Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 23 octobre 2001, 99-14.078, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 23 octobre 2001, 99-14.078, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Sur le pourvoi n° X 99-14.078 formé par :

1 / M. Jean-Claude X…,

2 / Mme Dominique A…, épouse X…,

demeurant ensemble 358, cité Amont, 05120 L’Argentière-la-Bessée,

3 / M. Michel B…, demeurant La Batie-les-Vignaux, 05120 L’Argentière-la-Bessée,

4 / M. Jean-Marie Y…, demeurant …,

5 / M. Jean A…, demeurant …,

II – Sur le pourvoi n° C 99-15.003 formé par :

– M. Jean-Pierre Z…, agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société anonyme Transglass, domicilié …,

en cassation de deux arrêts rendus les 14 septembre 1994 et 2 mars 1999 par la cour d’appel de Grenoble (1re chambre civile), au profit du Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est …,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l’appui de leurs recours, un moyen identique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 17 juillet 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Collomp, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat des consorts X…, de M. B…, de M. Y…, de M. A… et de M. Z…, ès qualités, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat du Crédit lyonnais, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joignant les pourvois n° X 99-14.078 et C 99-15.003 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Grenoble, 14 septembre 1994 et 2 mars 1999), que la société Transglass était titulaire, auprès du Crédit lyonnais, d’un compte courant qui fonctionnait à découvert depuis plusieurs mois ; que, le 30 septembre 1987, la banque a refusé de payer trois chèques, d’un montant cumulé d’un peu plus de 8 000 francs, que la société Transglass avait émis, puis a enjoint à celle-ci, le 2 octobre suivant, de rétablir progressivement l’équilibre de son compte ; que, le 6 novembre 1987, la société Transglass a fait l’objet d’un redressement judiciaire qui a été converti ultérieurement en liquidation, M. Z… étant désigné comme représentant des créanciers puis liquidateur ; qu’invoquant la rupture sans préavis de l’autorisation de découvert ayant bénéficié, d’après eux, à la société Transglass, ses actionnaires, M. Jean-Claude X…, Mme Dominique A…, épouse X…, M. Michel B…, M. Jean-Marie Y…, M. Jean A… (les consorts X…), et M. Z… ont assigné le Crédit lyonnais en responsabilité ; qu’après avoir relevé que l’état du compte de la société Transglass établissait qu’au mois de septembre 1987, celle-ci disposait, pour une période indéterminée, d’un découvert tacitement autorisé, constituant une provision permettant le paiement des chèques litigieux, la cour d’appel a, par arrêt du 14 septembre 1994, institué une mesure d’expertise pour rechercher si la société Transglass était ou non dans une situation irrémédiablement compromise le 30 septembre 1987, et décidé, par arrêt du 2 mars 1999, que le Crédit lyonnais avait pu, sans faute de sa part, interrompre sans préavis le concours accordé jusque-là à sa cliente ;

Sur le pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt du 14 septembre 1994 :

Vu les articles 978, alinéa 1er, et 981 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu’aucun mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre l’arrêt du 14 septembre 1994 n’a été produit ni signifié au défendeur dans le délai prévu par les textes susvisés ; qu’il s’ensuit que la déchéance du pourvoi est encourue en tant qu’il est formé contre cette décision ;

Sur le pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt du 2 mars 1999 :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts X… et M. Z… font grief à l’arrêt du rejet de leurs prétentions respectives, alors, selon le moyen :

1 / qu’il résulte des propres motifs de l’arrêt attaqué du 2 mars 1999, ainsi que des motifs de l’arrêt avant dire droit du 14 septembre 1994, que le rejet, par la banque, de trois chèques présentés le 30 septembre 1987 caractérisait une rupture de crédit par refus d’augmentation du solde débiteur de la société Transglass, de sorte que seul demeurait en litige le point de savoir si cette rupture était ou non fautive ; que dès lors, en estimant notamment, pour les débouter de leurs demandes, que le rejet de ces trois chèques ne caractérisait pas une rupture de crédit et que la banque aurait maintenu son concours au-delà du 6 novembre 1987, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par refus d’application, l’article 60 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, ensemble l’article 1382 du Code civil ;

2 / que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire n’implique pas que la société qui en fait l’objet se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, le tribunal de commerce pouvant, notamment, comme en l’espèce, ordonner la continuation de l’entreprise ; qu’en l’espèce, pour les débouter de leurs demandes, la cour d’appel, après avoir écarté les conclusions de l’expert judiciaire, en ce qu’il considérait qu’il ne pouvait être affirmé que la situation de la société Transglass eut été irrémédiablement compromise au 30 septembre 1987, date du rejet par la banque des trois chèques, a énoncé qu’à cette même date, la banque, compte tenu de ses compétences et des informations qu’elle détenait, avait pu légitimement croire que la situation de la société Transglass était irrémédiablement compromise, dès lors que l’importance des pertes cumulées pour les deux premiers exercices rendait inéluctable la cessation des paiements et le redressement judiciaire ; qu’en se déterminant ainsi par une motivation inopérante, sans mieux rechercher si la poursuite de l’exploitation ne pouvait être entreprise, notamment dans le cadre d’une procédure collective, et ainsi permettre, à terme, un retour à l’équilibre du compte courant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 60 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 et 1382 du Code civil ;

3 / que si, en raison de la situation irrémédiablement compromise d’une société cliente, la banque est dispensée de respecter un délai de préavis, elle n’en est pas moins tenue de lui notifier l’interruption de son concours ; qu’en l’espèce, il résulte des propres motifs de l’arrêt attaqué et du rapport de l’expert judiciaire que le 30 septembre 1987, la banque a, d’autorité et sans en aviser immédiatement sa cliente, refusé trois chèques dont le montant total était modeste, comparé au découvert autorisé, et a attendu le 2 octobre 1987 pour lui adresser un courrier aux termes duquel l’établissement bancaire faisait état de cette décision et interdisait rétroactivement à sa cliente d’émettre des chèques à compter du 30 septembre 1987, de sorte qu’il résultait de ces circonstances que la banque avait commis une faute en s’abstenant de notifier par écrit à sa cliente l’interruption de son concours ;

qu’il s’ensuit qu’en estimant que la rupture par la banque de son concours bancaire n’était pas fautive, au seul motif que la situation de la société Transglass était irrémédiablement compromise, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d’application, l’article 60 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, ensemble l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève que, même s’ils aboutissaient à des conclusions divergentes sur les perspectives d’avenir de la société Transglass, tous les spécialistes consultés, et notamment l’expert judiciaire, étaient d’accord pour admettre qu’à la fin du mois de septembre 1987, l’entreprise, compte tenu de l’importance de ses pertes cumulées pour ses deux premiers exercices d’activité, du poids des déficits que traduisaient ses bilans et de l’évolution défavorable du solde de son compte courant, se trouvait confrontée à une situation difficile et que le Crédit lyonnais, avec les informations dont il disposait alors, avait pu légitimement croire que sa cliente, qui au surplus venait d’être victime d’un incendie le 24 septembre précédent, était en situation irrémédiablement compromise ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont il résultait qu’indépendamment des mesures de continuation susceptibles de bénéficier à la société Transglass dans le cadre d’un redressement judiciaire, la situation de celle-ci pouvait apparaître, à la date considérée, comme étant irrémédiablement compromise, la cour d’appel a pu décider que la banque n’avait pas commis de faute en interrompant sans préavis le concours qu’elle lui consentait jusque-là ;

Attendu, en deuxième lieu, que la décision étant justifiée par le motif qui a été vainement critiqué par la deuxième branche du moyen, le grief articulé par la première branche, qui est relatif à des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;

Et attendu, enfin, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions que les consorts X… et M. Z…, qui se prévalaient exclusivement de l’absence de préavis, aient soutenu devant les juges du fond le moyen tiré du défaut de notification de l’interruption par le Crédit lyonnais de son concours ; que le moyen est donc nouveau et qu’étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche et mal fondé en sa deuxième, ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE la DECHEANCE du pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble, le 14 septembre 1994 ;

Statuant sur le pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt du 2 mars 1999 :

Le REJETTE ;

Condamne les demandeurs aux pourvoix aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts X… et M. Z…, ès qualités, à payer au Crédit lyonnais la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille un.


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