Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 30 janvier 1996, 93-21.210, Inédit

·

·

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 30 janvier 1996, 93-21.210, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. I…, agissant en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Serres et Pilaire, demeurant …, en cassation d’un arrêt rendu le 13 septembre 1993 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre, section A), au profit :

1 / de M. Joseph J…, demeurant … de Brosse, 66000 Perpignan,

2 / de M. Louis A…, demeurant …,

3 / de Mme Elise, Marie-Thérèse G…, veuve E… J…, demeurant …, prise en sa qualité d’héritière de M. E… J…, son époux, décédé le 6 juillet 1989,

4 / de M. Jean-Claude J…, demeurant …,

5 / de M. Francis J…, demeurant …,

6 / de Mme Michèle J…, épouse Y…, demeurant …, pris en leur qualité d’héritiers de M. E… J…, décédé le 6 juillet 1989,

7 / de Mme Patricia H…, épouse F…, demeurant …,

8 / de Mme Louise C…, veuve H…, demeurant …,

9 / de Mme Madeleine H…, épouse B…, demeurant …,

10 / de M. Philippe Palau, demeurant 3, place Hérold, 92000 Courbevoie,

11 / de la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD, dont le siège est …,

12 / de Mme Reine Z…, épouse J…, demeurant Résidence Ruscino, bâtiment …,

13 / de M. Louis J…, demeurant …,

14 / de M. Marc X…, demeurant …,

15 / de Mme Marcelle D…, épouse X…, demeurant …, défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 12 décembre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. I…, de la SCP Boré et Xavier, avocat de MM. Joseph, Jean-Claude, Francis et Louis J…, de Mme G…, veuve E… J…, de Mme Y…, de Mme F…, de Mme C…, veuve Palau, de Mme B…, de M. Palau, de la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD, de Mme Z…, épouse J…, de M. Marc X… et de Mme X…, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 13 septembre 1993), qu’aux termes d’une promesse d’achat conclue le 19 décembre 1978 suivie d’un acte de cession signé le 29 octobre 1979, la société Serres et Pilaire a acquis de Joseph J…, agissant en son nom personnel et comme représentant de divers membres de sa famille, 2080 des 3200 actions composant le capital de la société Transports Bahu Romeu et compagnie (la société Transports Bahu Romeu) ;

que la société Transports Bahu Romeu a été mise en liquidation judiciaire ;

que la société Serres et Pilaire a assigné les cédants en nullité de la cession et en paiement de dommages-intérêts ainsi que Pierre Palau, commissaire aux comptes de la société Transports Bahu Romeu, et Joseph J… en responsabilité ;

Sur les premier et second moyens réunis :

Attendu que M. I…, agissant en qualité de liquidateur de la société Serres et Pilaire, reproche à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande en nullité des cessions d’actions, sa demande en dommages-intérêts dirigée contre les cédants ainsi que son action en responsabilité délictuelle contre les consorts H… sur le fondement de l’article 1382 du Code civil alors, selon le pourvoi, d’une part, que les protocoles d’accord conclus entre les parties prévoyaient tous deux que le bilan au 31 octobre 1978 était un élément déterminant de l’engagement de société Serres et Pilaire et que c’était au vu de celui-ci que le prix des actions devait définitivement être fixé ;

qu’il était par ailleurs acquis aux débats que le bilan, en tant qu’il « camouflait » des pertes pour un montant d’environ 2 millions de francs, était inexact, de sorte que le consentement de la société actionnaire, accordé sur ces inexactitudes, avait nécessairement été vicié ;

qu’en rejetant pourtant son action en nullité de la cession pour erreur, la cour d’appel a violé l’article 1110 du Code civil, alors que, d’autre part, en rejetant également son action fondée sur le dol, la cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, alors, encore, qu’à supposer même que l’accord des parties se soit arrêté sur la situation nette comptable au 31 octobre 1978, il avait à cet égard fait valoir que les chiffres qui y figuraient avaient été tout autant manipulés que ceux du bilan ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions d’où il ressortait que la société Serres et Pilaire avait été, en toute hypothèse, trompée sur la situation financière de la société, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, en violation de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, en outre, que la société Serres et Pilaire avait encore fait valoir que les investigations comptables auxquelles elle avait procédé ne pouvaient qu’être vouées à l’échec, dès lors qu’elles avaient été effectuées sur la base de chiffres erronés depuis plusieurs années ;

que, dès lors, en se bornant à énoncer que la société Serres et Pilaire avait pu procéder à toutes vérifications quant à l’état de la comptabilité et de la santé de la société sans expliquer en quoi cette possibilité avérée dans l’acte de vente avait pu -en l’état d’une comptabilité entièrement falsifiée- mettre la société Serres et Pilaire en mesure de connaître réellement la situation financière de la société cédée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes articles 1110 et 1116 du Code civil, alors, au surplus, que la protocole d’accord du 29 octobre 1979, concrétisant la cession, stipulait que le prix convenu avait été défini comme celui résultant de l’inventaire des valeurs actives et passives de la société au bilan de celle-ci établi au 31 octobre 1978 ;

que le rapport du commissaires aux comptes, certifiant le bilan datait du 30 mars 1979, de sorte qu’il était antérieur de 7 mois au second protocole d’accord ;

qu’en conséquence, en énonçant que la société Serres et Pilaire s’était déterminée sur des données autres que celles du bilan et du rapport Palau qu’elle ne pouvait pas connaître à la date du protocole d’accord « puisqu’il n’était pas encore fait », la cour d’appel a statué par un motif erroné, en violation de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile et alors, enfin, qu’engage sa responsabilité le commissaire aux comptes qui certifie régulier et sincère un bilan inexact permettant ainsi à une société d’obtenir le rachat d’un grand nombre d’actions par une autre société ;

qu’en l’espèce, la négligence du professionnel était d’autant plus fautive que le protocole d’accord prévoyait que le prix des actions serait fixé en considération des valeurs actives et passives de la société figurant au bilan de celle-ci, ce dont il résultait que la certification des comptes par le commissaire aux comptes était déterminante de la décision de la société Serres et Pilaire d’acheter des actions ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a ensemble violé les articles 1382 et 234 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que l’arrêt retient que, dès le 14 septembre 1979, la société Serres et Pilaire connaissait la situation de la société Transports Bahu Romeu, qu’elle en avait tenu compte en réduisant le prix de cession convenu dans la promesse d’achat et que bien que parfaitement informée des difficultés de l’entreprise elle avait pris la décision d’en poursuivre l’acquisition ;

que par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte, d’un côté, que le consentement de la société Serres n’a pas été vicié, et, d’un autre côté, que la faute prétendue du commissaire aux comptes n’a pas causé le préjudice allégué, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et ne s’est pas bornée à énoncer que la société Serres et Pilaire avait été à même de procéder à toutes vérifications quant à l’état de la comptabilité de la société Transports Bahu Romeu, a, par ces seuls motifs, pu statuer comme elle a fait ;

d’où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. I…, ès qualités, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente janvier mil neuf cent quatre-vingt-seize.

208


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x