Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 2 mai 2007, 05-19.195, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 2 mai 2007, 05-19.195, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Transpost Midi Pyrénées que sur le pourvoi incident relevé par La Poste ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 26 mai 2005), que La Poste travaillait avec des sociétés de routage, dont certaines avaient le label « qualité routeur premier publicité correspondance messagerie » (QRPPCM) et passait avec ces dernières des contrats techniques au terme desquels elle remboursait au routeur des opérations de préparations de courrier et de colis dites « de tri complémentaire » ; que La Poste a passé un contrat technique avec la société Transpost Midi Pyrénées (Transpost) en 1996 ; que la société Transpost ayant perdu le label QRPPCM, La Poste l’a informée, par courrier du 8 janvier 1997, de sa décision de ne pas renouveler ce contrat technique pour certaines prestations ; que la société Transpost a continué de réaliser les mêmes prestations qu’antérieurement ; que La Poste en a refusé le paiement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Transpost fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande en paiement des prestations techniques effectuées pour le compte de La Poste entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1998, alors, selon le moyen :

1 / que la société Transpost soutenait dans ses conclusions que La Poste, en contrepartie du privilège exorbitant attaché à son monopole légal, a l’obligation de ne pas pratiquer des traitements discriminatoires au préjudice de certains routeurs et au bénéfice d’autres, sauf à fausser le jeu de la concurrence ; qu’elle en déduisait qu’en n’ayant pas été rémunérée pendant deux ans pour les prestations techniques effectuées, alors que les entreprises concurrences avaient continué de l’être pour des prestations identiques, elle avait été victime d’une pratique discriminatoire et devait, par conséquent, « être rétablie dans une situation identique à celle consentie par La Poste aux autres entreprises de routage » ; qu’ainsi, en retenant, pour débouter la société Transpost de sa demande en paiement des prestations techniques effectuées pour le compte de La Poste entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1998, que « la société Transpost, si elle invoque la situation de monopole de La Poste, n’en tire aucune conséquence », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Transpost et violé l’article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que l’abus de position dominante consiste dans l’exploitation abusive, par une entreprise, « d’une position dominante sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de celuici » et de « l’état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou un fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente » (article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986) ; que les entreprises en situation de monopole occupent une position dominante ;

que les discriminations pratiquées entre des entreprises concurrentes constituent un abus de position dominante ; qu’ainsi, en s’abstenant de rechercher, comme il lui était pourtant demandé, si le fait pour La Poste, qui jouit d’un monopole légal, d’avoir cessé de rémunérer les prestations techniques que la société Transpost a été obligée de réaliser pour que les envois de ses clients soient traités dans les mêmes conditions que celles des entreprises concurrentes, lesquelles ont continué d’être rémunérées, ne constituait pas un abus de position dominante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l’arrêt retient que l’obtention du label de qualité QRPPCM était indispensable pour qu’une société de routage puisse bénéficier d’un contrat technique lui permettant d’obtenir le remboursement par La Poste des prestations techniques rendues, que la société Transpost a laissé devenir définitive la décision de la commission lui retirant le label QRPPCM, qu’elle s’est bornée à méconnaître la lettre par laquelle La Poste lui signifiait que faute d’avoir la qualité QRPPCM, elle ne renouvellerait pas son contrat technique pour l’année 1997 et qu’elle a agi comme si cette lettre n’avait jamais existé ; qu’ayant ainsi fait ressortir que la situation de la société Transpost après le 1er janvier 1998 résultait non d’une pratique discriminatoire de La Poste mais du fait qu’elle avait délibérément choisi de continuer à réaliser des prestations techniques bien que, contrairement aux entreprises de routage qui avaient la qualité QRPPCM, elle ne remplissait plus les conditions lui permettant d’obtenir leur remboursement, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise a, abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen qui ne peut être accueilli en sa première branche n’est pas fondé en sa seconde branche ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que la société Transpost fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les juges du fond sont liés par ces prétentions et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ;

qu’en l’espèce, la cour d’appel a écarté l’enrichissement sans cause de La Poste en énonçant que « l’enrichissement sans cause ne peut être admis si celui qui s’est appauvri l’a fait de son propre chef » ; qu’en statuant ainsi, alors qu’elle était saisie de conclusions par lesquelles La Poste se bornait à contester son propre enrichissement, sans invoquer l’initiative ou la volonté de l’appauvri, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé, par conséquent, l’article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2 / qu’en soulevant d’office que « l’enrichissement sans cause ne peut être admis si celui qui s’est appauvri l’a fait de son propre chef », sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 16 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que saisie d’un moyen fondé sur l’enrichissement sans cause, c’est sans violer les dispositions de l’article 16 du nouveau code de procédure civile que la cour d’appel, qui n’a méconnu ni les données du litige ni les principes régissant l’enrichissement sans cause, a pu, sans rouvrir les débats statuer sur les conditions d’application d’une telle action ;

que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le pourvoi principal, pris en sa cinquième branche :

Attendu que la société Transpost fait le même grief à l’arrêt, alors selon le moyen que sauf faute lourde ou dol, le demandeur n’est pas privé de l’action de in rem verso du seul fait qu’il s’est appauvri de sa propre initiative ou en connaissance de cause ; qu’ainsi, en rejetant la demande en paiement de la société Transpost fondée sur l’enrichissement sans cause de La Poste, au motif que « l’enrichissement sans cause ne peut être admis si celui qui s’est appauvri l’a fait de son propre chef », la cour d’appel, qui n’a caractérisé, ni une faute lourde, ni un dol de la part de la société Transpost, a méconnu les principes régissant l’enrichissement sans cause ;

Mais attendu que la faute intentionnelle de celui qui a enrichi autrui en s’appauvrissant le prive de son droit d’invoquer l’enrichissement sans cause ; que la cour d’appel qui a relevé que la société Transpost s’est bornée à méconnaître la lettre de La Poste l’informant du non renouvellement de son contrat technique pour 1998 et à agir comme si cette lettre n’avait pas existé, d’où il se déduisait qu’elle avait agi à ses risques et périls, a fait l’exacte application des principes susmentionnés ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que La Poste fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la société Transpost la somme de 38 153,61 euros au titre de la ristourne de 1 % sur les frais d’affranchissement, alors, selon le moyen, que le sondage est une extrapolation réalisée à partir d’échantillons, qui donne une image plausible d’un fait, mais ne permet pas d’en démontrer l’existence ; que le juge ne peut donc pas justifier sa décision par référence aux résultats d’une analyse par sondage ; qu’en se fondant sur le sondage effectué par l’expert à partir des factures émises par La Poste pour déclarer justifiée la créance invoquée par la société Transpost et condamner La Poste à son paiement, la cour d’appel a violé les articles 9 du nouveau code de procédure et 1315 du code civil ;

Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a approuvé la méthode retenue par l’expert pour parvenir à l’évaluation du total d’affranchissement pour les années 1997 et 1998 servant de base au calcul du montant de la ristourne ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de La Poste ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille sept.


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