Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Denantes, dont le siège est Zone Industrie des Blanchisseries, BP. 146, 38504 Voiron, en cassation d’un arrêt rendu le 20 septembre 1994 par la cour d’appel de Grenoble (3e chambre), au profit de la société Tissco, dont le siège est …, défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 1er avril 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, MM.
Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Poullain, Métivet, conseillers, Mme X…, M. Y…, Mme Z…, M. Ponsot, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Léonnet, conseiller, les observations de SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Denantes, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Tissco, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Grenoble, 20 septembre 1994) que la société Denantes est importateur exclusif du produit « Visa », textile intervenant dans la fabrication de tissus destinés à l’hôtellerie et à la restauration; qu’elle est également distributeur direct de ce même produit pour les hôtels, restaurants et chaînes hôtelières ;
que la société Tissco est entrée en relation d’affaires en 1983 avec la société Denantes pour lui passer des commandes en vue de satisfaire, notamment, un de ses clients, la société Buffalo Grill; que, toutefois, à partir du mois de janvier 1991, cette entreprise a interrompu ses commandes après avoir appris que la société Buffalo Grill était livrée par la société Denantes qui lui avait proposé un prix inférieur à celui pratiqué par elle l’année précédente; que la société Tissco lui a retourné une partie de la marchandise qu’elle lui avait antérieurement commandée; que la société Denantes l’ayant refusée l’a assignée en paiement devant le tribunal de commerce; que cette entreprise a reconventionnellement demandé la condamnation de la société Denantes au paiement de dommages-intérêts « pour comportement abusif et anticoncurrentiel » ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches :
Attendu que la société Denantes fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en se bornant à énoncer qu’elle avait abusé d’une position dominante à l’égard de la société Tissco, sans caractériser la réalité d’une dépendance économique entre ces sociétés, et alors au contraire qu’il n’était pas dénié que la société Tissco a pu ultérieurement se fournir sans difficulté auprès de la société Ugo pour les mêmes produits, la cour, qui s’est prononcée par voie de pure affirmation, a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile; et, alors, d’autre part, qu’en retenant à la charge de la société Denantes le grief d’abus de position dominante sans qu’aient été caractérisés ni l’existence d’un lien se causalité entre ladite position dominante et le dommage, ni même le fait que la société Denantes ait été à l’origine d’un acte générateur de dommage, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, statuant sur des faits constitutifs de concurrence déloyale, et abstraction faite d’une motivation erronée mais surabondante, la cour d’appel a constaté que la société Denantes s’était livrée à des agissements déloyaux en démarchant un important client de la société Tissco « dont elle connaissait le lien constant avec cette dernière » et en lui proposant « un prix inférieur à celui pratiqué » par cette société qui était son revendeur; que la cour d’appel, qui a relevé que de tels agissements étaient contraires à la loyauté commerciale, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard de l’article 1382 du Code civil; que le moyen n’est fondé en aucune ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Denantes fait encore grief à l’arrêt de l’avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, que si la réparation doit être intégrale, elle ne saurait en tout cas excéder le montant du préjudice; que dès lors, en omettant de déduire de la somme due à titre de réparation pour le préjudice global prétendument subi par la société Tissco, la somme de 28 508,37 francs dont il n’était pas contesté qu’elle était due par celle-ci à la société Denantes, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant confirmé la décision des premiers juges qui avait condamné la société Denantes a établir divers avoirs au profit de la société Tissco, correspondant aux reprises des stocks ou des articles refusés par la société Denantes, la cour d’appel n’avait pas à ordonner une compensation entre le montant de ces avoirs et le montant de la condamnation prononcée à titre de dommages-intérêts; que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que la société Denantes fait enfin grief à l’arrêt de l’avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’aux termes de l’article 625 du nouveau Code de procédure civile, sur les points qu’elle atteint, la cassation entraîne l’annulation, par voie de conséquence, de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire; qu’ainsi, les dispositions de l’arrêt attaqué, condamnant la société Denantes a établir des avoirs à la société Tissco, seront cassées et annulées par voie de conséquence de la cassation à intervenir des dispositions du même arrêt qui ont retenu la responsabilité de la société Denantes pour abus de position dominante; alors, d’autre part, qu’en laissant sans réponse les conclusions de la société Denantes, qui faisaient valoir qu’il n’y avait pas eu de retour justifié pour certains tissus et que les fournitures pas la société Tissco étaient d’une nature différente de celles employées par la société Buffalo Grill et ne correspondaient donc pas à des invendus, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d’une part, que le premier moyen de cassation ayant été rejeté, ce rejet entraîne nécessairement le rejet de la première branche du troisième moyen ;
Attendu, d’autre part, que l’arrêt ayant constaté que la société Denantes avait, par une lettre du 12 avril 1991, accepté de reprendre les produits en stock, reconnaissant ainsi sa faute, a pu en déduire que cette entreprise avait été condamnée par les premiers juges à établir des avoirs au profit de la société Tissco ;
Que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société DENANTES aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Tissco ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique , et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.