Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 5 novembre 2002, 00-17.028, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 5 novembre 2002, 00-17.028, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Joint les pourvois n° J 00-17.028 et n° W 00-17.292, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à la société « La Grande Terre » de son désistement partiel de pourvoi en tant que dirigé contre la société banque Duménil Leblé et la société Duménil et associés ;

Donne acte aux sociétés Danakyl et Diane, ainsi qu’à Mmes et MM. X…, Y…, Léon Z…, Lucien Z…, A…, B…, C…, D…, E…, F…, G…, H…, I…, J…, K…, L…, et M… de leur désistement partiel de pourvoi en tant que dirigé contre la société Duménil et associés, la société banque Duménil-Leblé et la Compagnie financière de Paris ;

Donne acte à Mmes et MM. N…, O…, P…, Q…, R…, S…, T… et U… de leur désistement partiel de pourvoi en tant que dirigé contre la société Duménil et associés, la société banque Duménil-Leblé, la Compagnie financière de Paris, la société Bernard Akoun conseil, M. V…, la Compagnie internationale de caution pour le développement (ICD), M. Charbit, la société Jet sea yachting Caraïbes, Mme XW…, représentant des créanciers de la société Jet sea, M. XX…, administrateur judiciaire de la société Jet sea, M. XY… et la société « La Grande Terre » ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, démarchés par la société Duménil et associés, filiale de la société banque Duménil et Leblé, divers investisseurs se sont engagés, en vue d’avantages fiscaux, à devenir actionnaires d’une société en nom collectif, destinée à prendre en crédit-bail un navire qui serait exploité par la société Jet sea yachting Caraïbes (Jet sea) ; que cette société ayant été constituée sous le nom de « La Grande Terre », M. XY…, directeur général de la société Duménil et associés, a été investi d’un mandat de gestion et a fait choix, pour gérant de la société, de M. V…, également gérant de la société Jet sea, dont la société Lancereaux finances, elle-même filiale de la banque Duménil et Leblé détenait une partie des parts sociales ; que M. Charbit a été nommé aux fonctions de commissaire aux comptes ; que la société CECICO, aux droits de laquelle est la Compagnie financière de Paris (CFP), a acquis le navire « Phyllidia » auprès de la société Jet sea, puis l’a donné en crédit-bail à la société « La Grande Terre » ; que la société Bernard Akoun conseil, courtier, était chargé de négocier auprès de la Compagnie internationale de caution (ICD) une garantie des risques pouvant incomber aux investisseurs ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal n W 00-17.292, pris en ses deux branches :

Attendu que les associés de la société « La Grande Terre » font grief à l’arrêt, d’avoir refusé de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de l’action engagée devant la juridiction pénale de Pointe-à-Pitre, à l’encontre notamment des dirigeants de la société Jet sea et des cadres dirigeants de la banque Duménil-Leblé pour banqueroute et complicité, alors, selon le moyen :

1 ) que M. E… demandait à titre principal, le sursis à statuer dans l’attente de l’issue d’une instruction pénale pendante à Pointe-à-Pitre dans laquelle il était partie civile et qui a permis l’inculpation de douaniers, de protagonistes de Jet sea et des cadres dirigeants de la banque Duménil-Leblé pour banqueroute et complicité en faisant valoir que le procès pénal risquait d’aboutir à des condamnations pour escroquerie et faux en écritures, ainsi que banqueroute frauduleuse à l’encontre des principaux protagonistes de l’affaire dont était saisie la cour d’appel, et de révéler que l’ensemble de l’opération commerciale dont il a été victime était frauduleuse, ajoutant que le procès pénal était de nature à influer sur la solution civile qui sera apportée par la cour ; qu’en refusant de surseoir à statuer sur les actions en nullité et en responsabilité dont elle était saisie par les 27 associés de la SNC « la grande terre », dont M. E…, sans répondre au moyen déterminant soulevé par ce dernier dans ses conclusions signifiées devant la cour d’appel le 22 octobre 1999 (pages 15 et suivantes), la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la juridiction civile doit surseoir au jugement tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique mise en mouvement, dès lors que la décision à intervenir sur l’action publique est susceptible d’influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile ;

qu’en statuant sur les actions en nullité et en responsabilité dont elle était saisie, par notamment les 27 associés de la SNC « La Grande Terre » de tout montage imaginé et mis en place par la société Duménil et associés et la banque Duménil-Leblé, pour prétendument permettre aux associés de réduire leur impôt en application de l’article 238 bis HA du Code général des impôts, bien que M. E… se soit porté partie civile dans une affaire instruite par la juridiction pénale de Point-à-Pitre, ayant déjà mis en examen les dirigeants de la société Jet sea, le président de la banque Duménil-Leblé pour complicité de banqueroute, et des douaniers pour délivrance de certificats de complaisance et que la décision sur l’action publique était de nature à influer sur la décision, dont la cour d’appel était saisie puisque de nature à établir l’illicéité du montage imaginé et mis en place par le groupe Duménil, pour réduire prétendument les impôts des investisseurs, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que les dernières conclusions de M. E… ne prétendant à ce sursis qu’au nom d’une bonne administration de la justice, c’est dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d’appel a passé outre à cette demande ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur les quatrième et sixième moyens du pourvoi n° W 00-17.292, ce dernier étant pris en ses troisième et quatrième branches, et sur le moyen unique du pourvoi principal n° J 00-17.028, pris en ses deux branches, les moyens étant réunis :

Attendu que la société « La Grande Terre » et ses associés font grief à l’arrêt attaqué, d’avoir limité à 6 074 382 francs, la condamnation de la banque Duménil-Leblé, de la société Duménil et associés et de M. V…, et notamment rejeté les demandes visant à la prise en charge des sommes auxquelles la société « La Grande Terre » a été condamnée à l’égard du crédit-bailleur, ainsi que les demandes en condamnation solidaire de la banque Duménil-Leblé et de la société Duménil et associés, à les garantir de toute somme qui serait mise à leur charge et allouée à la société CFP, alors, selon les moyens :

1 ) que tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu’en rejetant la demande des associés de la société « la grande terre » de voir condamner in solidum la société Duménil et associés et la banque Duménil-Leblé à les garantir de toutes les sommes qui seraient mises à leur charge et allouées à la société CFP, tout en constatant que c’est l’inexécution du contrat de commercialisation, due notamment à la fraude du groupe Duménil qui s’était comporté comme le gérant de fait de la société « la grande terre », et qui en cette qualité avait donné à exploiter le navire Phyllidia à une société Jet sea à laquelle il était associé par l’intermédiaire de sa filiale, la société Lancereaux Finance, qui avait provoqué la défaillance de la société « la grande terre » dans le paiement des loyers du crédit-bail, sa résiliation, la prétention de la Cecico à bénéficier de la solidarité et du cautionnement des associés, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient

en méconnaissance des dispositions de l’article 1382 du Code civil ;

2 ) qu’en rejetant la demande des associés de voir condamner les sociétés Duménil et associés et banque Duménil-Leblé à prendre en charge la quote-part de M. Fabrice XZ… dans toutes les condamnations qui seraient prononcées à l’encontre des associés, tout en constatant que la société Duménil avait complété la liste des associés par la présentation excessivement flatteuse de M. Fabrice XZ…, alors qu’il était de notoriété publique dans les milieux financiers, que les sociétés animées par les frères XZ… avaient déposé leur bilan et que des instructions pénales pour banqueroute et faux avaient été ouvertes à leur encontre, que de surcroît la banque Duménil-Leblé avait pris l’initiative sans solliciter l’accord de la société « La Grande Terre », de couvrir spontanément les défaillances de M. XZ… s’élevant au 26 avril 1993 à 2 364 448 francs, par un découvert en compte courant, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient en violation de l’article 1382 du Code civil ;

3 ) qu’en limitant la condamnation in solidum de la société Duménil et associés et la banque Duménil-Leblé à payer à chaque associé une somme de 100 000 francs, tout en constatant que c’est l’inexécution du contrat de commercialisation, due notamment à la fraude du groupe Duménil, qui s’était comporté en gérant de fait de la société « La Grande Terre » et qui en cette qualité avait donné à exploiter le navire Phyllidia à une société Jet sea, qu’il contrôlait par l’intermédiaire de sa filiale, la société Lancereaux Finances, qui avait provoqué la défaillance de la société « La Grande Terre » dans le paiement des loyers du crédit-bail, sa résiliation, la prétention de la Cecico à bénéficier de la solidarité et du cautionnement des associés, et l’instruction contre eux de procédures de redressement fiscal, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s’évinçaient en méconnaissance des dispositions de l’article 1382 du Code civil ;

4 / que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’inexécution de celui-ci lorsque celle-ci leur a causé un dommage, en considérant que les associés de la société « La Grande Terre » ne pouvaient pas solliciter réparation de leur préjudice fiscal au groupe Duménil dès lors qu’ils n’étaient pas parties au contrat de commercialisation inexécuté qui leur avait causé préjudice, la cour d’appel a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil ;

5 ) que la victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice ; qu’après avoir constaté la gestion frauduleuse de la société « la grande terre » par M. V… (arrêt, p.26, alinéa 6 et p.28, alinéa 1er), que M. V… avait trompé la société « la grande terre » et qu’il était responsable du défaut d’exploitation du navire, que les juges du fond ont constaté : « c’est l’absence de commercialisation effective du Phyllidia (…) qui (…) a provoqué la défaillance de la société la grande terre dans le paiement des loyers du crédit-bail (et) sa résiliation » ; qu’ayant condamné la société « La Grande Terre » à payer des sommes à la société CFP, aux droits de la société Cecico, à raison de la résiliation du contrat de crédit-bail ou encore de frais de gardiennage, les juges du fond devaient se demander si un lien de cause à effet n’existait pas entre le préjudice éprouvé par la société « La Grande Terre », pour avoir été condamnée à l’égard de la société CFP, et le comportement fautif de M. V…, et si dès lors, les sommes allouées au crédit-bailleur ne devaient pas donner lieu à réparation à l’encontre de M. V… ; que faute d’avoir procédé à cette recherche, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

6 ) que les juges du fond ont également constaté, que le groupe Duménil s’est immiscé dans la gestion frauduleuse de M. V…, qu’il a été le complice de M. V… et qu’il était responsable du défaut d’exploitation du navire ; que l’arrêt attaqué a relevé par ailleurs, que les condamnations prononcées au profit du crédit-bailleur trouvaient leur origine dans le défaut d’exploitation du navire ; que faute d’avoir recherché si dans ces circonstances les condamnations prononcées au profit du crédit-bailleur, ne devaient pas entrer au nombre des préjudices dont la réparation pouvait être demandée aux entités du groupe Duménil, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les demandeurs s’étant désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre les sociétés banque Duménil-Leblé et Duménil et associés, et aucun des griefs ainsi formulés n’attaquant l’arrêt en ce qu’il profite aux parties maintenues en cause, ces moyens sont inopérants ;

Sur le sixième moyen du pourvoi n° W 00-17.292, pris en ses première, deuxième et sixième branches :

Attendu que les demandeurs à ce pourvoi font encore grief à l’arrêt attaqué, d’avoir limité la condamnation in solidum de la banque Duménil-Leblé, de la société Duménil et associés et de M. V… envers la société « La Grande Terre » à titre de dommages-intérêts à la somme de 6 074 382 francs avec intérêts, au taux légal à compter de la résiliation du contrat de crédit-bail le 18 mars 1994, et envers chacun des vingt-sept associés demandeurs à la somme de 100 000 francs de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi :

1 ) que le démarchage en vue du placement de parts de société en nom collectif, par des personnes autres que des banques, des établissements financiers, des caisses d’épargne, des sociétés de caution mutuelle régies par la loi du 13 mars 1917, et des entreprises de crédit différé bénéficiaires de l’agrément spécial du ministre de l’économie et des finances prévu par le décret n 53-947 du 30 septembre 1953, agissant dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, est interdite et engage la responsabilité du commettant du démarcheur sur le fondement de l’article 1384 du Code civil ; qu’en ne condamnant pas la société Duménil et associés à réparer le préjudice des associés de la société « La Grande Terre », tout en constatant que cette société avait pratiqué un démarchage interdit, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient, en violation des textes précités ;

2 ) que Mme XA… et sept autres associés faisaient valoir dans leurs conclusions récapitulatives, signifiées le 13 janvier 2000, que la banque Duménil-Leblé et sa filiale, la société Duménil et associés, avaient manqué à leur obligation d’information et de conseil à leur égard en ne leur indiquant pas que la gérance de la société « La Grande Terre » serait confiée au dirigeant de la société Jet sea, chargée de commercialiser le bateau Phyllidia, ni que celui-ci ne correspondait pas à celui décrit dans la facture pro forma ni à la plaquette remise aux associés et n’était pas neuf au sens de l’article 238 bis HA du Code général des impôts, ce qui leur avait causé un préjudice se composant de l’intégralité des appels de fonds versés par les associés, de la majoration de 0,75 % par mois depuis le 15 septembre 1995, sur les droits supplémentaires réglés par eux à la suite d’une notification de redressement, ainsi que des sommes qu’ils seraient condamnés à payer à la compagnie financière de Paris ; qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu’en tout état de cause, les associés de la société « La Grande Terre » étaient fondés à solliciter du groupe Duménil qui avait agi, selon les propres constatations de la cour d’appel, en qualité de gérant de fait de la société « La Grande Terre », réparation tant du préjudice personnel que du préjudice collectif que leur avait causé la gestion frauduleuse effectuée par ledit groupe Duménil qui avait consisté à confier la commercialisation de l’investissement outre-mer à une société Jet sea, dont le groupe Duménil détenait d’ailleurs par l’intermédiaire de leur filiale Lancereaux finance une partie du capital et qui s’était abstenue d’exploiter ledit navire en méconnaissance de l’article 238 bis HA du Code général des impôts ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a méconnu l’article 1843-5 du Code civil ;

Mais attendu que les demandeurs s’étant désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre les sociétés banque Duménil-Leblé et Duménil et associés, et aucun des griefs ainsi formulés n’attaquant l’arrêt en ce qu’il profite aux parties maintenues en cause, ces moyens sont inopérants ;

Sur le septième moyen du pourvoi n° W 00-17.292, pris en ses deux branches :

Attendu que les demandeurs au pourvoi font encore grief à l’arrêt attaqué, d’avoir débouté la société « La Grande Terre » et ses associés de leurs mises en cause de la responsabilité de M. Charbit, commissaire aux comptes de la société « La Grande Terre », alors, selon le moyen :

1 ) qu’en considérant, que M. Charbit avait satisfait à ses obligations professionnelles en inscrivant une provision dans les comptes de l’exercice 1992, pour enregistrer la défaillance de M. XZ…, sans constater que celui-ci avait, de surcroît, signalé à l’assemblée générale des associés et dans les comptes de la société « La Grande Terre » les conséquences financières qui découlaient de cette défaillance, dont une augmentation du découvert en compte courant auprès de la banque Duménil-Leblé grevant la trésorerie de la société selon les propres constatations de la cour d’appel, pour s’élever en juin 1993 à 2 364 448 francs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 228 de la loi du 24 juillet 1966, applicable en l’espèce ;

2 ) que les commissaires aux comptes ne sont pas civilement responsables des infractions commises par les administrateurs ou les membres du directoire, selon le cas, sauf si, en connaissance de cause, ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée générale ; qu’en écartant toute mise en jeu de la responsabilité de M. Charbit à défaut de preuve de sa participation à la fraude de M. V… et du groupe Duménil, sans rechercher s’il ne s’était pas abstenu de la révéler aux associés de la société « La Grande Terre » en connaissance de celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 234, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;

Mais attendu, qu’ayant constaté que, lors de l’assemblée générale réunie à son initiative et à celle de deux associés le 26 juin 1993, M. Charbit avait signalé aux associés la carence de l’un d’entre eux, détenteur de plus de 20 % du capital, la cour d’appel qui n’était pas tenue de se livrer à la recherche visée à la seconde branche, qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le huitième moyen du pourvoi n° W 00-17.292, pris en ses deux branches :

Attendu que les demandeurs font encore grief à l’arrêt, d’avoir condamné la compagnie internationale de caution pour le développement – ICD à restituer à la société « La Grande Terre » la simple somme de 750 000 francs, avec intérêts au taux légal à compter de la première demande en justice, et rejeté les demandes des associés de la société « La Grande Terre » en exécution de la garantie du paiement des loyers de crédit-bail, alors, selon le moyen :

1 ) que par une lettre en date du 27 décembre 1991, la compagnie internationale de caution pour le développement écrivait à la société Cecico dans les termes suivants : « nous vous confirmons notre accord pour garantir le paiement des sommes dues par les associés de la société « La Grande Terre » dans le cadre du contrat de location avec option d’achat n° 751 274 L. Cette garantie vous sera acquise dès réception par notre compagnie de la commission de caution, soit 745 000 francs TTC, et confirmée d’ici le 15 janvier 1992, dans le cadre d’une convention de caution dont le souscripteur sera yachting Caraïbes et le bénéficiaire Cecico. Les éléments indispensables à l’établissement de cette convention seront : contrat de crédit-bail, statuts de la copropriété des navires, assurance dommages, incendie, disparitions, destructions, détentions abusives, vol ou détournement, réquisition ou saisie du navire, assurance responsabilité civile illimitée couvrant toute la responsabilité du gérant de la société quirataire avec délégation au profit du souscripteur, assurance couvrant la défense et recours » ; qu’en considérant que la garantie des paiements des loyers de crédit-bail n’était pas acquise à la Cecico, tout en constatant qu’une prime de 745 000 francs TTC, avait été versée entre les mains d’ICD dès le 30 janvier 1992, la cour d’appel a méconnu la force obligatoire d’un contrat en méconnaissance des dispositions de l’article 1134 du Code civil ;

2 ) que par la lettre précitée du 27 décembre 1991, ICD confirmait son accord pour garantir le paiement des sommes dues par les associés de la société « La Grande Terre » dans le cadre du contrat de location avec option d’achat n 751 274, dès réception par notre compagnie de la commission de caution, soit 745 000 francs ; qu’en considérant que la garantie de ICD était soumise à deux conditions, non seulement du paiement d’une prime de 745 000 francs, mais encore de l’établissement de garanties par chacun des vingt-huit associés de la société « La Grande Terre », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre du 27 décembre 1991, adressée par ICD à la société Cecico en violation de l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’engagement résultant du courrier cité était suivi d’une liste des documents indispensables à l’établissement de cette convention, parmi lesquels les nantissements ou cautionnements réclamés à chacun des vingt-huit associés, la cour d’appel, constatant que certains d’entre eux ne les avaient jamais constitués, a, hors toute dénaturation, fait l’exacte application de la loi du contrat en décidant, au vu des conditions générales du projet, que la société ICD n’était pas tenue à garantie ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident n° J 00-17.028 et du pourvoi incident n° W 00-17.292, rédigés en termes similaires et formés par les sociétés Duménil et associés et de la banque Duménil-Leblé, les moyens étant réunis :

Attendu que ces parties font grief à l’arrêt attaqué, de les avoir déclarées solidairement responsables avec M. V… et la société Jet sea, de la résolution pour inexécution du contrat de commercialisation du navire Phyllidia, et de les avoir condamnées solidairement avec M. V… à payer, à titre de dommages-intérêts, à la société « la grande terre » une somme de 6 074 382 francs, avec intérêts au taux légal à compter de la résiliation du contrat de crédit-bail, le 18 mars 1994, et à chacun des vingt-sept associés de la société « la grande terre » la somme de 100 000 francs, alors, selon le moyen, que l’arrêt ne relève aucun élément démontrant une faute incombant aux sociétés du groupe Duménil dans le défaut d’exploitation du navire ; qu’il résulte seulement des constatations de l’arrêt, que le directeur général de la société Duménil et associés avait reçu mandat des associés de la société « la grande terre » pour désigner en qualité de gérant M. V…, également dirigeant de la société Jet sea ; que l’arrêt constate lui-même que cette double qualité n’avait rien d’illégal ; que l’arrêt attaqué a ainsi entaché sa décision d’un manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que, retenant que les demandeurs ont été victimes, au stade de la commercialisation du bateau, de l’infidélité de leur mandataire, M. V…, choisi par le directeur général de la société Duménil & associés afin d’exercer la gérance de la société « la grande terre », tout en assumant celle de la société Jet sea, que cette même société, associée de la société Jet sea par le truchement de sa filiale Lancereaux finance, avait complété la liste des associés de la société « La Grande Terre » par la présentation excessivement flatteuse de M. Fabrice XZ…, alors que, de notoriété publique dans les milieux financiers, les sociétés animées par les frères XZ… avaient en série déposé leur bilan, que la banque Duménil-Leblé avait pris l’initiative de couvrir les défaillances de M. XZ… par un découvert en compte courant, puis tardé à rappeler à ce dernier qu’il n’avait pas répondu à un appel de fonds, et, enfin, que la défaillance de la société « la grande terre », ne s’était révélée qu’après une période où les comptes de trésorerie en avaient masqué la réalité, l’arrêt a caractérisé la responsabilité incombant aux sociétés Duménil, pour avoir fait choix d’un mandataire indélicat et d’un actionnaire principal insolvable, dont elles avaient masqué la défaillance, ces circonstances ayant induit l’absence d’exploitation du navire ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident n° J 00-17.028 de la société Jet sea yachting Caraïbes, et de Mme XW… et M. XX…, ès qualités :

Attendu que ces parties font grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait masse des dépens et dit qu’ils seront supportés pour moitié in solidum par la société « La Grande Terre » et les associés, d’une part, et par la banque Duménil Leblé et associés, M. V… et M. XW…, ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l’exécution du plan de la société Jet sea, d’autre part, alors, selon le moyen, que lorsque la créance sur laquelle se fonde la demande principal à son origine antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, la créance de dépens, apparue seulement au stade final de l’action tendant à la mise en oeuvre de ce droit préexistant, trouve, elle aussi, son origine avant le prononcé du redressement judiciaire et n’entre donc pas dans les prévisions de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

qu’en condamnant dès lors la société Jet sea, mise en redressement judiciaire, sans rechercher et constater que la créance de la société la grande terre et celle des associés était née postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ce qui n’était pas le cas, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la créance de dépens mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et entre dans les prévisions de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 621-32 du Code de commerce, lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux pourvois principal et incident n° W 00-17.292 et les demandeurs aux pourvois principal et incident n° J 00-17.028 aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille deux.


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