Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 15 février 2005), que la société Les Pilotes de la Loire a assuré les services de pilotage d’un navire sablier espagnol, « Atlantida Primero », affrété par les sociétés Dragages transports et travaux maritimes (DTM) et transports fluvio-maritimes de l’Ouest (STFMO) pendant trois mois à compter du 9 mai 2000 pour les besoins de leur activité d’extraction de sables dans l’estuaire de la Loire ; que ces sociétés n’ayant réglé qu’une partie du montant total de la facture de 148 562,025 euros, la société Les pilotes (Pilotes) les a assignées en paiement de cette somme correspondant au prix de ses services en application du tarif général résultant de l’arrêté préfectoral du 29 décembre 1988 modifié le 13 décembre 1999 portant règlement local de la station de pilotage de la Loire ; que les sociétés DTM et STFMO ont sollicité l’application de tarifs réduits ; que le tribunal de commerce, estimant que la non application aux sociétés DTM et STFMO du bénéfice de la tarification dégressive, appliquée par ailleurs, constitue un abus de la position dominante détenue par les Pilotes qui disposent du monopole d’exercice du pilotage obligatoire, a tenu compte d’une ristourne pour fixer le montant des sommes dues à ces derniers ;
Attendu que les sociétés DTM et STFMO font grief à l’arrêt de les avoir condamnées à payer à la société Les Pilotes la somme de 148 562,025 euros avec intérêts à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts et pénalités, sous déduction des sommes de 43 132,82 euros et 102 971,87 euros, alors, selon le moyen :
1 / qu’en tant que juge de droit commun du droit communautaire, le juge national a le pouvoir d’écarter un tarif, quand bien même il procéderait d’un acte administratif, dès lors qu’il est révélateur d’un abus de position dominante ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l’article 82 du Traité CE, ensemble le principe de la primauté du droit communautaire et la règle suivant laquelle le juge national a le pouvoir d’écarter toute norme nationale contraire au droit communautaire ;
2 / que l’abus de position dominante peut résulter du caractère discriminatoire du tarif ; qu’en s’abstenant de rechercher si, au regard des finalités poursuivies, le refus d’appliquer aux navires sabliers un tarif dérogatoire admis en d’autres circonstances ne révélait pas un abus de position dominante, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 82 Traité CE ;
3 / que l’abus de position dominante peut résulter de la pratique d’un tarif excessif ; qu’en s’abstenant de rechercher si les tarifs pratiqués à l’égard des navires sabliers ne pouvaient être regardés comme révélateurs d’un abus de position dominante, à raison de leur caractère excessif, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l’article 82 Traité CE ;
Mais attendu que les juges ont relevé que le régime tarifaire résultant du règlement local n’opère aucune discrimination entre les opérateurs économiques en raison de leur nationalité, mais résulte de critères objectifs tenant à des caractéristiques techniques, qu’en application de ces critères, le navire « Atlantida Primero », tenu en raison de ses dimensions de recourir au pilotage et ne pouvant se dispenser de l’assistance d’un pilote dès lors que son capitaine n’était pas titulaire d’une licence de capitaine pilote, était soumis au tarif général ; que l’arrêt retient qu’aucun tarif particulier n’existe pour les navires sabliers et que les différents tarifs particuliers prévus par le règlement local sont liés à des causes objectives résultant des difficultés différentes rencontrées par les pilotes en fonction des zones fréquentées par les navires, suivant notamment qu’il s’agit du port de Nantes situé en fond d’estuaire ou du port de Saint-Nazaire ; qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui a fait ressortir le caractère non discriminatoire des tarifs litigieux, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit en ce qu’il invoque le caractère excessif des tarifs litigieux comme constitutif d’un abus de position dominante, n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dragages transports et travaux maritimes (DTM) et la société Transports fluvio-maritimes de l’Ouest (STFMO) aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Les pilotes de la Loire la somme globale de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille six.