Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 21 février 1995, 92-21.512, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 21 février 1995, 92-21.512, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière du … à Levallois-Perret, dont le siège social est … (8e), en cassation d’un arrêt rendu le 12 juin 1992 par la cour d’appel de Paris (1re chambre, section A), au profit de la société SACIEP, dont le siège social est … (15e), défenderesse à la cassation ;

La SACIEP défenderesse au pourvoi principal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation, annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 3 janvier 1995, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de Me Choucroy, avocat de la société civile immobilière du …, de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de la société SACIEP, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le pourvoi principal, pris en ses deux premiers moyens, le deuxième en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 juin 1992), que la SCI du … à Levallois-Perret (la SCI), qui avait acquis un terrain en s’engageant à y construire, a consenti à la société SACIEP, promoteur, le 28 mars 1991 une promesse de vente moyennant le prix de 11 200 000 francs ;

que cette promesse se substituait à un engagement pris le 7 février précédent par les deux actionnaires de la SCI de vendre leurs parts sociales à la SACIEP ;

qu’au moment de la réalisation de la promesse, la SCI prétendit voir réserver dans l’acte authentique son droit à solliciter la condamnation judiciaire de la SACIEP au paiement de la TVA afférente à l’achat, ce à quoi n’a point consenti la SACIEP ;

Attendu que la SCI reproche à l’arrêt d’avoir dit que le prix de vente de 11 200 000 francs devait s’entendre toutes taxes comprises et de l’avoir en conséquence déboutée de ses demandes d’octroi d’une somme égale au montant de la TVA afférente à l’acte, alors, selon le pourvoi, d’une part, que, si la convention mentionne un prix sans indication de TVA ce prix est présumé comprendre le montant de la TVA sur l’opération en cause, cette présomption simple peut être combattue par tous moyens par la preuve que les parties avaient à la date de la convention l’intention contraire, ce qui ne rend pas nécessaire l’inclusion d’une clause expresse en ce sens ;

qu’en l’espèce où l’arrêt constate que l’inclusion de la TVA dans la seconde promesse avait pour effet de changer l’équilibre des prestations incluses dans la première promesse au préjudice de la venderesse, personne civile, et que la substitution de la seconde promesse à la première avait été initiée par la bénéficiaire, professionnel de l’immobilier, cet arrêt aurait dû rechercher si ces éléments n’étaient pas de nature à traduire qu’au moment de la signature de l’acte du 28 mars 1991 les parties -dont la bonne foi devait être présumée- n’avaient pas eu effectivement l’intention de réaliser la vente au prix de 11 200 000 francs hors TVA, d’autant que l’indemnité d’éviction incluse dans la première promesse comme élément du prix était stipulée hors TVA et que dans les deux promesses les honoraires des constructeurs étaient également stipulés hors TVA ;

que l’arrêt est donc entaché d’un défaut de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;

alors, d’autre part, que la réserve d’une décision de justice sur la charge de la TVA ne pouvait préjudicier à la SACIEP dés lors que le Tribunal aurait nécessairement recherché, en se fondant sur l’intention commune des parties à la date de la promesse de vente, à qui incombait la charge définitive de la TVA, en sorte qu’il ne pouvait y avoir changement du prix réel de la vente ;

qu’ainsi la SACIEP n’était pas légalement fondée à s’opposer à la réalisation de la vente ;

que l’arrêt a donc violé l’article 1134 du Code civil ;

et alors enfin qu’une acceptation de la SACIEP à réaliser la vente au prix de 11 200 000 francs ne présentait même aucun risque d’avoir à payer en sus le montant de la TVA, puisque l’arrêt attaqué a cru pouvoir déclarer que le prix devait s’entendre TVA incluse ;

que l’arrêt a donc violé derechef les articles 1134 et 1589 du Code civil ;

Mais attendu, d’une part, qu’ayant constaté que la promesse litigieuse était « muette » sur la charge de la TVA, puis constaté par une énonciation non critiquée par le pourvoi que le débiteur légal de cette TVA était la SCI et que, faute de précision dans l’acte, le prix était présumé comprendre la TVA, l’arrêt a recherché, par l’examen des éléments dont il disposait, si la SCI établissait la preuve contraire à cette présomption, et souverainement décidé que tel n’était pas le cas ;

Attendu, d’autre part, qu’en induisant de la réserve que la SCI entendait insérer dans l’acte authentique de vente que les parties ne s’étaient pas accordées sur le prix, l’arrêt a légalement justifié sa décision refusant d’ordonner la réalisation forcée de la vente ;

Que les griefs des premier et deuxième moyens ne sont donc pas fondés ;

Sur le troisiéme moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la SCI reproche enfin à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts tandis que la SACIEP reproche également à l’arrêt d’avoir rejeté sa propre demande, alors, selon les pourvois, d’une part, qu’il se déduit des constatations premières de cet arrêt que la faute commise par la SACIEP, – consistant en sa double qualité de professionnel de l’immobilier et d’initiateur de la seconde promesse qui changeait l’équilibre des prestations au préjudice de son cocontractant, personne civile, à escamoter la question de la charge de la TVA-, présentait le caractère d’une réticence quasi dolosive ayant provoqué la simple imprudence commise par la venderesse profane ;

qu’il s’ensuit que la SACIEP devait, sinon être contrainte à éxécution forcée, du moins à prendre en charge la totalité des graves dommages subis par la SCI ;

que l’arrêt a donc violé les articles 1147 et 1382 du Code civil et alors, d’autre part, qu’en tout cas, eu égard aux mêmes constatations, l’arrêt ne pouvait écarter les demandes de dommages-intérêts de la SCI en raison de la responsabilité réciproque des parties sans rechercher la part de responsabilité incombant à chacune d’elles, eu égard aux fautes retenues, ni l’importance du préjudice qu’elles avaient subi de ce fait ;

que l’arrêt est donc entaché d’un défaut de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil ;

alors, enfin, que la SACIEP reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché la part de responsabilité incombant à chacune des parties, eu égard aux fautes retenues comme étant à l’origine de la nullité de la promesse pour indétermination du prix ;

que, s’agissant d’une promesse unilatérale de vente non suivie de levée d’option dans le délai stipulé, la nullité de cette promesse ne pouvait causer aucun préjudice au promettant envers lequel le bénéficiaire n’avait souscrit aucun engagement ;

qu’en revanche le bénéficiaire de la promesse a été privé de son droit contractuel par l’effet d’une nullité qui a permis au promettant de se soustraire à son engagement ;

que ce dernier devait donc indemniser son cocontractant à la mesure de sa part de responsabilité ;

qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a donc entaché sa décision d’un manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l’arrêt énonce que chacune des deux parties a commis une faute par omission et que leurs préjudices respectifs en sont la conséquence ;

que, faisant ainsi apparaître que ces fautes et ces préjudices étaient d’égale importance, il a ainsi pu rejeter les demandes réciproques d’indemnisation ;

que le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

Condamne la société civile immobilière du …, envers la SACIEP, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt et un février mil neuf cent quatre-vingt-quinze.


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