Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 18 décembre 2001, 99-12.108, Inédit

·

·

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 18 décembre 2001, 99-12.108, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société nationale de recouvrement de la République du Sénégal, dont le siège est …,

en cassation d’un arrêt rendu le 23 octobre 1998 par la cour d’appel de Paris (15e Chambre civile, Section B), au profit de M. Moussa X…, demeurant …,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 6 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Favre, conseiller rapporteur, M. Métivet, Mme Garnier, conseillers, M. Huglo, conseiller référendaire appelé à compléter la Chambre en application des articles L. 131-6-1 et L. 131-7 du Code de l’organisation judiciaire, Mme Mouillard, M. Boinot, Mmes Champalaune, Gueguen, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Favre, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Société nationale de recouvrement de la République du Sénégal, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de M. X…, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la Société nationale de recouvrement de la République du Sénégal, créée par une loi du 16 février 1991 et venant aux droits de la Banque nationale de développement du Sénégal et de la société sénégalaise pour le développement de l’industrie et du tourisme, a, dans le cadre du recouvrement d’une créance à l’encontre de la société africaine pour le caoutchouc, l’automobile et le cycle (SAFCAC) poursuivi en paiement M. X…, président du conseil d’administration de cette société, en invoquant le bénéfice de deux billets à ordre souscrits par elle, à échéance du 31 décembre 1985, et qui contenaient la mention manuscrite « bon pour aval » suivie de la signature de celui-ci ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la Société nationale de recouvrement de la République du Sénégal fait grief à l’arrêt d’avoir constaté la prescription de l’action cambiaire et d’avoir ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de parts sociales de la SCI Syval et des hypothèques provisoires inscrites sur deux immeubles appartenant à M. X…, sis rue Erlanger et avenue des Ternes à Paris, en la déboutant de sa demande tendant à voir condamner M. X…, en exécution d’un engagement de caution personnel, à lui payer une somme limitée à hauteur de 5 millions de francs français correspondant à la valeur des actifs mobiliers et immobiliers de ce dernier ayant fait l’objet de mesures conservatoires, alors, selon le moyen :

1 / que la courte prescription de l’article 179 du Code de commerce repose sur une présomption de paiement qui peut être anéantie par l’aveu exprès ou tacite du défendeur ; qu’en se déterminant de la sorte, par des motifs inopérants tirés de l’interversion de la prescription pouvant résulter de la reconnaissance de la dette par acte séparé ainsi que de l’absence d’actes interruptifs de prescription, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les conclusions d’appel de M. X… ne comportaient point l’aveu implicite et non équivoque du non-paiement par celui-ci des deux billets qu’il avait avalisés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 179 du Code de commerce ;

2 / qu’en tout état de cause, elle se prévalait, à titre subsidiaire, de la suspension de la prescription, jusqu’à la date de sa constitution par la loi du 16 février 1991, et ce depuis la date de liquidation, intervenue en 1988, des banques aux droits desquelles elle se trouvait ; qu’en affirmant, pour retenir qu’elle ne démontrait pas que suite à l’émission de ces billets, le créancier s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir, qu’elle n’invoquait que des circonstances postérieures à sa création, la cour d’appel a dénaturé ses conclusions d’appel en violation de l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, qu’est irrecevable le moyen reprochant à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si les écritures d’appel de M. X… ne comportaient point l’aveu implicite de celui-ci du non-paiement des billets à ordre dès lors que, les conclusions invoquées n’étant pas produites, la Cour de Cassation n’est pas en mesure d’apprécier le bien-fondé du grief ;

Attendu, d’autre part, que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure, ne s’applique pas lorsque le titulaire de l’action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l’expiration du délai de prescription ;

qu’ayant constaté que la Société nationale de recouvrement avait été créée le 16 février 1991, ce dont il résultait qu’elle avait encore plusieurs mois pour agir en paiement des billets à ordre venus à échéance le 31 décembre 1985, à supposer que la prescription ait été suspendue par la liquidation des banques en 1988 jusqu’à la création de la société nationale, la cour d’appel, qui n’avait pas à rechercher si cette cause de suspension était valablement invoquée, en a justement déduit que l’action de la société nationale, introduite le 23 décembre 1993, était prescrite ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la Société nationale de recouvrement de la République du Sénégal fait grief à l’arrêt d’avoir dit que M. X… ne s’est pas engagé en qualité de caution à l’égard de la BNDS aux droits de laquelle elle se trouve et d’avoir ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de parts sociales de la SCI Syval et des hypothèques provisoires inscrites sur deux immeubles appartenant à M. X… sis rue Erlanger et avenue des Ternes à Paris, alors, selon le moyen :

1 / qu’une même personne en la même qualité ne peut être à la fois le souscripteur d’un billet à ordre et donneur d’aval pour ce billet et qu’en l’absence de tout élément accompagnant la signature d’un dirigeant de société sur un billet à ordre, celui-ci est seul engagé à titre personnel comme avaliste, sans qu’il y ait lieu de rechercher s’il a agi en qualité de mandataire ; qu’il résultait de la seule apposition de la signature de M. X… sous la mention « bon pour aval », que celui-ci avait donné son engagement personnel d’avaliste aux deux billets à ordre également signés en sa qualité de représentant légal de la société SAFCAC, souscripteur ; qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a violé l’article 130 du Code de commerce ;

2 / qu’en tout état de cause, si le contrat de cautionnement est soumis à sa loi propre, il y a lieu de présumer, dans le silence des parties à cet égard, qu’il est régi par la loi de l’obligation qu’il garantit ;

qu’en l’espèce, elle faisait expressément valoir, à l’appui de sa demande d’application de la loi sénégalaise en vertu de cette règle de conflit de lois, que le régime de la liberté de preuve du cautionnement commercial en droit sénégalais, était plus favorable que les dispositions de la loi française soumettant aux règles d’administration de la preuve littérale, l’établissement du cautionnement à l’encontre d’une personne non commerçante ; qu’après avoir affirmé qu’il importait peu de déterminer si la loi sénégalaise avait vocation à s’appliquer, dès lors que suivant l’article 835 du Code des obligations civiles et commerciales de la République du Sénégal, le cautionnement doit être stipulé de façon expresse, la cour d’appel qui a néanmoins retenu que l’aval de M. X… sur les billets à ordre litigieux pourrait valoir commencement de preuve par écrit d’un engagement de caution de nature commerciale, compte tenu de l’intérêt patrimonial dans la société débitrice de son président, titulaire de la quasi-totalité du capital, à la condition d’être complété par des éléments extrinsèques, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 du Code civil ;

3 / qu’enfin l’aval cambiairement inefficace peut être retenu, à l’encontre d’un donneur d’aval non commerçant, comme commencement de preuve par écrit d’un cautionnement de droit commun, lequel peut être complété par l’élément extrinsèque découlant de la seule qualité de dirigeant social de l’avaliste ; qu’en retenant que les documents litigieux ne pouvaient être envisatés comme comportant la volonté de m. X… de s’engager personnellement, sans préciser en quoi sa double qualité de président-directeur général et de titulaire de la quasi-totalité des actions de la société SAFCAC n’était pas de nature à compléter le commencement de preuve par écrit constitué par la signature des billets à ordre sous la mention « bon pour aval », ni s’expliquer, comme elle y était expressément invitée, sur la conformité de cet aval cambiaire aux précédents protocoles d’accord stipulant la garantie de l’aval des principaux actionnaires, lesquels étaient eux-mêmes susceptibles d’être complétés par l’estimation de la valeur vénale des biens immobiliers lui appartenant fournie à elle par M. X…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1326 et 1347 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant constaté qu’aucun des billets à ordre ne comporte, sous la mention dactylographiée du nom du souscripteur, la SAFCAC, la signature manuscrite de celle-ci, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que ces documents ne pouvaient valoir comme billets à ordre et, en conséquence, ne pouvaient obliger M. X… comme avaliste ;

Attendu, en deuxième lieu, qu’ayant relevé que la société nationale de recouvrement invoquait la signature d’aval de M. X…, et non l’existence d’un acte de cautionnement, et constaté que les dispositions des articles 110 à 189 du Code de commerce français étaient applicables, en vertu du droit sénégalais, la cour d’appel a justifié sa décision, selon laquelle il était indifférent de déterminer si la loi sénégalaise avait vocation à s’appliquer, au regard du texte invoqué ;

Attendu, enfin, que c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation du sens et de la portée des documents produits par les parties que les juges du fond ont estimé que ceux-ci ne comportaient pas la volonté de M. X… de s’engager personnellement, mais concrétisaient l’engagement de la société de rembourser la dette ; que la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer la rechercher prétendument omise, a ainsi légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société nationale de recouvrement de la République du Sénégal aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X… ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille un.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x