Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean Y…, demeurant …,
en cassation d’un arrêt rendu le 3 février 1994 par la cour d’appel de Versailles (3e chambre), au profit de M. Yves Z…, pris tant en son nom personnel qu’en qualité de président-directeur général de la société anonyme Z…, demeurant …,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 13 février 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Poullain, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de M. Y…, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. Z…, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 3 février 1994), que les actions de la société Y… et André, devenue depuis lors la société Z… (la société) ont été cédées à M. Z…; que le prix fixé provisoirement au vu du bilan au 31 décembre 1981 devait être arrêté définitivement sur la base du bilan au 31 décembre 1982; que M. Y…, principal actionnaire cédant, et M. Z… ont convenu, par acte du 1er février 1983 que le prix des actions serait diminué ou augmenté, au cas de révélation, « d’une différence quelconque dans le bilan au 31 décembre 1982 »; qu’il est apparu que d’importants détournements commis par un comptable de la société, M. X…, affectaient les résultats de l’exercice 1982; que MM. Y… et Z… ont convenu, par une transaction du 14 décembre 1984, que la société poursuivrait la procédure engagée devant le juge pénal contre M. X…, que les frais de poursuite seraient partagés entre la société et M. Y… et que, si l’action civile permettait de recouvrer sur M. X…, ses complices ou receleurs tout ou partie des sommes détournées, un complément de prix des actions, égal à la moitié des sommes récupérées, serait versé à M. Y…; qu’après sa condamnation, aucune somme n’a pu être récupérée sur M. X…, insolvable; que la société ayant poursuivi son expert comptable en responsabilité civile, elle a pu être indemnisée de son préjudice; que M. Y… a assigné M. Z… en paiement de la moitié des sommes versées en dédommagement à la société;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y… reproche à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande en paiement, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la transaction conclue le 17 décembre 1984 mettant à la charge de M. Z… l’obligation de lui payer à titre de complément de prix des actions cédées la moitié des sommes qui viendraient à être recouvrées visait en son article III-3, alinéa 6, « toute autre procédure qui se révélerait nécessaire » au recouvrement des sommes détournées, sans préciser la personne, physique ou morale, qui en serait l’objet; qu’en décidant que ladite transaction ne s’appliquait qu’aux sommes pouvant être judiciairement recouvrées sur M. X…, ses complices ou receleurs, la cour d’appel a donc dénaturé les termes clairs et précis de cet accord et violé l’article 1134 du Code civil; alors, d’autre part, en tout état de cause, que les transactions se renferment dans leur objet et la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s’entend que de ce qui est relatif au différent qui y a donné lieu; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que l’accord transactionnel du 17 décembre 1984 ne portait que sur les sommes qui pouvaient être recouvrées sur M. X…, ses complices ou receleurs et lui interdisait par conséquent de demander la condamnation de M. Z… à lui payer la moitié des sommes détournées et recouvrées sur la société CFR; qu’en statuant ainsi, alors que l’accord transactionnel dont il s’agit n’impliquait pas de sa part renonciation au droit de demander un complément de prix en exécution de la clause de révision insérée à l’acte d’engagement à garantie du passif du 1er février 1983 du fait du recouvrement sur toute autre personne, physique ou morale que M. X…, la cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’un différent relatif à la révision du prix des actions provenant du recouvrement des sommes détournées sur d’autres personnes que M. X… se trouvait compris dans celui ayant donné lieu à la transaction, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 2048 et 2049 du Code civil; et alors, enfin, que l’action de in rem verso est recevable même lorsque l’appauvri disposait d’une action naissant d’un contrat dès lors que celle-ci a été rendue inefficace par suite d’un obstacle de fait; qu’en décidant qu’il ne pouvait agir à l’encontre de M. Z… sur le fondement de l’action de in rem verso, tout en constatant que l’action exercée par M. Y… était restée vaine du fait de l’insolvabilité de M. X… et de ses complices ou receleurs, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’imposaient au regard de l’article 1371 du Code civil;
Mais attendu, d’une part, que la cour d’appel était dans la nécessité d’interpréter la transaction dès lors que l’expression visée au pourvoi était en contradiction apparente avec l’ensemble des clauses relatives au recouvrement des sommes détournées sur le comptable indélicat et ses complices ou receleurs; que le moyen n’est pas fondé;
Attendu, d’autre part, que la cour d’appel qui était saisie d’une demande se fondant sur la transaction a retenu, non pas que celle-ci interdisait qu’un complément de prix soit payé, mais que, l’indemnisation de la société ayant été effectuée selon des modalités, sur des fondements juridiques et à l’encontre d’une personne différents de ceux qu’elle prévoit, elle ne pouvait recevoir application en l’espèce; que le moyen manque par le fait même qu’il invoque;
Attendu, enfin, que la cour d’appel a dit l’action fondée sur l’enrichissement sans cause irrecevable, non pas en raison de l’existence d’une action contre M. X…, ses complices ou receleurs, mais parce que l’appauvrissement de M. Y… résultait de l’exécution de la garantie du passif avec révision du prix à laquelle il s’était obligé envers M. Z…, le 1er février 1983; que le moyen manque en fait;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches;
Sur les demandes présentées au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que, sur le fondement de ce texte, M. Y… sollicite l’allocation d’une somme de 12 000 francs et M. Z… celle d’une somme de 15 000 francs;
Mais attendu qu’il n’y a pas lieu d’accueillir ces demandes ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE les demandes formées tant par M. Y… que par M. Z… en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Condamne M. Y…, envers M. Z…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-six mars mil neuf cent quatre-vingt-seize.