Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 octobre 1994, 92-20.035, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 octobre 1994, 92-20.035, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 ) Mlle Nathalie, Carole, Claudine Z…, demeurant … (Haute-Saône),

2 ) Mlle Sandra, Marie-Laure Z…, demeurant … (Haute-Saône), toutes deux venant aux droits de leur père, François Z…, décédé,

3 ) la société anonyme Sièges de France, dont le siège est à Berteaucourt-Les-Dames (Somme),

4 ) la société anonyme Fabrique de meubles Jacques Z…, dont le siège est à Saint-Loup-sur-Semouse (Haute-Saône), en cassation d’un arrêt rendu le 9 juillet 1992 par la cour d’appel de Paris (4e Chambre, Section B), au profit de la société anonyme Y…, dont le siège est … (12e), défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 31 mai 1994, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Léonnet, les observations de Me Le Prado, avocat des consorts Z… et des sociétés Sièges de France et Fabrique de meubles Jacques Z…, de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de la société Y…, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Paris, 9 juillet 1992) que MM. Z… et Y…, actionnaires de plusieurs sociétés, dont la Finition du siège et la Manufacture vosgienne de meubles et sièges, spécialisées dans l’ameublement, ont signé le 10 décembre 1983 un accord selon lequel M. Z… acquérerait les actions de la société Manufacture vosgienne de meubles et sièges appartenant à M. Y…, et celui-ci celles de la société Finition du siège appartenant à M. Z… ; que cette convention prévoyait également que M. Z…, ainsi que les sociétés qu’il contrôlait, s’engageaient à ne pas copier les modèles que la société Finition du siège avait préparés pour le salon du meuble du mois de janvier 1984 et à ne pas embaucher les salariés de cette entreprise ou de collaborer avec eux pendant un délai d’un an à compter de leur démission ; qu’estimant que M. Z… et les sociétés qu’il contrôlait n’avaient pas respecté les termes de leur accord et s’étaient rendus coupables à son égard de concurrence déloyale, la société Y… les a assignés en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sièges de France, la société Fabrique de meubles Jacques Z… et les consorts Z… font grief à l’arrêt d’avoir accueilli cette demande, alors que, selon le pourvoi, l’article 13 du protocole du 10 décembre 1983, exclusif de toute possibilité d’interprétation, n’interdisait la reproduction que des meubles préparés par la société Finition du siège pour le salon de janvier 1984 ; que, dénaturant cette stipulation, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, en raison du silence des parties sur l’obligation prise par M. Z… de ne pas copier les modèles de la société Y… non encore diffusés dans le public, a eu recours à une interprétation du protocole litigieux dont la nécessité est exclusive de dénaturation ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Sièges de France, la société Fabrique de meubles Jacques Z… et les consorts Z… font encore le même grief à l’arrêt, alors que, selon le pourvoi, d’une part, la cour d’appel n’a pu dénier à « Z… » le droit d’utiliser le signe SDF sans dénaturer l’article 13 du protocole du 10 décembre 1983 qui acceptait expressément la dénomination Sièges de France pour la nouvelle filiale du groupe Z…, et violer l’article 1134 du Code civil ; alors que, d’autre part, la faculté d’utiliser une dénomination sociale implique celle d’utiliser le sigle correspondant ; que la cour d’appel n’a pu le nier sans violer l’article 56 du décret du 23 mars 1967 ;

Mais attendu que l’arrêt a constaté que seule l’appellation Sièges de France, qui correspondait à la raison sociale de cette société, figurait à l’article 13 du protocole et non celui du sigle « SDF » ; qu’en l’état de ces constatations et hors toute dénaturation, la cour d’appel a pu décider que les demandeurs au pourvoi n’avaient pas le droit d’utiliser le sigle litigieux ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Sièges de France, la société Fabrique de meubles Jacques Z… et les consorts Z… font encore le même reproche à l’arrêt, alors que, selon le pourvoi, en assimilant à une collaboration avec le groupe Z… d’un ancien employé de FDS le fait que ce dernier, dont le nouvel employeur est extérieur au groupe Z…, soit appelé à participer aux activités que ce nouvel employeur effectue contractuellement pour le groupe Z…, la cour d’appel a dénaturé l’article 14 du protocole et violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le « groupe Z… » s’était interdit, dans l’article 14 du protocole litigieux, d’embaucher ou de « collaborer » avec toutes personnes faisant partie du personnel de la société Finition du siège ou de ses filiales et sociétés apparentées, dans le délai d’un an suivant leur démission, et ayant constaté que M. X… avait quitté la société Finition du siège avant l’expiration de ce délai pour travailler dans le cabinet d’expertises Baudoin, qui traitait les dossiers du « groupe Z… », c’est hors toute dénaturation que la cour d’appel a décidé que, par suite de ses nouvelles fonctions, il collaborait avec son ancien employeur ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Sièges de France, la société Fabrique de meubles Jacques Z… et les consorts Z… font enfin grief à l’arrêt de les avoir condamnés, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en se prononçant globalement, en les confondant, sur les trois chefs de demande, distincts, de la société Y…, sans évaluer chacun des chefs de préjudice allégués, perte liée à la baisse du prix de vente des produits Y… copiés, perte liée à la baisse des prix sur les autres modèles de la collection, perte liée à la baisse du chiffre d’affaire réalisé par Z… sur les modèles litigieux, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ; alors que, d’autre part, en n’apportant aucune réponse au moyen des écritures de M. Z… et autres tiré de ce que le préjudice qu’a pu subir la société Y… résulte au moins pour partie de la rupture du contrat de commercialisation exclusive des meubles Z…, qui rapportait chaque année, à la société Y…, trente millions de francs de chiffre d’affaires, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ; alors, en outre, qu’en considérant la baisse des prix sur les autres modèles de la collection comme causalement liée au comportement concurrentiel déloyal attribué à Z…, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, qu’en incluant, dans l’indemnité allouée, la réparation non demandée d’un préjudice causé par le prétendu débauchage de personnel, la cour d’appel a violé l’article 464 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, prenant en considération l’ensemble des préjudices subis par la société Y… du fait des divers agissements anticoncurrentiels dont elle avait été victime et, sans méconnaître les termes de la demande en dommages-intérêts de cette société, en a justifié souverainement tant l’existence que l’importance par l’évaluation qu’elle en a faits ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sièges de France, la société Fabrique de meubles Jacques Z… et les consorts Z… à payer à la société Y… la somme de treize mille francs en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les demandeurs, envers la société Y…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


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