclusions du rapport de M. Y…, expert, au terme duquel il apparaît que la société BMI a facturé globalement à GSI l’ensemble de ses charges d’exploitation et que les dépenses payées pour le compte de la société ORCA ne présentent pas d’utilité pour la société GSI ;

« alors que l’exigence de motivation de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel n’est pas satisfaite lorsque le juge d’instruction se borne, comme en l’occurrence, à se référer au rapport d’expertise lequel ne détaille pas les dépenses payées par la société dont le prévenu est le dirigeant pour le compte d’une société tierce, et qui seraient constitutives d’un abus de biens sociaux ; que la cour d’appel qui a décidé le contraire a violé l’ensemble des textes précités » ;

Attendu que le moyen qui se borne à reprendre l’argumentation que, par une motivation exempte d’insuffisance comme de contradiction, la chambre de l’instruction a écartée, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 du code de commerce, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bisser X… coupable d’abus de biens sociaux et l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à 10.000 euros d’amende ;

« aux motifs que, les sociétés GSI et ORCA étaient indépendantes juridiquement et n’avaient pas de réalité économique caractérisant l’existence d’un groupe, c’est-à-dire une unité économique et financière fortement structurée reposant sur des bases non artificielles ; que certes une convention liait GSI à ORCA depuis le 20 mai 1994 n’avait jamais été soumise au Conseil d’administration mais qu’elle n’a été ratifiée qu’à posteriori le 30 mai 1996 par Me Z…, es qualités, président le conseil d’administration ; mais attendu qu’aucune stratégie de groupe n’a été élaborée entre celles-ci à savoir la mise en place d’une structure de groupe ayant un intérêt économique, social ou financier commun ; qu’il ressort du rapport de M. Y… que GSI s’est appauvri en payant des dettes de la société ORCA laquelle n’avait plus d’activité réelle depuis juin 1994, date à laquelle, notamment, le personnel s’était inscrit au chômage ; que, c’est ainsi que le paiement des loyers et frais afférents dont le coût s’est élevé à 816.066,60 francs était totalement injustifié et grevait le budget de GSI, en excédant ses capacités financières et sans contrepartie pour cette société ; que Bisser X…, actionnaire de la société ORCA, a voulu manifestement réduire les pertes d’ORCA ce qui l’a conduit, au détriment de l’équilibre financier de GSI, à faire supporter pour le compte d’ORCA des dépenses inutiles ; que le délit de l’article L. 242-6-4 du code de commerce est parfaitement caractérisé et les premiers juges ont à bon droit retenu la culpabilité de Bisser X… ;

« et aux motifs adoptés, qu’ il convient de déduire que GSI, à l’exception du rachat de matériel qui était justifié dans le cadre du transfert d’ORCA à GSI, a supporté pour le compte d’ORCA des dépenses inutiles s’élevant à 816.066,60 francs ne correspondant à aucune réalité et ce, au détriment de son équilibre financier, et au profit de Bisser X…, actionnaire d’ORCA qui avait tout intérêt à ne pas en supporter les dettes ;

« alors que le délit d’abus de biens sociaux est un délit intentionnel qui suppose que le dirigeant ait agi de mauvaise foi, en sachant que l’usage des biens qu’il fait de la société est contraire à l’intérêt de celle-ci ; qu’en se bornant, pour entrer en voie de condamnation, à relever que le paiement des loyers de la société ORCA dont Bisser X… était actionnaire, par la société GSI était injustifié, et contraire à son équilibre financier, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel et a privé sa décision de base légale » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du code du travail, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué confirmatif a déclaré Bisser X… coupable de dissimulation de travail salarié par omission intentionnelle de déclaration préalable à l’embauche et d’inscription au registre unique du personnel et en répression l’a condamné à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à 10.000 euros d’amende ;

« aux motifs adoptés que M. A…, ingénieur de nationalité allemande, était titulaire d’un contrat à effet au 1er janvier 1995, avait travaillé à Munich chez ORCA, puis aux USA chez BMI et était arrivé à Belfort le 15 janvier 1996, 15 jours avant le contrôle ;

qu’il en était de même pour M. B… ; que Mme C…, directeur des ressources humaines de GSI, a reconnu avoir inscrit MM. A… et B… sur le registre du personnel juste avant le contrôle ; que Bisser X… considère que c’est Mme D… qui est responsable de l’infraction alors que celle-ci n’a été embauchée que le 12 décembre 1995 et s’est heurtée aux plus grandes difficultés dans sa recherche d’information et dans ses rapports avec Bisser X… ; que Bisser X…, qui a embauché les deux ingénieurs, reconnaît que Mme D… ne disposait d’aucune délégation de pouvoir : il a toujours revendiqué son rôle de direction et doit donc assumer la responsabilité pénale de l’infraction qui est constituée ;

« et aux motifs propres, que la faute personnelle de Bisser X… consiste à ne pas avoir donné toutes les instructions nécessaires pour le respect de la loi ;

« alors que le délit de dissimulation d’emploi salarié consiste pour tout employeur à se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche ou à la remise de bulletin de salaires, ou lorsque le nombre d’heures de travail est inférieur à la réalité ; qu’en se bornant à constater que MM. A… et B…, ingénieurs arrivés à Belfort le 15 janvier 1996, n’avaient été inscrits sur le registre unique de l’entreprise que peu de temps avant le contrôle de l’inspection du travail qui eut lieu le 31 janvier 1996, manquement qui est constitutif d’une simple contravention, la cour d’appel n’a caractérisé dans aucun des ses éléments le délit de dissimulation d’emploi salarié et privé ainsi sa décision de base légale » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits d’abus de biens sociaux et de travail dissimulé, dont elle a déclaré le prévenu coupable et a justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 144 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, 6 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué confirmatif a déclaré Bisser X… coupable de violation du monopole de l’Office des migrations internationales et en répression l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à 10.000 euros d’amende ;

« aux motifs que, selon l’article L. 341-9 du code du travail, les opérations de l’introduction de travailleurs étrangers sont confiées à titre exclusif à l’Office des migrations internationales (OMI) ; que la procédure d’embauche d’un travailleur salarié migrant en France fait impérativement intervenir cet office de migration ; que ses missions consistent à recueillir les travailleurs étrangers dans les meilleures conditions et d’opérer toutes opérations connexes concernant leur accueil, leur information et leur adaptation sociale ou professionnelle ; que cet office alimenté en partie par les redevances payées par les employeurs a un très important pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’autoriser des travailleurs migrants à venir en France en fonction de la situation de l’emploi en France et dans le but de lutter contre le travail clandestin et l’entrée de séjour irrégulier d’étrangers dans notre pays ; que Bisser X… pourtant bien informé des exigences de ces dispositions dont il aurait dû mettre en oeuvre personnellement, les a sciemment violées en particulier au mépris des droits des travailleurs migrants ; que le législateur estimant le rôle de l’OMI essentiel a prévu de lourdes sanctions pénales dans le cas où les employeurs violeraient comme en l’espèce son monopole ;

« alors que l’action publique pour l’application de la peine s’éteint par l’abrogation de la loi pénale ; que l’article 144 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 a abrogé l’article L. 364-6 du code du travail qui réprimait les infractions au monopole de l’office de migrations internationales ; que la cour d’appel qui est néanmoins entrée en voie de condamnation a violé l’ensemble des textes précités » ;

Vu l’article 6 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, l’action publique pour l’application de la peine s’éteint notamment par l’abrogation de la loi pénale ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que le prévenu a été déclaré coupable du délit de violation du monopole de l’Office des migrations internationales, faits prévus et réprimés par les articles L. 341-9 et L. 364-6 du code du travail, alors applicables ;

Mais attendu qu’en application de l’article 144 de la loi du 18 janvier 2005, ces faits ne sont plus pénalement réprimés ;

Qu’il s’ensuit que l’action publique est éteinte et la cassation encourue ;

Attendu toutefois que la peine est justifiée par la déclaration de culpabilité des chefs d’abus de biens sociaux, travail dissimulé, emploi irrégulier d’étrangers, faux et usage ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Besançon, en date du 15 novembre 2005, en ses seules dispositions ayant déclaré le demandeur coupable du délit d’infraction au monopole de l’Office des migrations internationales, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Besançon, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x