Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société DDC, dont le siège est Auzolan 48, Apdo 111, 20300 Irun, (Espagne),
en cassation d’un arrêt rendu le 27 mars 1996 par la cour d’appel de Pau (1re chambre), au profit de M. X…, pris en sa qualité de représentant des créanciers de la société DDC Carbisa, domicilié …,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 9 mars 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société DDC, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Pau, 27 mars 1996), que la société DDC Carbisa, filiale de la société DDC, a procédé à une augmentation de son capital, la société DDC s’étant engagée à y participer à hauteur de 1 900 000 francs par apport en nature de modèles et d’une partie de sa clientèle ; que la société DDC Carbisa ayant été mise en redressement judiciaire, M. X…, en qualité de représentant des créanciers, soutenant que les apports en nature n’avaient pas été effectués, a demandé judiciairement à la société DDC le paiement d’une certaine somme correspondant à ces apports ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que la société DDC reproche à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la société DDC Carbisa la somme de 1 900 000 francs en réparation des apports non effectués, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’il résultait du rapport de la société Fiduciaire de France (commissaire aux apports) que l’apport en nature de la société DDC était constitué « de modèles estampes et outillages servant à la fabrication de caisses de luxe destinées à l’emballage de bouteilles de champagne, de cognac et d’armagnac, mais aussi de ménagères pour ustensiles de cuisine, et d’une partie de la clientèle livrée actuellement par l’Espagne pour ce qui concerne le chiffre d’affaires réalisé en semi-automatique, les fabrications artisanales restant du ressort exclusif de l’Espagne » ; que, pour la condamner à verser à la société DDC Carbisa la somme de 1 900 000 francs en réparation des apports non effectués, la cour d’appel a énoncé que le rapport de la Fiduciaire de France indiquait que l’apport portait sur la partie de la clientèle livrée par l’Espagne, pour ce qui concerne le chiffre d’affaires réalisé en semi-automatique, et elle a considéré qu’elle n’avait pas apporté de clientèle ; qu’en omettant de prendre en considération l’apport de modèles, estampes et outillages, tel que nommé par le rapport de la Fiduciaire de France, et dont la réalité n’était pas contestée, la cour d’appel en a dénaturé les termes par omission et a violé l’article 1134 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’elle exposait dans ses conclusions d’appel que l’expert avait retenu que l’apport ne lui semblait pas fictif, que le mode d’évaluation avait été prudent : deux années de résultats sur le chiffre d’affaires apporté, et qu’il avait conclu : « L’apport en clientèle doit donc s’analyser en un apport de clientèle lié aux modèles réellement conçus par DDC et apportés à la société Carbisa. Cet apport de chiffre d’affaires a été évalué en appliquant le pourcentage de résultat sur le chiffre d’affaires constaté dans le bilan de DDC au chiffre d’affaires apporté à DDC Carbisa. La somme a été ainsi multipliée par deux pour prendre en compte le résultat sur deux ans » ; qu’en se bornant à constater qu’elle n’avait pas apporté de clientèle pour la condamner à payer la somme de 1 900 000 francs au titre de l’apport en nature non effectué, sans répondre à ce moyen de nature à démontrer que, s’il n’y avait pas eu un apport de clientèle stricto sensu, cet apport n’était pas fictif mais devait s’analyser en un apport de chiffre d’affaires lié aux modèles conçus par elle et réellement apportés à la société DDC Carbisa, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d’une part, que c’est sans dénaturer le rapport de la société Fiduciaire de France, qui ne retenait, pour les modèles outillages et estampes, qu’une valeur « symbolique », que la cour d’appel a statué comme elle a fait ;
Attendu, d’autre part, que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la société DDC Carbisa est devenue un sous-traitant de la société DDC, que celle-ci, seule propriétaire de la clientèle, n’a pu apporter à sa filiale qu’un chiffre d’affaires qui ne peut en aucune manière constituer un bien incorporel susceptible d’appréciation et d’évaluation, et qu’à défaut d’apport de la clientèle, la maîtrise de celle-ci est restée à la société DDC, ce qui a empêché la société bénéficiaire de l’apport de décider par elle-même de son chiffre d’affaires ; que la cour d’appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société DDC aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.