Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET des pourvois formés par :
– X… Roger,
– Y… Jean,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 9e chambre, en date du 22 novembre 2000, qui, pour abus de biens sociaux, les a condamnés chacun à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs, complémentaires et en défense produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Roger X…, maire de la commune de La Queue-en-Brie, a créé, le 23 mars 1990, la société d’économie mixte d’aménagement de La Queue-en-Brie (SEMAQ), dont il a présidé, de mars 1990 à septembre 1995, le conseil d’administration, au sein duquel il représentait la commune ; que, sur sa proposition, Jean Y…, qui dirigeait un ensemble de sociétés dans le secteur de l’immobilier et de l’urbanisme, parmi lesquelles les sociétés SIFAP SOGEDEM, SIPC et AREMO-SOFIMO, en a été nommé directeur général, avec notamment pouvoir de percevoir toute somme due à la SEMAQ et de payer toute somme dont elle était débitrice ;
Que la SEMAQ, dont l’objet était la réalisation d’une zone d’activité concertée (ZAC), a conclu quatre conventions avec la SIFAP SOGEDEM, consistant en un contrat d’étude de faisabilité et un contrat de mission foncière du 26 novembre 1990, un contrat de gestion du 16 janvier 1991 et un contrat d’étude de ZAC du 20 avril 1991 ; qu’une cinquième convention, dite d’étude et de commercialisation, a été conclue le 15 mars 1991 avec la société SIPC ;
Qu’entre 1991 et 1995 les sociétés SIAC et SOFIMO, également dirigées par Jean Y…, ont versé des salaires et honoraires à Roger X… pour un montant total de 441 465 francs ; que la ZAC n’a jamais été réalisée ;
Que, le 15 décembre 1995, le nouveau maire, devenu président de la SEMAQ, a déposé plainte avec constitution de partie civile, reprochant à son prédécesseur et à Jean Y… divers abus de biens sociaux mis en évidence dans un rapport d’audit qu’il avait commandé et résultant, d’une part, de paiements effectués entre 1991 et 1995 au titre des conventions précitées, d’autre part, du paiement de deux factures au bénéfice de la société AREMO-SOFIMO, enfin de diverses dépenses dénuées de tout lien avec l’objet social ;
Que les juges d’appel les ont déclaré coupables de ces chefs à auteur de 2 167 000 francs, pour les sommes versées aux sociétés SIFAP SOGEDEM, SIPC et AREMO-SOFIMO, seul Roger X… étant condamné pour les dépenses personnelles d’un montant de 50 000 francs ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Roger X…, pris de la violation des articles 247 et 437 de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
» en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de prescription de l’action soulevée par Roger X… et, sur l’action civile, a condamné Roger X… à lui payer les sommes de 2 217 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
» aux motifs que les prévenus font valoir que les conventions incriminées par la poursuite, signées entre le 16 janvier 1990 et le 20 avril 1991, ont toutes été présentées à l’assemblée générale de la SEMAQ qui les a approuvées sans réserve, de sorte que les actionnaires de la SEMAQ auraient été informés, dès la tenue de ces assemblées générales, de l’existence des dépenses litigieuses ; que les prévenus en infèrent qu’à la date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile de la commune, le 15 décembre 1995, la prescription était acquise ; mais que cette argumentation doit être écartée ; qu’en premier lieu il ressort de l’information que toutes les conventions litigieuses n’ont pas été mentionnées dans le rapport spécial du commissaire aux comptes ; que la convention de mission foncière de novembre 1990 apparaît pour la première fois dans le rapport spécial concernant l’exercice 1992 présenté aux associés en 1993 et que la convention d’étude et de commercialisation du 15 mars 1991 entre la SEMAQ et la société SIPC n’a pas fait l’objet d’une délibération du conseil d’administration ; qu’en second lieu, les conventions qui ont été visées dans les rapports spéciaux du commissaire aux comptes ne sont pas elles-mêmes frauduleuses et que seuls leur rapprochement et l’analyse des factures émises sous le couvert de ces conventions ont permis de constater qu’elles avaient, pour certaines, le même objet ou qu’elles faisaient double emploi avec d’autres missions confiées par la SEMAQ à la commune ou à d’autres intervenants ; qu’ainsi que le relève le commissaire aux comptes de la SEMAQ dans un courrier adressé au procureur de la République le 11 décembre 1995, ces constatations ont été faites pour la première fois dans le rapport d’audit commandé par la nouvelle municipalité au mois d’octobre 1995 ; que, de plus, l’intérêt personnel que Roger X… retirait de ces opérations sous la forme de salaires et d’honoraires versées par des sociétés apparentées à la société SIFAP SOGEDEM et qui constitue l’un des éléments constitutifs du délit d’abus de biens sociaux a été révélé seulement par l’information ouverte à la suite de la plainte de la commune ; que, s’agissant des dépenses effectuées par Roger X… au moyen de la carte bancaire de la SEMAQ, leur caractère délictueux était dissimulé, dès lors qu’étaient mentionnés sur des notes de restaurant le nom de personnes n’ayant pas pris part aux repas ; enfin, qu’il est établi par le rapport de la chambre régionale des comptes que les organes délibérants de la commune n’ont pas été en mesure d’exercer le contrôle prévu par la loi du 7 juillet 1983, puisqu’en violation des dispositions des articles 5- II et 8 de cette loi, les comptes financiers annuels n’ont pas été transmis au conseil municipal et que les représentants de la collectivité locale au sein du conseil d’administration de la SEMAQ n’ont pas fait chaque année rapport au conseil municipal sur l’avancement du programme de ZAC ; qu’en l’état de ces constatations, il est établi que le caractère abusif des prélèvements opérés par les prévenus sur la trésorerie de la SEMAQ, au profit des sociétés dirigées par Jean Y…, a été dissimulé et n’a été révélé, dans des conditions permettant les poursuites, qu’en 1995 ;
qu’en conséquence le point de départ de la prescription triennale a été retardé jusqu’à la remise du rapport d’audit commandé par la nouvelle municipalité et la prescription n’était pas acquise à la date de la plainte déposée par M. Z…; que, sur l’action civile, la SEMAQ demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement Roger X… et Jean Y… à lui payer la somme de 2 671 368 francs à titre de dommages-intérêts et de l’infirmer en ce qu’il a limité la condamnation de Roger X… à la somme de 50 000 francs ; qu’elle demande en conséquence de condamner Roger X… à lui payer la somme de 111 795 francs ; que les prévenus ont soutenu oralement à l’audience et dans une note en délibéré en ce qui concerne Jean Y… que la SEMAQ, dès lors qu’elle était en liquidation amiable depuis le 2 mai 1997, n’avait plus la personnalité morale et était en conséquence irrecevable en sa constitution de partie civile ; mais considérant que la personnalité morale d’une société dissoute aussi longtemps que les droits et obligations à caractère civil ne sont pas liquidés, ce qui est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, la société est engagée dans une instance judiciaire par une action aux fins de paiement de dommages et intérêts ; qu’au fond, en application du principe selon lequel nul ne peut conserver le produit de son délit, les prévenus seront condamnés à réparer intégralement le préjudice de la partie civile, tel qu’il a été ci-dessus fixé, soit 2 217 000 francs, peu important qu’en vertu d’un protocole auquel les prévenus n’ont pas été partie, le passif de la SEMAQ ait été apuré ;
» 1° alors que la prescription de l’action publique du chef d’abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses sont mises indûment à la charge de la société ; qu’en se ruant à affirmer que deux des six conventions litigieuses n’étaient, pour l’une, pas apparue dans le rapport spécial de l’exercice 1992 et, pour l’autre, n’avait pas fait l’objet d’une délibération du conseil d’administration et que seul le rapprochement des conventions avec l’analyse des factures avaient permis de constater que certaines conventions avaient le même objet ou faisaient double emploi avec d’autres missions, ce qui n’avait pu être révélé que par le rapport d’audit commandé en octobre 1995, sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé dans les conclusions, si, pour chaque convention litigieuse, les comptes sociaux ne permettaient pas de révéler, en leur principe, des dépenses indues mises à la charge de la SEMAQ, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
» 2° alors que la prescription en matière d’abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société ; que, s’agissant de la convention de mission foncière du 26 novembre 1990 et de la convention d’étude et de commercialisation du 15 mars 1991, le fait que la première soit apparue pour la première fois dans le rapport spécial du commissaire aux comptes concernant l’exercice 1992 et que la seconde n’ait fait l’objet d’aucune délibération du conseil d’administration, n’exclut pas qu’elles soient apparues dans les comptes annuels ; qu’en ne recherchant pas, ainsi qu’il lui était demandé, si le principe des dépenses litigieuses n’apparaissait pas dans les comptes annuels de la société, ce qui aurait fait courir à cette date le délai de prescription, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
» 3° alors que la prescription en matière d’abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société ; que la prescription court à compter de ce jour dès lors qu’à cette date l’infraction aurait pu être décelée par un actionnaire normalement diligent ; que les juges doivent rechercher non pas si, au jour de la présentation des comptes annuels, l’infraction avait été déterminée, mais si, dans son principe, elle pouvait résulter de ces comptes ; que, s’agissant des conventions visées dans les rapports spéciaux des commissaires aux comptes, en ne recherchant pas, ainsi que les conclusions l’y invitaient, si à la date de la présentation des comptes annuels le principe du caractère litigieux des conventions pouvait être découvert par un actionnaire normalement diligent, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
» 4° alors que, en affirmant, sans la moindre motivation susceptible de le justifier, que les dirigeants avaient décidé de dissimuler le caractère abusif des prélèvements opérés sur la trésorerie de la SEMAQ, afin de considérer que le point de départ de la prescription avait été retardé jusqu’à la remise du rapport d’audit commandé par la nouvelle municipalité, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;
» 5° alors que, en affirmant que les dépenses faites par Roger X… au moyen de la carte bancaire de la SEMAQ étaient dissimulées dès lors qu’étaient mentionnées sur des notes de restaurant le nom de personnes n’ayant pas pris part au repas, sans rechercher si la totalité des dépenses effectuées avec la carte bancaire de la SEMAQ pour lesquelles Roger X… était poursuivi, à savoir des frais de déplacement, de transport et d’hôtellerie étaient dissimulés, de telle sorte que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au jour où les faits litigieux avaient pu être révélés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés » ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean Y…, pris de la violation des articles L. 225-38, L. 242-6 et suivants du Code du commerce, 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
» en ce que l’arrêt attaqué a dit le demandeur coupable du délit d’abus de biens sociaux au préjudice de la SEMAQ et l’a condamné en répression à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 100 000 francs outre des dommages et intérêts au profit de la partie civile ;
» aux motifs qu’il ressort de l’information que toutes les conventions litigieuses n’ont pas été mentionnées dans le rapport spécial du commissaire au compte ; que la convention de mission foncière du 26 novembre 1990 apparaît pour la première fois dans le rapport spécial concernant l’exercice 1992 présenté aux associés en 1993 et que la convention d’étude et de commercialisation du 15 mars 1991 entre la SEMAQ et la société SIPC n’a pas fait l’objet d’une délibération du conseil d’administration qu’en second lieu les conventions qui ont été visées dans les rapports spéciaux du commissaire aux comptes ne sont pas en elles-mêmes frauduleuses et que seuls leur rapprochement et l’analyse des factures émises sous le couvert de ces conventions ont permis de constater qu’elles avaient, pour certaines le même objet ou qu’elles faisaient double emploi avec d’autres missions confiées par la SEMAQ à la commune ou à d’autres intervenants ; qu’ainsi que le relève le commissaire aux comptes de la SEMAQ dans un courrier adressé au procureur de la République le 11 décembre 1995, ces constatations ont été faites pour la première fois dans le rapport d’audit commandé par la nouvelle municipalité au mois d’octobre 1995 ; (…) qu’il est établi par le rapport de la chambre régionale des comptes que les organes délibérants de la commune n’ont pas été en mesure d’exercer le contrôle prévu par la loi du 7 juillet 1983, puisqu’en violation des dispositions des articles 5, II et 8, de cette loi, les comptes financiers annuels n’ont pas été transmis au conseil municipal et que les représentants de la collectivité locale au sein du conseil d’administration de la SEMAQ n’ont pas fait chaque année rapport au conseil municipal sur l’avancement du programme de ZAC ; qu’en l’état de ces constatations, il est établi que le caractère abusif des prélèvements opérés par les prévenus sur la trésorerie de la SEMAQ, au profit des sociétés dirigées par Jean Y…, a été dissimulé et n’a été révélé dans des conditions permettant des poursuites qu’en 1995 ; qu’en conséquence le point de départ de la prescription triennale a été retardé jusqu’à la remise du rapport d’audit commandé par la nouvelle municipalité et la prescription n’était pas acquise à la date de la plainte déposée par M. Z…;
» alors, d’une part, que la prescription de l’action publique du chef d’abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société ; que le demandeur faisait valoir la prescription de l’action publique, les conventions litigieuses ayant été signées entre le 16 janvier 1990 et le 20 avril 1991 et toutes présentées à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires ; qu’en retenant qu’il ressort de l’information que toutes les conventions litigieuses n’ont pas été mentionnées dans le rapport spécial du commissaire aux comptes, la convention de mission foncière du 26 novembre 1990 apparaissant pour la première fois dans le rapport spécial concernant l’exercice 1992 présenté aux associés en 1993 et la convention d’étude et de commercialisation du 15 mars 1991 entre la SEMAQ et la SIPC n’ayant pas fait l’objet d’une délibération du conseil d’administration, sans préciser à quel titre la convention conclue le 16 janvier 1990 devait faire l’objet d’un rapport spécial, ayant été conclue à une date antérieure à la nomination de Jean Y… en qualité de directeur général de la SEMAQ la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
» alors, d’autre part, que les dispositions de l’article L. 225-38 du Code de commerce ne s’appliquent pas au dirigeant de fait ; qu’ayant retenu que le demandeur était le dirigeant de fait de la SPIC, la cour d’appel ne pouvait affirmer que la prescription de l’action publique du chef d’abus de biens sociaux n’était pas acquise, motif pris que la convention du 15 mars 1991 entre la SEMAQ et la SPIC n’avait pas fait l’objet du rapport spécial du commissaire aux comptes sans violer les textes susvisés ;
» alors, de troisième part, qu’en ne précisant pas à quel titre la convention du 15 mars 1991 devait faire l’objet d’une délibération du conseil d’administration, seule l’approbation des comptes relatant cette convention devant être retenue pour apprécier si la prescription était ou non acquise, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
» alors, de quatrième part, que la prescription de l’action publique du chef d’abus de biens sociaux, délit instantané, court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les conventions litigieuses ont été portées à la connaissance des associés ; qu’en retenant que les conventions qui ont été visées dans les rapports spéciaux des commissaires aux comptes ne sont pas en elles-mêmes frauduleuses, que seuls leur rapprochement et l’analyse des factures émises sous le couvert de ces conventions ont permis de constater qu’elles avaient, pour certaines, le même objet et qu’elles faisaient double emploi avec d’autres missions confiées par la SEMAQ à la commune ou à d’autres intervenants, qui, tout en constatant la présentation de ces conventions dans les comptes annuels, la cour d’appel qui ne précise pas la date à laquelle les conventions constatant les missions confiées par la SEMAQ à la commune ou à d’autres intervenants avaient été portées à la connaissance de l’assemblée générale n’a par là même pas légalement justifié sa décision ;
» alors, enfin, qu’en retenant qu’il est établi par le rapport de la chambre régionale des comptes que les organes délibérants de la commune n’ont pas été en mesure d’exercer le contrôle prévu par la loi du 7 juillet 1983 puisque les comptes financiers annuels n’ont pas été transmis au conseil municipal et que les représentants de la collectivité locale au sein du conseil d’administration de la SEMAQ n’ont pas fait chaque année rapport au conseil municipal sur l’avancement du programme de ZAC pour en déduire qu’il est établi que le caractère abusif des prélèvements opérés par les prévenus sur la trésorerie de la SEMAQ a été dissimulé et n’a été révélé qu’en 1995 cependant que ce qui importait c’était la date à laquelle les représentants de la commune dans la société ont eu connaissance des comptes financiers annuels, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs inopérants privant sa décision de toute base légale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que les prévenus ont régulièrement soulevé devant la cour d’appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription concernant tant les abus de biens sociaux commis dans le cadre de l’exécution des conventions précitées que ceux relatifs aux dépenses personnelles ; que Jean Y…, qui n’a pas personnellement invoqué la prescription des faits relatifs à l’exécution de la convention du 15 mars 1991, a notamment soutenu que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date à laquelle les conventions avaient été présentées aux assemblées générales de la SEMAQ ;
Attendu que, s’agissant des faits relatifs aux versements effectués en exécution de la convention de mission foncière du 26 novembre 1990 et de la convention d’étude et de commercialisation du 15 mars 1991, la cour d’appel relève que la première n’a été présentée aux associés dans le rapport spécial au commissaire aux comptes qu’en 1993 et que la seconde n’a pas fait l’objet de délibération du conseil d’administration ;
Que, s’agissant des faits relatifs aux versements effectués en exécution des autres conventions, visées dans les rapports spéciaux du commissaire aux comptes, la cour d’appel énonce que ces conventions n’étaient pas en elles-mêmes frauduleuses et que seuls le rapprochement et l’analyse des factures émises sous le couvert de ces conventions, effectués pour la première fois dans le rapport d’audit commandé au mois d’octobre 1995, ont permis de constater que ces factures soit avaient le même objet, soit faisaient double emploi avec d’autres missions confiées à la SEMAQ ou à d’autres intervenants ;
Que les juges ajoutent que, en violation des dispositions légales, les comptes financiers annuels n’ont pas été transmis au conseil municipal et que les représentants de la collectivité locale au sein du conseil d’administration de la SEMAQ n’ont pas fait chaque année le rapport au conseil municipal sur l’avancement du programme de la ZAC ;
Qu’ils relèvent, s’agissant des faits relatifs aux dépenses personnelles, retenus à hauteur de 50 000 francs, que leur caractère délictueux était dissimulé par la mention, sur des notes de restaurant, du nom de personnes n’ayant pas pris part aux repas ;
Qu’ils concluent que les prélèvements opérés ont été dissimulés et n’ont été révélés dans des conditions permettant les poursuites qu’en 1995 ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations qui établissent, sans insuffisance ni contradiction, la dissimulation des opérations frauduleuses, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens, mélangés de fait en ce qui concerne l’éventuelle direction de fait exercée par Jean Y… sur la société SIPC, que la cour d’appel n’a pas constatée, doivent être écartés ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Roger X…, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 247 et 437 de la loi du 24 juillet 1966, articles préliminaires, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Roger X… coupable d’abus de biens sociaux et, sur l’action civile, l’a condamné à payer à la SEMAQ la somme de 2 267 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
» aux motifs que, vainement, Roger X… soutient que les opérations de paiement ayant été effectuées par Jean Y… en vertu de la délégation de pouvoir, sa responsabilité pénale personnelle ne serait pas engagée, dès lors qu’en sa qualité de maire, administrateur de la SEMAQ, il avait l’obligation de veiller à ce que le fonctionnement de la SEMAQ soit conforme à l’intérêt de la collectivité locale qu’il administrait ;
» 1° alors que l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction détermine les faits déférés à la juridiction répressive et fixe l’étendue de sa saisine ; qu’en l’espèce Roger X… était prévenu d’avoir commis un abus de biens sociaux » étant président du conseil d’administration de la société anonyme SEMAQ » et consistant à » (faire) supporter par (ladite société) le règlement de frais exposés sans lien avec l’objet social (et à faire) verser par la SEMAQ (…) des fonds » de manière injustifiée, et non d’avoir, en qualité de maire, administrateur de la SEMAQ, failli à son obligation de contrôle a posteriori ; qu’en statuant ainsi la Cour a méconnu l’étendue de sa saisine et violé les textes susvisés ;
» 2° alors que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; que le chef d’entreprise, qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction, peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il apporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires ; que le pouvoir de contrôle a posteriori du maire, administrateur d’une société d’économie mixte, est distinct du pouvoir de direction délégué au directeur général ; qu’en l’espèce, où elle n’a pas nié l’existence d’une délégation des pouvoirs du président du conseil d’administration de la SEMAQ au directeur général de celle-ci, la Cour n’a pu en écarter les effets en se fondant sur le seul pouvoir que le président tenait, par ailleurs, de sa qualité de maire et administrateur ; qu’en effet, ce pouvoir de contrôle a posteriori ne peut servir de support à la commission d’une infraction consistant à avoir » fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit (de la SEMAQ) un usage contraire à l’intérêt de celle-ci (…) en faisant supporter par (ladite société) le règlement de frais exposés sans lien avec l’objet social (et) en faisant verser par la SEMAQ (…) des fonds » de manière injustifiée ; qu’ainsi, la Cour a violé les textes susvisés » ;
Attendu que, pour établir la participation de Roger X… dans la commission des abus de biens sociaux, la cour d’appel se prononce par les motifs reproduits au moyen ; qu’elle retient, par motifs adoptés, d’une part, que le prévenu a assuré la direction effective de la SEMAQ, à la gestion de laquelle il portait un intérêt particulier, tandis que Jean Y… n’a eu qu’un rôle d’exécution, d’autre part, qu’il a utilisé abusivement la carte de crédit de la SEMAQ pour payer des dépenses personnelles injustifiées ;
Qu’en l’état de ces énonciations la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Roger X…, pris de la violation des articles 247 et 437 de la loi du 24 juillet 1966, articles préliminaires, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Roger X… coupable d’abus de biens sociaux et, sur l’action civile, l’a condamné à payer à la SEMAQ la somme de 2 267 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
» aux motifs propres qu’entre 1990 et 1995, la SEMAQ a réglé à la société SIFAP SOGEDEM, sous couvert de diverses conventions ayant trait à l’aménagement de la ZAC Notre-Dame, des sommes qui étaient, en partie ou pour leur intégralité, injustifiées ; qu’il est constant que la SEMAQ a versé à la société SIFAP SOGEDEM au titre de la convention de gestion des honoraires d’un montant de 880 000 francs, alors qu’en application du taux conventionnel de rémunération de 4 %, la société SIFAP SOGEDEM n’aurait dû percevoir que 236 687 francs qu’à cet égard, Mme A…responsable juridique et financier de la société SIFAP SOGEDEM a déclaré que les factures émises au titre de la convention de gestion n’avaient » pas été établies en rapport avec les modalités de rémunération fixées par la convention, mais décidées par Jean Y… d’une manière arbitraire en se basant sur les besoins financiers de la société SIFAP SOGEDEM et en partie sur le travail effectué par celle-ci » que cette affirmation a été confirmée par Jean Y… lui-même, qui a reconnu » je lui demandais (Mme A…) de regarder l’état d’avancement des dossiers de chaque SEM et du travail effectué pour voir quelle SEM on allait facturer » ; qu’en l’absence de toute justification produite par les prévenus, ces dépassements de la rémunération conventionnelle, qui ont donné lieu à l’inscription d’une provision de 80 000 francs dans le bilan arrêté au 31 décembre 1994, sont abusifs ; qu’une somme de 585 725 francs se décomposant en : dossier DUP 50 000 francs, enquête parcellaire 150 000 francs, acompte sur rémunération 200 000 francs, négociations foncières 185 725 francs, a été versée par la SEMAQ à la société SIFAP SOGEDEM au titre de la convention de mission financière, alors que la société SIFAP SOGEDEM n’a produit ni l’enquête parcellaire ni la DUP qu’elle avait mission de réaliser et que seules figurent au dossier de la procédure les enquêtes parcellaires réalisées en 1992 et 1995 par le cabinet géomètre SALCH et que la convention ne prévoyait pas d’acompte sur rémunération ; que M. B…, directeur de l’aménagement de la société SIFAP SOGEDEM a confirmé que la SIFAP n’avait pas remis de document à la SEMAQ et que son intervention s’était limitée à des recherches cadastrales et à des relevés de matrices cadastrales l’ensemble des propriétaires de la zone et que l’enquête parcellaire n’avait pas eu lieu ; que la facture n° 430/ 92 de 150 000 francs à fin d’enquête parcellaire a fait l’objet d’un traitement particulier en comptabilité avec la mention » reclassement » ; que, dans ces conditions, seule la somme facturée au titre des négociations foncières paraît correspondre à une prestation réelle, une promesse de vente ayant été effectivement signée ; que, pour le surplus, soit pour la somme de 400 000 francs, les paiements effectués par la SEMAQ au profit de la société SIFAP SOGEDEM n’avaient pas de contrepartie, que la somme de 300 000 francs versée par la SEMAQ à la société SIFAP SOGEDEM au titre de la convention de faisabilité n’est que partiellement justifiée, dès lors qu’une étude de faisabilité avait été réalisée par les services de la mairie dès le 2 octobre 1990 et qu’aucune nouvelle étude n’a été produite par les prévenus ; qu’en outre, le seul intérêt de cette mission par rapport à la précédente qui avait en partie le même objet résidait dans l’établissement de bilans prévisionnels ;
or n’ont été fournis par la société SIFAP SOGEDEM que quelques tableaux de chiffres ; qu’une telle prestation ne saurait justifier des honoraires supérieurs à 100 000 francs, étant relevé que la seconde facture en date du 14 mai 1992 émise au titre de cette convention, d’un montant de 200 000 francs, porte un libellé » projet de concertation et dossier de création de ZAC » qui se réfère, non à la convention de faisabilité, mais à la convention d’étude de ZAC du 20 avril 1991 ; que cette dernière convention signée entre la SEMAQ et la société SIFAP SOGEDEM avait le même objet que la mission » d’assistance au dossier de création et de réalisation » confiée à l’architecte M. C…et rémunéré à hauteur de 480 000 francs ; que M. C…a, en effet, indiqué qu’il avait traité seul le dossier et qu’à l’exception d’un seul point toutes les missions contenues dans la convention du 20 avril 1991 ont été traitées par lui dans le dossier mis aux services de la mairie ; qu’en conséquence, la somme de 510 000 francs versée par la SEMAQ à la société SIFAP SOGEDEM au titre de la convention d’étude de ZAC était sans contrepartie à concurrence de la somme de 400 000 francs ; que le rapport de quinze pages rédigé par la société SIPC dans le cadre de la convention d’étude et de commercialisation signée le 15 mars 1991 ne saurait justifier une rémunération de 440 000 francs ; qu’il s’ensuit que ce paiement est sans cause ; qu’est également sans cause le paiement effectué par la SEMAQ au profit de la société AREMA SOFIMO au titre de deux factures d’un montant de 126 000 francs émises au mois de mai et juillet 1994 en paiement de plans et de panneaux de concertation qui n’ont pas été livrés, les seuls plaquettes de concertation dont l’existence est attestée par le dossier sont celles réalisées en 1992 par la société PRATIX ; que, s’agissant de l’utilisation de la carte bancaire de la SEMAQ par Roger X… pour régler des dépenses personnelles, la Cour se réfère aux énonciations pertinentes des premiers juges et estime, au vu des éléments de la procédure, qu’à concurrence de la somme de 50 000 francs ces dépenses étaient sans lien avec l’objet de la SEMAQ ; que l’engagement, en toute connaissance de cause, de ces dépenses injustifiées, gravement préjudiciables aux intérêts de la SEMAQ, dès lors que celle-ci enregistrait depuis sa création des pertes d’exploitation dont le total atteignait en décembre 1993 la somme de 427 000 francs, caractérise, tant à l’encontre de Jean Y…, directeur général de la SEMAQ et dirigeant des sociétés bénéficiaires de ces paiements, qu’à l’encontre de Roger X…, président de la SEMAQ et salarié d’une des sociétés du groupe Y…, le délit d’abus de biens sociaux visé par l’article 437 de la loi du 24 juillet 1966 ; que vainement Roger X… soutient que les opérations de paiement ayant été effectuées par Jean Y… en vertu de la délégation de pouvoir, sa responsabilité pénale personnelle ne sera pas engagée, dès lors qu’en sa qualité de maire, administrateur de la SEMAQ, il a fait l’obligation de veiller à ce que le fonctionnement de la SEMAQ soit conforme à l’intérêt de la collectivité locale qu’il administrait ;
qu’en conséquence, Roger X… sera déclaré coupable d’abus de biens sociaux portant sur un montant de 2 217 000 francs et que les faits reprochés à Jean Y… sous la qualification de complicité d’abus de biens sociaux seront requalifiés en abus de biens sociaux pour un montant de 2 16