Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
En présence de la société Cabinet Robert Mazars, dont le siège social est 135, boulevard Haussmann, 75008 Paris ;
II – Sur le pourvoi n° E 99-10.290 formé par la société Cabinet Robert Mazars,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1 / de la société anonyme Total,
2 / de la Société financière d’Auteuil (SFA),
3 / de la société Fiduciaire de France, département KPMG Audit, KPMG,
4 / de la société Ernst et Young HSD Castel Jacquet, HSD,
5 / de la société Befec, Price Waterhouse, anciennement société Petiteau Scacchi et associés, venant aux droits de la société Befec Mulquin et associés,
6 / de la société CDR Créances, Créances consortium de réalisation, société anonyme venant aux droits de la Banque Colbert et de la société Abacus finance,
7 / de la société International Bankers, IBSA,
8 / de la société Altim, anciennement dénommée société Alter banque,
9 / de la société Altus France,
10 / de la société Calciphos,
11 / de la société Crédit lyonnais,
12 / de M. Francis Windsor, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
13 / de M. Victor Amata, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
défendeurs à la cassation ;
En présence de la société Cabinet Guy Noël et associés, Société d’étude et de travaux comptables (SETC) ;
III – Sur le pourvoi n° J 99-10.501 formé par la société Befec Price Weterhouse, anciennement dénommée Petiteau Scacchi et associés, venant aux droits de la société Befec Mulquin et associés, en cassation du même arrêt, rendu au profit :
1 / de la société Total,
2 / de la Société financière d’Auteuil (SFA),
3 / de la société Créance consortium de réalisations CDR, venant aux droits de la Banqsue Colbert et de la société Abacus finance,
4 / de la société International Bankers IBSA, prise en la personne de son liquidateur amiable, la société CDR Créances,
5 / de la société Altim, anciennement dénommée société Alter banque,
6 / de la société Altus finance,
7 / de la société Calciphos,
8 / de la société Crédit lyonnais,
9 / de M. Francis Windsor, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
10 / de M. Victor Amata, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
défendeurs à la cassation ;
En présence :
1 / de la société Cabinet Guy Noël et associés, Société d’étude et de travaux comptables (SETC),
2 / de la société Cabinet Robert Mazars,
3 / de la société Fiduciaire de France, département KPMG Audit, KPMG,
4 / de la société Ernst et Young HSD Castel Jacquet ;
IV – Sur le pourvoi n° X 99-10.536 formé par la société Fiduciaire de France, département KPMG Audit, KPMG,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1 / de la société Cabinet Guy Noël et associés, Société d’étude et de travaux comptables (SETC),
2 / de la société Cabinet Robert Mazars,
3 / de la société Ernst et Young HSD Castel Jacquet,
4 / de la société Befec, Price Waterhouse, anciennement société Petiteau Scacchi et associés, venant aux droits de la société Befec Mulquin et associés,
5 / de la société Total,
6 / de la Société financière d’Auteuil (SFA),
7 / de la société CDR, Créances consortium de réalisation, venant aux droits de la Banque Colbert et de la société Abacus finance,
8 / de la société International Bankers, ISBA, représentée par son liquidateur, la société CDR Créances,
9 / de la société Altim, anciennement dénommée société Alter banque,
10 / de la société Altus finance,
11 / de la société Calciphos,
12 / de la société Crédit lyonnais,
13 / de M. Francis Windsor, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
14 / de M. Victor Amata, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
défendeurs à la cassation ;
V – Sur le pourvoi n° D 99-10.565 formé par la société Ernst et Young audit,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1 / de la société Total,
2 / de la Société financière d’Auteuil (SFA),
3 / du Cabinet Guy Noël et associés, Société d’étude et de travaux comptables (SETC),
4 / du Cabinet Robert Mazars,
5 / de la société Fiduciaire de France KMPG, département KMPG Audit,
6 / de la société Befec Price Waterhouse, anciennement société Petiteau Scacchi et associés, venant aux droits de la société Befec Mulquin et associés,
7 / de la société Créances consortium de réalisations, CDR, venant aux droits de la Banque Colbert et de la société Abacus finance,
8 / de la société International Bankers (IBSA), société en liquidation amiable, représentée par son liquidateur, la société CDR Créances,
9 / de la société Altim, anciennement dénommée société Alter banque,
10 / de la société Altus finance,
11 / de la société Calciphos,
12 / de la société Crédit lyonnais,
13 / de M. Francis Winsor, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
14 / de M. Victor Amato, pris en sa qualité de commissaire aux apports et de commissaire à la fusion,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse au pourvoi n° D 99-10.289 invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi n° E 99-10.290 invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Joint les pourvois n° D 99-10.289 formé par la société Cabinet Guy Noël et associés SETC, n° E 99-10.290 formé par la société Cabinet Robert Mazars, n° J 99-10.501 formé par la société Befec Price Waterhouse, n° X 99-10.536 formé par la société KPMG Fiduciaire de France, et D 99-10.565 formé par la société Ernst et Young Audit, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 1998), qu’en 1992, la société Banque financière parisienne (BAFIP), contrôlée par les sociétés Altus Finance et Calciphos, filiales du Crédit lyonnais, a absorbé les sociétés Banque Saga et Altus patrimoine et gestion et a bénéficié des apports des activités bancaires de la société International Bankers SA (IB SA) et de la société Alter banque, ainsi que de l’apport des titres Alter banque détenus par Altus Finance ; qu’à l’issue de ces opérations, pour lesquelles MM. X… et Y… ont été désignés en qualité de commissaires aux apports et à la fusion, la BAFIP a pris le nom de Banque Colbert ; que le 14 novembre 1995, la société Total et sa filiale, la Société financière d’Auteuil (SFA), actionnaires minoritaires de la Banque Colbert, ont assigné en référé, devant le président du tribunal de commerce de Paris, MM. X… et Y…, la Banque Colbert, ainsi que les sociétés IB SA, Altim (anciennement dénommée Alter Finance), Calciphos et le Crédit lyonnais, afin d’obtenir une mesure d’expertise sur le fondement de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, en faisant valoir qu’elles disposaient d’indices graves et concordants montrant que la Banque Colbert, qui avait dû constituer d’importantes provisions au titre des exercices 1992, 1993 et 1994, avait été victime d’une surévaluation des actifs apportés lors des opérations de 1992, et que, de ce fait, elles avaient subi un préjudice ;
que faisant droit à cette demande, le président du tribunal de commerce a, par ordonnance du 19 décembre 1995, désigné M. Z… en qualité d’expert et a précisé sa mission ; qu’en mars 1998, les sociétés Total et SFA, soutenant qu’il existait des motifs légitimes pour compléter la mission de l’expert et l’étendre aux sociétés de commissaires aux comptes, intervenues dans le contrôle des comptes de la Banque Colbert ou des sociétés ayant participé aux opérations de restructuration de 1992, ont assigné, outre les personnes déjà concernées par l’expertise ordonnée en 1995, les sociétés Ernst et Young HSD Castel Jacquet (HSD), Cabinet Robert Mazars (Mazars), Befec Price Waterhouse (Befec), KPMG Fiduciaire de France (KPMG) et Cabinet Guy Noël et associés SETC (SETC) ; que, par ordonnance du 18 mai 1998, le président du tribunal de commerce a étendu la mission de l’expert aux nouvelles défenderesses en en complétant l’objet par rapport à celle ordonnée le 19 décembre 1995 ; que les sociétés HSD, Befec, KPMG, Mazars et SETC ont fait appel de cette ordonnance ;
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, des pourvois n° D 99-10.289 et E 99-10.290, et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° D 99-10.565, réunis :
Attendu que les sociétés SETC, Mazars, HSD, auxquelles s’associe KPMG, font grief à l’arrêt d’avoir confirmé l’ordonnance déférée en ce qu’elle leur a étendu la mesure d’expertise ordonnée le 19 décembre 1995, en décidant d’élargir le champ des investigations de l’expert commis, et d’avoir réformé ladite ordonnance quant à la définition de la mission de cet expert, alors, selon les moyens :
1 / que SETC et Mazars contestaient que la société Total et SFA puissent subir, du fait d’une surévaluation des actifs apportés à la Banque Colbert, quelque préjudice personnel distinct de celui subi par cette société ; que la cour d’appel ne pouvait dès lors estimer que les sociétés Total et SFA avaient qualité pour agir en réparation d’un tel préjudice personnel sans décrire ce préjudice, ni s’expliquer sur son caractère personnel ; qu’à défaut elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article 122 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le caractère manifestement irrecevable de l’action au fond qui doit être engagée, après la mesure d’instruction prive celle-ci de motif légitime ; qu’un actionnaire ne peut pas exercer lui-même une action en responsabilité pour perte de valeur de ses titres, cette action étant réservée à la société ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les sociétés Total et SFA ne se plaignaient pas uniquement d’une perte de valeur de leurs titres, si, de ce fait leur action n’était pas manifestement irrecevable et si, par conséquent, elles n’étaient pas dépourvues d’intérêt légitime à demander une mesure d’instruction pour soutenir une action, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Attendu que la cour d’appel, qui a précisé que la mise en oeuvre de ces dispositions, ne se concevait qu’en prévision d’un possible litige, mais n’exigeait pas que le fondement et les limites d’une action future, par hypothèse incertaine, soient d’ores et déjà fixées, n’avait pas à rechercher la nature précise du préjudice personnel qui pourrait être invoqué par Total et SFA à la suite d’agissements de tiers, ni à se prononcer, avant les juges du fond, sur la recevabilité d’une éventuelle action future portée devant eux, dont les limites n’étaient pas encore exactement arrêtées, et qui, de ce fait, n’apparaissait pas, a priori, manifestement vouée à l’échec ; que, dès lors, en retenant, au vu des éléments dans le débat, que les sociétés Total et SFA pouvaient, en leur qualité d’actionnaire de la BAFIP, devenue Banque Colbert, avoir subi un préjudice personnel à la suite de possibles manquements dans l’exécution de leurs obligations professionnelles des différentes sociétés de commissaires aux comptes mises en cause, la cour d’appel a légalement justifié sa décision au regard des textes visés par le moyen ;
qu’il s’ensuit que les griefs ne peuvent être accueillis ;
Sur le premier moyen pris, en sa sixième branche, des pourvois n° D 99-10.289 et E 99-10.290, le premier moyen, pris en ses première et seconde branches du pourvoi n° X 99-10.536, et sur le troisième moyen du pourvoi n° J 99-10.501, réunis :
Attendu que les sociétés SETC, Mazars, KPMG, et Befec font le même grief à l’arrêt, alors, selon les moyens :
1 / que la cour d’appel ne pouvait se borner pour écarter l’exception de prescription soulevée par SETC et Mazars, à constater qu’il n’était pas exclu que les conséquences de la surévaluation des actifs litigieux n’aient été connues qu’en 1995, sans relever qu’il était possible de reprocher à ces sociétés de commissaires aux comptes d’avoir dissimulé cette surévaluation, seule circonstance susceptible d’entraîner le report du point de départ de la prescription de trois ans prévue aux articles 235 et 247 de la loi du 24 juillet 1966 au-delà de la date limite à laquelle chacune de ces sociétés a pour la dernière fois certifié les comptes de la société dont elle était commissaire aux comptes ; qu’à nouveau elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 235 et 247 de la loi du 24 juillet 1966 ;
2 / que l’expertise in futurum ne peut être ordonnée que s’agissant de la conservation ou de la préservation de faits dont pourrait dépendre en justice la solution du litige ; qu’ainsi lorsqu’une action est prescrite, l’expertise in futurum ne peut être ordonnée puisqu’elle n’est rattachée à aucun litige ; que l’action en responsabilité des commissaires aux comptes se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou de la révélation de ce dernier ; qu’en l’espèce, l’ordonnance du 19 décembre 1995, étendue à KPMG, porte sur les exercices clos fin 1991-1992-1993 et 1994 ; que la cour d’appel donne mission à l’expert d’étudier les diligences des commissaires aux comptes au titre des exercices 1991-1992-1993 et 1994 ; qu’ainsi, en tout état de cause, les recherches de l’expert ne pouvaient fonder qu’une action en responsabilité prescrite, dès lors que c’est en mars 1998, que les sociétés Total et SFA avaient sollicité l’extension de l’expertise à KPMG ; qu’en déclarant néanmoins une telle demande recevable, la cour d’appel a violé l’article 145 du nouveau Code de procédure civile et les articles 235 et 247 de la loi du 24 juillet 1966 ;
3 / que l’expertise in futurum ne peut être ordonnée qu’à seule fin de préserver des éléments utiles au vu d’un litige éventuel ; qu’ainsi la demande d’expertise in futurum ne peut être accueillie que si l’action future, en vue de laquelle l’expertise est sollicitée, est recevable ; que l’expertise ne saurait être ordonnée aux fins de justifier de cette recevabilité qui est une des conditions de la mesure expertale ; qu’en l’espèce la cour d’appel a, en étendant l’expertise à KPMG, donné mission à l’expert d’étudier le moment où les demandeurs ont cessé d’être dans l’impossibilité d’agir du fait de leur ignorance des réalités ; qu’en statuant ainsi, alors que la condition de l’expertise in futurum ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé l’article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu’il résulte des articles 235 et 247 de la loi du 24 juillet 1966, que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité contre les commissaires aux comptes se situe au jour de la certification par ceux-ci des comptes critiqués sauf dissimulation ayant retardé la révélation du fait dommageable ; qu’ainsi en l’espèce, où était mise en cause la responsabilité des commissaires aux comptes dans l’établissement des comptes préalables aux opérations de restructuration de la Banque Colbert en 1992, la cour d’appel en se bornant à relever, pour écarter la prescription, que les pertes ne sont apparues dans toute leur ampleur qu’en 1995, sans constater l’allégation d’une dissimulation, a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés et de l’article 145 nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir énoncé qu’il n’appartient pas à la juridiction des référés, saisie en application de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, d’apprécier si les conditions de la prescription de l’action qui sera éventuellement soumise au juge du fond sont, ou non, réunies, la cour d’appel a pris le soin de préciser que néanmoins l’évidente irrecevabilité d’une action future ferait obstacle à ce que soit constatée l’existence du motif légitime ; qu’à cet égard, elle a retenu qu’en l’espèce, les circonstances de la cause, qu’elle venait de rappeler, ne lui permettaient pas de tenir pour manifestement établi qu’une action en responsabilité visant les sociétés appelantes, en raison des anomalies ayant affecté les comptes de la Banque Colbert à la suite des opérations de fusion et d’apports partiels d’actifs serait atteinte par la prescription, dès lors que les pertes apparemment liées à ces opérations, accusant le décalage entre ces résultats et les évaluations, pour le moins optimistes, des éléments d’actifs apportés à la banque, ne sont apparues, dans toute leur ampleur, que dans le courant de l’année 1995 ; qu’en l’état de ses énonciations et appréciations, dont il résulte qu’elle n’a pas exclu que l’existence d’éventuels faits dommageables n’ait été totalement révélée qu’au cours de cette dernière année et, par conséquent, qu’il ait pu y avoir jusque là dissimulation de ceux-ci, la cour d’appel a légalement justifié sa décision sans méconnaître les dispositions visées par le moyen ;
Attendu, en second lieu, que la cour d’appel, qui a confirmé l’ordonnance qui lui était déférée en ce qu’elle avait déclaré commune aux sociétés appelantes, l’expertise ordonnée le 19 décembre 1995 et en ce qu’elle avait élargi, en conséquence, la mission de l’expert, a reformulé celle-ci en retranchant ce qui avait trait à la recherche du « moment » où les sociétés Total et SFA avaient « cessé d’être dans l’impossibilité d’agir du fait de leur ignorance des réalités » ; que dès lors, la seconde branche du premier moyen du pourvoi n° X 99-10.536 manque par le fait sur lequel elle se fonde ;
D’où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° D 99-10.565, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° X 99-10.536 et le deuxième moyen du pourvoi n° J 99-10.501, réunis :
Attendu que les sociétés HSD, KPMG, à laquelle s’associent SETC et Mazars, et la société Befec font le même grief à l’arrêt, alors, selon les moyens :
1 / qu’une expertise en cours ne peut être étendue si cette mesure permet l’instauration d’un litige entièrement nouveau ; qu’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que la mission d’origine était dirigée contre les sociétés ayant apportées une partie de leur actif à la Banque Colbert et contre les commissaires aux apports et à la fusion ; qu’en étendant cette mission aux commissaires aux comptes des sociétés ayant fusionné ou apporté une partie de leur actif, ce qui créait un litige différent relatif à la responsabilité de ces derniers, la cour d’appel a violé les articles 16, 160 et 245 du nouveau Code de procédure civile ainsi que l’article 6 1er de la Convention européenne des droits de l’Homme ;
2 / que l’extension à des tiers de l’expertise in futurum initiale suppose que les droits en cause se rattachent au litige éventuel au regard duquel l’expertise avait été initialement diligentée ; qu’en l’espèce l’expertise initiale avait été ordonnée en vue d’une éventuelle action en nullité de la convention d’apports, ainsi que d’une éventuelle action en responsabilité à l’encontre des commissaires aux apports ; qu’en étendant cette expertise à KPMG, alors que sa mise en cause supposait une action en responsabilité des commissaires aux comptes, et donc une action distincte de celle visée à l’appui de la demande d’expertise initiale, la cour d’appel a violé l’article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que par le biais d’une extension d’expertise, privant les parties de certaines garanties des droits de la défense, le juge ne peut permettre à une partie de rechercher les preuves dont pourrait dépendre la solution d’un litige, différent de celui pour lequel la mesure d’expertise avait été ordonnée à l’origine ; qu’ainsi la cour d’appel en ordonnant une extension de l’expertise, destinée à l’origine à rechercher une éventuelle surévaluation des actifs apportés à la Banque Colbert, ne mettant en cause que la responsabilité éventuelle des commissaires à la fusion et aux apports, aux commissaires aux comptes de toutes les sociétés concernées par les opérations de fusion et apport partiel d’actifs et aux diligences effectuées par ces derniers dans l’exercice de leur mission légale, tout en leur refusant la communication des pièces produites dans le cadre de cette expertise en cours, la cour d’appel a violé les articles 145 et 149 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d’appel a énoncé, à bon droit, que si la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile ne se conçoit qu’en prévision d’un possible litige, elle n’exige pas que le fondement et les limites d’une action future, par hypothèse incertaine, soient d’ores et déjà fixés ; que, dès lors, en décidant qu’était inopérante l’argumentation des sociétés de commissaires aux comptes fondée sur l’affirmation que les sociétés Total et SFA ne pouvaient sortir du cadre du procès déterminé par leur demande initiale, laquelle n’aurait pas concerné la mission des commissaires aux comptes des sociétés apporteuses ou bénéficiaires des opérations d’apports et de fusion intervenues en 1992, et en élargissant le champ des investigations du technicien commis aux diligences effectuées au titre des exercices 1991, 1992, 1993, et 1994 par les demanderesses, la cour d’appel n’a pas méconnu les dispositions visées par le moyen ; qu’il s’ensuit que les griefs ne sont pas fondés ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen, pris en sa troisième branche, des pourvois n° D 99-10.289 et E 99-10.290, le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi n° D 99-10.565, et le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi n° X 99-10.536, réunis :
Attendu que les sociétés SETC, Mazars, HSD, et KPMG font le même grief à l’arrêt, alors, selon les moyens :
1 / que les sociétés de commissaires aux comptes reprochaient aux sociétés Total et SFA de n’avoir communiqué à l’appui de leur demande aucune pièce susceptible d’établir les « indices graves » dont elles se prévalaient, et notamment pas les pièces et dires produits devant l’expert ou résultant des investigations de celui-ci ; que la cour d’appel qui renvoie cette production aux bons soins de l’expert, ne pouvait statuer sur le fond sans s’expliquer préalablement sur la communication aux sociétés de commissaires aux comptes des pièces justifiant la demande ; qu’à défaut elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la cour d’appel ne pouvait estimer que le fait que l’expertise dont elle ordonnait l’extension aux sociétés SETC et Mazars, auxquelles s’associe KPMG, et aux diligences de celles-ci, ait été ordonnée plus de trois ans auparavant, ne portait pas en soi atteinte au principe du contradictoire, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les opérations d’expertise n’étaient pas avancées à un tel point et la conviction de l’expert forgée à un point tel, que l’expertise ne pouvait être étendue à de nouvelles parties sans que le principe du contradictoire soit méconnu ; qu’à défaut d’avoir procédé à cette recherche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que les parties à une expertise doivent pouvoir discuter utilement devant l’expert de leur éventuelle responsabilité ; que tel n’est pas le cas lorsqu’une expertise en cours depuis plus de deux ans est étendue à une partie quand des éléments pouvant engager sa responsabilité ont déjà été discutées ; qu’en estimant que l’extension à la société HSD, à laquelle s’associe KPMG, en juin 1998 d’une mesure d’expertise décidée en décembre 1995 pouvait être ordonnée, malgré l’existence d’une discussion déjà engagée sur la valeur de la société dont elle était le commissaire aux comptes, la cour d’appel a violé les articles 16, 160, et 245 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que l’article 6 1er de la Convention européenne des droits de l’homme ;
4 / que toutes les pièces remises à un expert par une partie doivent être communiquées aux autres parties ; qu’en considérant que l’extension de l’expertise n’était pas subordonnée à la communication aux personnes concernées, des pièces produites dans le cadre de cette expertise, la cour d’appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que l’impartialité des intervenants est l’élément constitutif de toute procédure, mettant en cause les droits des parties et pouvant conduire au prononcé d’une décision ; qu’ainsi les parties ne sauraient se voir étendre une procédure d’expertise qui a débuté deux ans plus tôt et au cours de laquelle l’expert s’est nécessairement forgé une opinion au vu de pièces que les tiers n’ont pu discuter et à l’issue de débats auxquels ces tiers n’ont pas pris part ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a étendu à KPMG à laquelle s’associe SETC et Mazars, en mai 1998, la procédure d’expertise ordonnée en décembre 1995 ; qu’en posant le principe d’une telle extension alors que l’expert avait pu forger sa conviction pendant deux ans sur des points intéressant KPMG et qu’ainsi cette dernière était donc confrontée au risque de partialité de l’homme de l’art, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et les articles 145 et 169 du nouveau Code de procédure civile ;
6 / que le contradictoire est le principe essentiel de toute procédure mettant en cause les droits des parties et pouvant conduire au prononcé d’une décision ; que le principe de la contradiction suppose que chaque partie ait pu, à tous les stades de la procédure se voir communiquer les pièces et en débattre contradictoirement ; qu’en l’espèce la cour d’appel a étendu la procédure d’expertise à KPMG à laquelle s’associent SETC et Mazars deux ans après le début des opérations d’expertise ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si KPMG allait être à même de discuter des pièces communiquées pendant deux ans hors sa présence, et sans davantage constater que les débats et discussions de l’expertise initiale allaient être repris avec la participation de celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des articles 145 et 169 du nouveau Code de procédure civile ;
7 / qu’en tout état de cause, le principe du contradictoire implique que chaque partie soit à même de se voir communiquer les pièces de la procédure, afin d’en débattre et de présenter ses observations ; qu’en énonçant qu’aucun texte ne subordonnait l’extension d’une expertise à la communication aux personnes, nouvellement attraites, des pièces produites dans le cadre de cette expertise, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et les articles 145 et 149 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’après avoir souligné que le tiers appelé à une expertise antérieurement ordonnée, doit être mis en mesure de présenter ses observations sur les opérations auxquelles il a déjà été procédé, ce qui suppose qu’il ait accès aux éléments en la possession du technicien, la cour d’appel a énoncé, à bon droit, qu’aucun texte ne subordonnait l’extension d’une expertise en cours, à la communication aux personnes concernées des pièces produites dans le cadre de celle-ci ; qu’elle a, en outre, précisé, à juste titre, qu’une telle décision d’extension n’impliquait, par elle-même, aucune atteinte aux droits de la défense, et a estimé qu’une telle atteinte ne résultait pas davantage des circonstances particulières à l’espèce ; qu’elle a observé à cet égard qu’aucun élément ne laissait penser que le technicien commis avait manqué à l’obligation qui est la sienne d’accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ou qu’il pourrait dans l’avenir, manquer à ces devoirs ; qu’elle a enfin relevé que la violation alléguée du principe de la contradiction et du droit à un procès équitable ne résultait pas non plus du fait que l’expertise ait été ordonnée le 19 décembre 1995 ; qu’en l’état de ses énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a méconnu aucune des dispositions visées par le moyen, a légalement justifié sa décision, sans avoir à procéder à d’autres recherches ainsi rendues inopérantes, ni à s’expliquer davantage sur la communication de pièces, autres que celles versées aux débats, et sur lesquelles elle a fondé sa décision ;
D’où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, des pourvois n° D 99-10.289 et E 99-10.290, et sur le premier moyen, pris en ses première et seconde branches, du pourvoi n° J 99-10.501, réunis :
Attendu que les sociétés SETC, Mazars, auxquelles s’associe KPMG, ainsi que la société Befec font le même grief à l’arrêt, alors, selon les moyens :
1 / qu’aux termes de l’article 279 du nouveau Code de procédure civile, l’extension de la mission d’un expert ne peut être décidée qu’au vu du rapport de ce dernier ; que cette disposition ne distingue pas selon que cette extension est demandée par l’expert lui-même ou l’une des parties ; qu’en estimant néanmoins cette disposition inapplicable à l’espèce, la cour d’appel l’a violée par refus d’application ;
2 / qu’il appartenait à la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, dès lors qu’elle constatait que l’expert n’avait pu être entendu en ses observations par les premiers juges, de prendre toutes dispositions afin d’entendre elle-même cet expert en ses observations fût-ce par écrit ; qu’en estimant ne pas être tenue d’y procéder, la cour d’appel a méconnu l’article 245 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l’article 561 du même Code ;
3 / que saisie, par l’effet dévolutif de l’appel, de l’entier litige en droit et en fait, la cour d’appel doit veiller au respect des formalités qui n’ont pu être observées en première instance ; qu’ainsi en l’espèce, où l’expert Z… n’avait pu devant le premier juge être entendu sur l’extension de sa mission, ainsi que le prescrit l’article 245, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile, la cour d’appel, qui en outre a modifié la nouvelle mission définie par le premier juge, ne pouvait, sans violer l’article 561 du nouveau Code de procédure civile et le texte précité, considérer qu’elle n’avait pas à entendre l’expert ;
4 / que la justification d’un grief ne concerne que la nullité des actes de procédure en la forme et non le respect par le juge des formalités qui s’imposent à lui ; qu’ainsi en considérant qu’il importait peu que l’expert n’ait pas été entendu sur l’existence de sa mission, ainsi que le prescrit l’article 245 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que les parties se sont expliquées contradictoirement sur cette extension et ne justifient pas d’un grief, la cour d’appel a violé le texte précité ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’initiative de demander l’élargissement du champ des investigations de l’expert ayant été prise par l’une des parties, la cour d’appel a, à juste titre, écarté l’application des dispositions de l’article 279 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, en deuxième lieu, qu’après avoir rappelé que le premier juge avait ordonné la convocation de l’expert par le greffe à une audience à laquelle l’examen de l’affaire avait été renvoyé, mais que l’expert, bien que régulièrement convoqué, ne s’y était pas présenté, la cour d’appel a, à bon droit, décidé qu’il ne pouvait dès lors être fait grief au premier juge, qui avait mis l’expert en mesure de formuler ses observations, et qui n’était nullement tenu de renvoyer la cause en raison de la défaillance de celui-ci, d’avoir méconnu l’article 245, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile, de sorte que ces dispositions n’avaient pas à être, à nouveau, mises en oeuvre en cause d’appel ;
Attendu, en troisième lieu, que, selon l