Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 décembre 2001, 99-13.118, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 décembre 2001, 99-13.118, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société anonyme Cauval Industries, dont le siège est …,

2 / la société anonyme Parfifal, dont le siège est …,

3 / la société anonyme Fimmopress, anciennement Sogamur, dont le siège est …,

4 / M. Gilbert Z…, demeurant …,

5 / M. Gilles X…, demeurant …,

6 / M. Franck Y…, demeurant …,

en cassation d’un arrêt rendu le 26 janvier 1999 par la cour d’appel de Paris (1re chambre civile, section B), au profit :

1 / de l’Agent judiciaire du Trésor, dont le siège est …,

2 / de la Commission des opérations de bourse (COB), demeurant …,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 octobre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, Mme Garnier, conseiller, M. Huglo, Mme Mouillard, conseillers référendaires appelés à compléter la chambre en application des articles L. 131-6-1 et L. 131-7 du Code de l’organisation judiciaire, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société Cauval Industries, de la société Parfifal, de la société Fimmopress anciennement Sogamur, de M. Z…, de M. X… et de M. Y…, de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de l’Agent judiciaire du Trésor et de la Commission des opérations de bourse (COB), les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 1999), que la société Parfival contrôlée par MM. Z…, X… et Y…, qui avait acquis de la société Sogamur 95 % du capital de la société Cauval industrie cotée au premier marché au comptant de la Bourse de Paris, a envisagé, afin d’augmenter la liquidité du titre, de procéder, à la fin de l’année 1994, à une offre publique de vente de titres de cette société, assortie d’une augmentation de capital qu’elle se réservait, de sorte que sa part dans le capital de la société Cauval industries soit ramenée à 78,5 % ; que les deux sociétés ont établi une note d’information commune qui a été soumise à la Commission des opérations de bourse (la COB) ; que celle-ci a demandé des informations complémentaires, puis a ouvert une enquête et en a informé le président de la société Cauval industrie ; qu’au vu des résultats de cette enquête, ayant fait apparaître des faits susceptibles de qualification pénale, la COB a transmis au Parquet le rapport sur les opérations et transactions financières successives depuis la constitution de la société Cauval industries ; qu’estimant que certains faits étaient susceptibles de constituer une escroquerie, elle a par la suite transmis au Parquet le rapport d’une enquête concernant la société Altus finances ; que le 16 juillet 1997, le conseil des marchés financiers a sollicité de la société Parfival le dépôt d’une offre publique de retrait concernant les actions de la société Cauval industries en raison de la liquidité très réduite du titre; que la société Cauval industries, la société Parfival, la société Sogamur, ainsi que MM. Z…, X… et Y… ont demandé à l’Etat réparation du préjudice résultant des fautes lourdes qu’ils reprochaient à la COB d’avoir commises ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Cauval industrie, la société Parfival, la société Sogamur devenue Fimmopress, MM. Z…, X… et Y… reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande de communication de pièces alors, selon le moyen, qu’en vertu des dispositions combinées des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 7, 11, 16, et 132 du nouveau Code de procédure civile, les juges du fond, tenus de faire observer le principe du contradictoire, ont l’obligation de faire droit à une demande de communication de pièces, non produites spontanément par la partie qui les invoque à l’appui de ses prétentions ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait refuser d’ordonner la production de pièces invoquées par le défendeur pour dénier sa responsabilité, et auxquelles l’arrêt se référera dans le corps de ses motifs, sans violer le principe du contradictoire, ensemble les droits de la défense ;

Mais attendu que la cour d’appel qui a retenu que « les requérants n’indiquent pas en quoi les pièces réclamées seraient utiles à la solution du litige » et qui n’a pas fondé sa décision sur ces pièces, n’était pas tenue d’en ordonner la production et n’encourt pas les griefs du moyen ; d’où il suit que celui-ci n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que les mêmes reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande d’indemnisation de leur préjudice alors, selon le moyen :

1 / que selon la procédure d’octroi de visa prévue par les articles 6 et 7 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 complétée par le règlement COB n° 91.02 du 27 décembre 1991 dont l’article 9 renvoie à la procédure prévue par l’article 5 A de l’ordonnance de 1967, des demandes d’informations complémentaires peuvent être faites en application de l’article 5 A ; qu’en l’état des réponses satisfactoires fournies à la COB à chacune de ses demandes, l’allégation par celle-ci d’une plainte d’un actionnaire minoritaire, dont l’existence n’est pas attestée, n’était pas de nature à justifier la suspension initiale de la procédure d’octroi de visa et procédait d’un motif fallacieux engageant la responsabilité de la COB au regard des textes précités ; qu’en se déterminant comme elle a fait, à la faveur de motifs inopérants, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2 / que les demandes d’informations complémentaires peuvent être faites dans le cadre et suivant les modalités prévues par l’article 5 A de l’ordonnance de 1967 relatif à la procédure d’octroi de visa ; que cette procédure particulière, autonome et rapide, est exclusive de la procédure d’enquête distinctement prévue à l’article 5 B, laquelle n’a pas été instituée pour recueillir les demandes d’informations complémentaires requises dans le cadre de l’article 5 A ; qu’en ne prenant dès lors pas partie sur la procédure initialement ouverte dont elle a suspendu l’aboutissement aux résultats d’une enquête de l’article 5 B dont l’objet était étranger à l’opération soumise à visa, la COB a de ce chef engagé sa responsabilité ; qu’en ne retenant pas la responsabilité de la COB à raison du détournement de procédure qui lui était ainsi reproché, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

3 / que, selon l’article 17 du décret n° 85-199 du 11 février 1985 relatif à la Cour des comptes, « pour l’exécution de leur mission, les rapporteurs procèdent à toutes investigations qu’ils jugent utiles sur pièces et sur place » ; que pareil dispositif n’a ni pour objet ni pour effet de permettre aux rapporteurs de la Cour des comptes de communiquer à la COB les éléments d’une procédure en cours ; qu’il suit de là que viole le secret professionnel le rapporteur de la Cour des comptes qui prend l’initiative directe de transmettre prématurément des informations à la COB, hors des canaux et des modalités prévues à l’article 49 du décret susvisé ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

4 / qu’en se bornant ainsi à relever que la nouvelle enquête reprise par la COB entrait dans l’objet défini par l’article 1er de l’ordonnance de 1967 sans autrement rechercher si, par sa finalité, ladite enquête n’était pas commandée par des considérations de police judiciaire intéressant des tiers de nature à porter préjudice aux requérants, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale ;

5 / que la COB expose sa responsabilité envers les opérateurs, à raison des communiqués les concernant dès lors que ceux-ci font état d’informations inexactes ; qu’il n’importe que pour éviter de mentionner une enquête en cours, la COB explique publiquement le retard d’une opération par la circonstance -erronée- qu’elle n’avait pas reçu les renseignements sollicités auprès des sociétés concernées, énonciations de nature à porter atteinte au crédit de ces dernières ; qu’en ne s’expliquant pas sur cet élément essentiel articulé par les requérants, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, de première part, que l’arrêt constate que c’est à la suite d’un accord concerté entre la COB et la société Cauval industries qu’a été prise la décision de suspension de la procédure d’instruction du visa ;

Attendu, de deuxième part, que c’est à bon droit que, la cour d’appel, ayant rappelé qu’il entrait dans la mission de la COB de veiller à l’information des investisseurs à l’occasion d’une opération sollicitant l’épargne du public, a décidé qu’il ne peut lui être reproché d’avoir, pour l’instruction d’une demande de visa, mis en oeuvre une enquête dans les conditions de l’article 5 B de l’ordonnance du 28 septembre 1967 afin, en l’état des informations dont elle disposait, d’apprécier la qualité de l’information donnée au public concernant la valeur de certains actifs essentiels inscrits au bilan de la société Cauval industries ;

Attendu, de troisième part, que l’arrêt retient que la COB a été consultée par le rapporteur de la Cour des comptes chargé d’un contrôle, sur une série de transactions successives concernant la société Dumeste et a pris connaissance à cette occasion des documents de travail qui lui avaient été communiqués par ce rapporteur afin de lui permettre de fournir un avis circonstancié ; qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel qui relève par ailleurs que les constatations relatives à la société Dumeste avaient par la suite fait l’objet d’une communication à la COB par un président de chambre de la Cour des comptes, en application de l’article 49 du décret du 11 février 1985, a pu décider que ces faits ne revêtaient pas de caractère fautif ;

Attendu, de quatrième part, que l’arrêt retient que la COB était fondée à interroger les dirigeants de la société Cauval industries dans le cadre d’une enquête concernant la société Altus finances, dès lors que certaines opérations menées par eux avec cette dernière société étaient liées à des opérations réalisées avec les sociétés du groupe Cauval ; que la cour d’appel qui a considéré que ces investigations n’étaient pas étrangères à la mission de protection de l’épargne publique dévolue à la COB, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel a retenu que les demandeurs au recours ne démontraient pas la suspicion susceptible d’avoir été entraînée par la teneur du communiqué critiqué, dont les termes ne portent pas atteinte au crédit de la société Cauval industrie ;

qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille un.


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