Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Elisabeth X… Y…, épouse B…, demeurant …, en cassation d’un arrêt rendu le 30 septembre 1993 par la cour d’appel de Versailles (13e chambre), au profit :
1 / de M. Fabrice A…,
2 / de Mme Elisabeth A…, demeurant ensemble …,
3 / de M. Thierry A…, demeurant …,
4 / de M. Daniel A…, demeurant … aux Moines, 78740 Drocourt,
5 / de M. Pierre B…, demeurant …,
6 / de M. Yannick Z…, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Groupe Saussez-Mandin, demeurant …, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 11 octobre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM.
Lassalle, Badi, Armand-Prévost, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Tricot, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme B…, de Me Bertrand, avocat de M. Z…, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Saussez-Mandin, de Me Choucroy, avocat de M. Pierre B…, de la SCP Guiguet, Bachelier, et Potier de la Varde, avocat des consorts A…, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt déféré (Versailles, 30 septembre 1993), que Mme B… ayant cédé à la société Groupe A… les actions qu’elle détenait dans la société Image et Stratégie, le prix en a été versé, le 31 décembre 1987, à un compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société Groupe A… ; que, le 21 octobre 1988, Mme B… s’est fait rembourser par la société Groupe A… le montant de son compte courant ;
qu’après l’ouverture du redressement judiciaire de la société Groupe A… le 19 décembre 1988, le Tribunal, qui a prononcé la liquida- tion judiciaire de cette société, a fixé au 18 juin 1987 la date de la cessation des paiements ;
que le liquidateur judiciaire a demandé l’annulation du paiement effectué par la société Groupe A… et la restitution des fonds ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme B… reproche à l’arrêt d’avoir accueilli les demandes alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’aux termes des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;
que la contradic- tion entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ;
qu’en confirmant en toutes ses dispositions le jugement déclarant nul, par application de l’article 108 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement effectué par la société Groupe A… à Mme B… et en la condamnant à payer au liquidateur judiciaire le montant de ce paiement annulé -1 153 200 francs- avec les intérêts au taux légal à compter du dit paiement, après avoir retenu qu’est nulle, par application de l’article 107 de la loi du 27 janvier 1985, la vente par Mme B… à la société Groupe A… de 930 actions de la société Image et Stratégie au prix de 1 153 200 francs, la cour d’appel, qui a entaché sa décision d’une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d’autre part, que tout en constatant que le liquidateur judiciaire déclarait se désister de son action contre Mme B…, en ce qu’elle est fondée sur l’article 108 de la loi du 15 janvier 1985, la cour d’appel, qui a, confirmant le jugement entrepris, déclaré nul, par application de l’article 108 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement effectué par la société Groupe A… à Mme B… et l’a condamnée à rembourser le montant de ce paiement, a méconnu les termes du litige et a ainsi violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, pour confirmer le dispositif du jugement, la cour d’appel a substitué aux motifs de cette décision, des motifs propres tirés de l’application de l’article 107 de la loi du 25 janvier 1985 ;
que le moyen manque par le fait qui lui sert de base ;
Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que Mme B… reproche encore à l’arrêt d’avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’il incombe au juge de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à son examen et d’apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis ;
que dans ses conclusions, Mme B… faisait valoir que le rapport d’expertise de la société Fiduciaire Georges V concernant la société Image et Stratégie précisait, à la page 43, qu’aucune des 10 000 actions composant le capital social de cette société ne lui appartenait et elle le justifiait par la production de ce rapport ;
qu’en retenant que, contrairement à ce qu’elle affirme, Mme B… est propriétaire de 930 actions de la société Image et Stratégie, sans apprécier cet élément de preuve qui lui était soumis, la cour d’appel a violé l’article 1353 du Code civil ;
alors, d’autre part, que la transmission de la propriété d’actions s’opère, dans les rapports entre les parties, par l’effet de la convention de cession, les articles 1 et 2 du décret du 2 mai 1983 ne dérogeant aucunement aux règles de la vente ;
que dans ses écritures, Mme B… contestait avoir conclu quelque contrat que ce soit avec la société Groupe A…, et soutenait qu’elle ignorait avoir cédé à cette société des actions et le prix auquel elle les aurait, soi-disant cédées ;
qu’en se bornant à énoncer qu’il n’était pas vraisemblable que Mme B… n’ait pas été actionnaire de la société Image et Stratégie et qu’il était établi que la valeur des actions de cette société était notablement inférieure au prix auquel elle les avait cédées à la société Groupe A…, sans rechercher et, a fortiori justifier par un quelconque élément de preuve, que Mme B… s’était obligée, le 21 décembre 1987 ou depuis la date de la cessation des paiements de la société Groupe A…, à vendre à cette société qui s’était obligée à les lui acheter 930 actions de la société Image et Stratégie au prix de 1 240 francs l’une, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1108, 1582, 1583, 1591 du Code civil et 107 de la loi du 25 janvier 1985 ;
alors, en outre, qu’en ne répondant pas aux conclusions de Mme B…, contestant avoir conclu quelque contrat que ce soit avec la société Groupe A… rappelant que tout contrat suppose le consentement de la partie qui s’oblige, soutenant qu’elle ignorait avoir cédé des actions à la société Groupe A… et à quel prix elle les aurait cédées et faisant valoir qu’était sans cause le compte courant contesté ouvert à son nom dans les livres de la société Groupe A…, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, enfin, qu’aux termes de l’article 1239 du Code civil, le paiement doit être fait au créancier ou à quelqu’un ayant pouvoir de lui ; que, dans ses conclusions, Mme B… faisait valoir que la somme de 1 153 200 francs n’est jamais entrée dans son patrimoine ;
qu’elle n’avait jamais ouvert de compte à la Banque Monod à laquelle la société Groupe A… avait demandé d’effectuer par débit de son compte un virement en sa faveur, ni a fortiori donné à cette banque l’ordre de virer cette somme à la Société francilienne de participation et d’investissement dont elle ignorait l’existence ;
qu’en condamnant Mme B… à payer au liquidateur judiciaire la somme de 1 153 200 francs avec les intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1988, sans rechercher si le prix de la, soi-disant, vente d’actions conclue entre Mme B… et la société Groupe A… et déclarée nulle avait été valablement payée par la société Groupe A… à Mme B… ou à quelqu’un ayant pouvoir d’elle, la cour d’appel a violé les articles 1239 et 1131 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que Mme B… ne pouvait se prétendre victime d’un montage organisé par l’utilisation, à son insu, de son identité et de sa signature, dès lors qu’elle n’avait engagé aucune action à l’encontre des personnes qui seraient, selon ses dires, à l’origine des transferts apocryphes, et qui a souverainement apprécié les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a, sans violer aucun des textes visés au moyen, légalement justifié sa décision d’annuler le contrat par lequel la société Groupe A… a acheté à Mme B…, après la date de cessation des paiements, des actions de la société Image et Stratégie en acceptant des engagements excédant notamment ceux de la venderesse ;
d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
CONDAMNE Mme B… à payer à M. Z…, ès qualités, la somme de 12 000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
La condamne, également, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1953