Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
II – Sur le pourvoi n° T 04-14.890 formé par la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est 16, boulevard des Italiens, 75009 Paris,
en cassation d’un même arrêt rendu au profit :
1 / de Mme Dominique Rafoni, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire des sociétés Domo finance et Sanipar,
2 / de la société Banque Bonnasse lyonnaise, société anonyme, dont le siège est 8, allée Léon Gambetta, 13001 Marseille,
3 / de la société Nicoll,
4 / de M. Hubert Lafont,
5 / de M. Bernard de Saint Rapt, pris en sa qualité d’administrateur ad’hoc des sociétés SNQA, Sanit Indus, Poggia et SCI la Citadelle,
6 / de la société Selles,
7 / de la société Duravitt,
8 / de la société Latina,
9 / de la Compagnie européenne électro thermique (CEET),
10 / de la société Monte Paschi banque,
11 / de M. Jean-Paul Rosati,
12 / de M. Christian Rosati,
13 / de la société International Budding products France,
défendeurs à la cassation ;
EN PRESENCE :
– de la société Antin gestion,
La demanderesse au pourvoi n° S 04-14.797 invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi n° T 04-14.890 invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article L. 131-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 28 février 2006, où étaient présents : M. Tricot, président, Mme Cohen-Branche, conseiller rapporteur, Mmes Garnier, Tric, Collomp, Favre, Betch, MM. Petit, Jenny, Gérard, conseillers, Mmes Gueguen, Beaudonnet, MM. Sémériva, Truchot, Mme Michel-Amsellem, MM. Pietton, Salomon, Mme Guillou, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Joint le pourvoi n° S 04-14.797 formé par la société Bonasse lyonnaise de banque et le pourvoi n° T 04-14.890 formé par la BNP Paribas, venue aux droits de Paribas, qui attaquent le même arrêt ;
Met hors de cause sur leur demande, au titre du pourvoi n° S 04-17.797 contre lesquels n’est pas dirigé le moyen du pourvoi, M. X…, ès qualités, la société Monte Paschi banque, MM. Y… et Christian Z… ;
Donne acte à la BNP Paribas du désistement de son pourvoi n° T 04-14.890 en ce qu’il est dirigé contre la société Nicoll, M. X…, M. de A… B…, ès qualités, la société Selles, la société Duravitt, la société Latina, la Compagnie européenne électro thermique (CEET), MM. Y… et Christian Z…, la société International Budding products France, et la société Antin gestion ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’en 1992 la société SA Domo finance ainsi que onze de ses filiales, parmi lesquelles la société Sanipar et la société Sisabac, ont fait l’objet d’un redressement puis d’une liquidation judiciaires et que leur mandataire judiciaire, auquel a succédé Mme C…, ès qualités, a recherché la responsabilité des banques Paribas gestion, Paribas devenue BNP Paribas, de la société Bonasse lyonnaise de banque et de la banque Monte Paschi, leur reprochant d’avoir abusivement soutenu ses administrées ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° T 04-14.890 formé par la BNP Paribas, pris en sa première branche :
Attendu que la BNP Paribas fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à Mme C…, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Domo finance, une indemnité de 2 759 744,50 euros et de l’avoir condamnée in solidum avec la société Bonasse lyonnaise de banque à payer à Mme C…, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de Sanipar, des dommages-intérêts à concurrence de 377 079,18 euros alors, selon le moyen, que la responsabilité encourue envers les créanciers d’une personne morale pour avoir abusivement soutenu cette dernière est soumise à un régime qui varie selon que la faute est imputée à un actionnaire, à un fournisseur de crédit ou à l’intermédiaire ayant permis l’acquisition d’une filiale ; qu’en retenant la responsabilité de BNP Paribas après avoir attribué à cet établissement bancaire l’ensemble des qualités d’actionnaire, de dispensateur de crédit et d’intermédiaire dans l’acquisition de Sanit indus, sans préciser le régime de responsabilité sur lequel elle entendait fonder sa décision sous ses différents rapports, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu’il résulte de l’arrêt et des conclusions que, même si l’arrêt rappelle que la BNP Paribas était également intervenue comme actionnaire et intermédiaire, la responsabilité de la BNP Paribas était exclusivement recherchée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, pour avoir, en sa qualité de dispensateur de crédit, principal banquier référent et dirigeant du pool bancaire, participé aux financements litigieux, et que c’est bien au regard de cette qualité que la cour d’appel a statué ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche du pourvoi n° T 04-14.890 formé par la BNP Paribas :
Vu l’article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la BNP Paribas à payer une indemnité de 2 759 744,50 euros à Mme C…, liquidateur de Domo finance et de 377 079,18 euros à Mme C…, liquidateur de Sanipar in solidum avec la société Bonasse lyonnaise de banque, l’arrêt retient que la BNP Paribas avait accordé un crédit insupportable pour la trésorerie de la société et incompatible avec toute rentabilité, après avoir relevé que l’opération était fortement risquée au regard de la faible espérance de gain ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu’au moment où elle consentait ces concours, la BNP Paribas ne pouvait ignorer que l’opération était non seulement risquée mais inexorablement vouée à l’échec en l’état des facultés de remboursement de l’entreprise et de ses perspectives de développement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi n° S 04-14.797 formé par la société Bonasse lyonnaise de banque :
Vu l’article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Bonasse lyonnaise de banque à payer une indemnité de 377 079,18 euros in solidum avec la banque BNP Paribas à Mme C…, liquidateur de la société Sanipar, l’arrêt retient qu’elle a accordé des concours inconsidérés dont le coût excessif rendait inéluctable l’effondrement de la société ;
Attendu qu’en statuant ainsi, tout en relevant qu’une rentabilité accrue par un effet de synergie résultant du financement de la croissance externe pouvait être attendue et que c’est à la suite d’un retournement de conjoncture que la société Sanipar n’a pu respecter ses engagements, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société BNP Paribas à payer à Mme C…, en qualité de liquidateur de la société Domo finance, la somme de 2 754 744,50 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance et en ce qu’il a condamné in solidum la société BNP Paribas et la société Bonasse lyonnaise de banque à payer à Mme C…, en qualité de liquidateur de la société Sanipar, la somme de 377 079,18 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation d’instance, l’arrêt rendu le 2 mars 2004, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme C…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille six.