Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 décembre 2001, 98-20.788, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 4 décembre 2001, 98-20.788, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / Mme Gilberte Bérilo, épouse Benhaïm, président directeur général de la société Maison de Santé Mozart, demeurant …,

2 / M. Alain X…, demeurant …,

3 / Mlle Annick X…, demeurant …,

4 / M. Gérard Benhaïm, demeurant Moulin de Riou, place du 8 Mai 1945, 28500 Vernouillet,

5 / M. Jean-François X…, demeurant …,

en cassation d’un arrêt rendu le 19 juin 1998 par la cour d’appel de Paris (3e chambre – section C), au profit :

1 / de la société Maison de Santé Mozart, société anonyme, dont le siège est …,

2 / de Mme Florence Z…, épouse Benhaïm,

3 / de M. Jean Benhaïm,

demeurant ensemble …,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 23 octobre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, Mme Favre, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat des consorts X…, de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Maison de Santé Mozart et de M. et Mme Jean X…, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 juin 1998), qu’à la suite du décès, en 1987, de M. Georges Benhaïm, un litige oppose son fils M. Jean Benhaïm à sa veuve, Mme Gilberte Benhaïm ainsi qu’aux autres enfants de M. Georges Benhaïm (les consorts X…), en ce qui concerne la propriété des actions de la société Maison de santé Mozart (la société) dont la cession d’un certain nombre avait été occultée pour des raisons fiscales et la validité d’une assemblée générale extraordinaire de la société du 21 décembre 1993 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X… reprochent à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevable l’action de MM. Jean-François et Alain X… alors, selon le moyen, qu’ils avaient fait valoir, dans leurs conclusions d’appel, que l’assignation délivrée le 21 juin 1988 à la requête de la société et de M. Jean Benhaïm précisaient qu’Alain et Jean-François X… étaient actionnaires de cette société ; qu’en déclarant ceux-ci irrecevables en leur action, sans répondre à ce moyen établissant la reconnaissance de leur qualité d’actionnaires par la société, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que MM. Alain et Jean-François X… n’avaient pas justifié de leur qualité d’actionnaires, n’était pas tenue de répondre au simple argument tiré de ce qu’ils avaient été mentionnés en cette qualité dans des écritures de M. Jean Benhaïm dans une autre instance ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que les consorts X… reprochent à l’arrêt d’avoir dit que le capital de la société était, jusqu’au 25 novembre 1987, réparti à hauteur de 6 471 actions pour le « groupe Jean X… » et de 2 009 actions pour le « groupe Georges X… » alors, selon le moyen :

1 / que le juge ne peut méconnaître les termes du litige et modifier un fait que l’ensemble des parties ont reconnu comme établi ;

qu’en l’espèce, toutes les parties au litige, parmi lesquelles Jean Benhaïm, n’ont pas contesté que le nombre d’actions occultées était de 2 054 ; qu’en décidant que le nombre d’actions occultées était de 2 544, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que dans son premier arrêt, la cour d’appel a constaté l’accord des parties pour reconnaître l’attribution initiale de 5 300 actions à Jean Benhaïm et de 947 actions à Georges Benhaïm, montant qui correspondaient chacun au nombre d’actions nanties au profit de l’organisme bancaire qui avait consenti le crédit ; que dans l’arrêt attaqué, la cour d’appel, après avoir retenu le chiffre total de 5 936 actions officiellement cédées, soit un nombre inférieur à 5 300 + 947 précédemment évoquées, a réduit le nombre d’actions revenant à Georges Benhaïm et non celui de Jean Benhaïm ; qu’en se déterminant ainsi, sans expliquer pour quelle raison la réduction du nombre d’actions devait affecter celles appartenant à Georges Benhaïm et non celles de Jean Benhaïm, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu’ils avaient fait valoir que de nombreux documents, parmi lesquels les feuilles de présence aux assemblées générales des 21 juin 1983 et 19 juin 1985, permettaient d’établir que Georges Benhaïm détenait alors 3 110 actions et que Jean Benhaïm n’en détenait que 5 310 ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, pourtant fondé sur des pièces signées par M. Jean Benhaïm, ce qui signifie que ce dernier admettait cette répartition des actions, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu’ils avaient soutenu, dans leurs conclusions d’appel, que la rétrocession par Jean Benhaïm de 770 actions avait pour objet de réaliser l’égalisation du capital entre associés, de sorte que Georges Benhaïm soit propriétaire de 4 640 actions et Jean Benhaïm de 4 540 actions ; qu’en procédant à la répartition sans s’expliquer sur ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 55 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / qu’ils avaient également fait valoir que la très importante surenchère de Jean Benhaïm pour acquérir les actions de la succession Chardier ne pouvait s’expliquer que par son souci d’acquérir par ce biais la majorité des actions, ce qui ne se justifiait pas s’il détenait alors, déjà, la majorité ; qu’en procédant à la répartition sans répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel, qui était saisie de la question de la propriété des « actions occultes » n’est pas sortie des limites du litige en estimant, au vu des éléments produits aux débats, que ces actions étaient au nombre de 2 544 ;

Attendu, en second lieu, que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle avait décidé d’écarter, et qui n’a pas réduit le nombre d’actions dont les parties s’accordaient à reconnaître la propriété à M. Georges Benhaïm, mais a seulement précisé que 311 de ces actions « qui lui ont été cédées par le docteur Y… » avaient été « prélevées sur les actions occultées », a ainsi motivé sa décision et répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées invoquées par la troisième branche du moyen ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X… reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande de nullité de diverses assemblées générales de la société alors, selon le moyen :

1 / que les prétentions des parties peuvent être formulées dans les motifs de leurs conclusions; que dans les motifs de leurs écritures d’appel signifiées le 23 octobre 1997 et le 20 mars 1998, ils avaient invoqué la nullité des assemblées générales de la société à partir de 1987 ; qu’en décidant qu’elle n’était saisie d’aucune demande tendant à voir déclarer nulles ces assemblées, la cour d’appel a violé l’article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la demande d’annulation des assemblées générales d’une société postérieure à une certaine date n’est pas indéterminée et doit être examinée par le juge ; qu’en décidant qu’en l’absence de précision quant aux dates et à l’objet des délibérations des assemblées générales ordinaires tenues depuis 1988, la demande visant à les déclarer nulles ne pouvant qu’être rejetée en raison de son indétermination, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt retient que, dans leurs conclusions du 23 octobre 1997, « les appelants se sont bornés à demander acte de ce qu’ils se réservaient tous droits de s’adresser à justice relativement à la nullité pleine et entière de toutes les assemblées générales ordinaires de la société depuis 1987 » ; que les conclusions du 20 mars 1998 demandaient que soit « adjugé » « aux concluants » « le bénéfice de leurs précédentes écritures » ; que la cour d’appel a pu statuer comme elle a fait, abstraction faite du motif critiqué par la seconde branche du moyen ;

d’où il suit que le moyen n’est pas fondé en sa première branche et ne peut être accueilli en la seconde ;

Et sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts X… reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande de nullité de l’assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 1993 alors, selon le moyen :

1 / que l’assemblée générale extraordinaire d’une société par actions statue à la majorité des 2/3 des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés au jour de l’assemblée; que la répartition du capital et des voix ne peut donc résulter d’une décision de justice postérieure à l’assemblée générale ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, pour décider que la condition relative à la majorité des 2/3 des voix était satisfaite, a retenu que M. Jean Benhaïm aurait du être crédité de 6 471 actions, se fondant ainsi sur sa propre décision, en violation de l’article 153 de la loi du 24 juillet 1966 ;

2 / que les irrégularités affectant la feuille de présence sont sanctionnées par la nullité de l’assemblée générale ; que dans leurs conclusions d’appel, ils avaient soutenu que la feuille de présence était erronée car elle ne tenait pas compte au profit de l’indivision de 770 actions cédées par Jean Benhaïm à son père et mentionnait la détention de 725 actions par Annick Benhaïm alors que le transfert des 700 actions par son frère Gérard avait été refusé par la société ; qu’en rejetant la demande de nullité de cette assemblée, sans répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu’ils avaient également fait valoir que l’absence d’un commissaire aux comptes devait entraîner la nullité de l’assemblée ;

qu’en rejetant la demande de nullité de l’assemblée, sans répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant retenu que « du 25 novembre 1987 et jusqu’à son augmentation décidée le 21 décembre 1993, le capital était réparti comme suit: « groupe Jean X… » : 6 471 actions », la cour d’appel, qui relevait que M. Jean Benhaïm était présent ou représenté à l’assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 1993, a pu décider qu’elle avait statué à la majorité requise ;

Attendu, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions des articles L. 225-114 et L. 225-121 du Code de commerce que seul le défaut de tenue d’une feuille de présence, à l’exclusion de l’existence d’inexactitudes dont elle peut être affectée, est sanctionné par la nullité des délibérations prises ; que la cour d’appel, qui a constaté la tenue d’une feuille de présence, a, par là-même, répondu en les écartant aux conclusions invoquées ;

Attendu, en troisième lieu, qu’il ne résulte d’aucune disposition de la loi que le commissaire aux comptes doive être présent lors de l’assemblée générale ; qu’il s’ensuit que le moyen qui n’invoque ni le défaut de désignation, ni le défaut de convocation du commissaire aux comptes est inopérant ;

D’où il suit que le moyen, qui n’est pas fondé en ses deux premières branches, n’est pas recevable en la troisième ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts X… à payer à la société Maison de Santé Mozart et à M. et Mme Jean X… la somme globale de 15 000 francs ou 2 286,74 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille un.


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