Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel Z…, exploitant un commerce de pompes funèbres sous l’enseigne « Pompes funèbres libres Michel B… », demeurant à Montluçon (Allier), …,
en cassation d’un arrêt rendu le 28 juin 1989 par la cour d’appel de Riom (3e Chambre), au profit de la société Pompes funèbres générales, dont le siège social est à Paris (11e), …,
défenderesse à la cassation ; Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l’audience publique du 20 novembre 1991, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, M. Y…, Mme C…, MM. Vigneron, Leclercq, Gomez, conseillers, M. A…, Mme X…, M. Rémery, conseillers référendaires, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Léonnet, les observations de Me Hubert Henry, avocat de M. Z…, de Me Luc-Thaler, avocat de la société Pompes funèbres générales, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Sur le premier et le deuxième moyens réunis :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 28 juin 1989), que M. Daniel Z…, commerçant à Montluçon sous l’enseigne « Pompes funèbres générales – Michel B… » a procédé dans cette ville et les communes avoisinantes à des activités comprises dans le service extérieur des pompes funèbres dont la société Pompes funèbres générales (PFG) est le concessionnaire exclusif en application des articles L. 362-1 et suivants du Code des communes ; que cette entreprise a, alors, saisi le tribunal de commerce pour demander réparation du préjudice que lui avaient causé les agissements de M. Z… ; Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les contrats concédés à la société PFG pour l’exercice des activités comprises dans le service extérieur des pompes funèbres étaient opposables à M. Z… puisqu’ils étaient conformes à la réglementation et à la jurisprudence communautaires ainsi qu’à la réglementation française, alors, selon le pourvoi, d’une part, que pour apprécier si le traité de concession avait pour effet de mettre les Pompes funèbres générales en position dominante abusive, comme le soutenait M. Z… dans ses conclusions d’appel demeurées sans réponse, il incombait à la cour d’appel de prendre en considération les critères suivants, à savoir l’existence d’un effet de cloisonnement du marché commun, la livraison de biens et de prestations de service non couverts par la concession exclusive, les
ressources financières du groupe, et de procéder à une comparaison des prix sans que puisse être objectée leur fixation par le cahier des charges, de sorte qu’en déclarant le traité de concession conforme aux dispositions du traité de Rome, sans se fonder sur les critères objectifs précités, les juges du fait ont violé les dispositions des articles 7, 37, 85, 86 et 90 du traité de Rome, ainsi que celles de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors, d’autre part, que l’article 362-1 du Code des
communes n’impose pas expressément ou implicitement l’exclusivité de la concession du service extérieur des pompes funèbres à une entreprise déterminée, de manière à fausser le jeu de la libre concurrence ; qu’ainsi, l’abus de position dominante invoqué par M. Z… et imputable aux Pompes funèbres générales, concessionnaire des services de pompes funèbres, ne peut être justifié par les dispositions précitées du Code des communes, en application de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu’il s’ensuit que la convention litigieuse dont les clauses abusives permettent cette pratique anti-concurrentielle est illicite, et qu’en décidant le contraire, sans s’expliquer sur l’abus de position dominant découlant du contrat litigieux et invoqué par M. Z…, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles 8, 9, 10 et 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, et L. 362-1 du Code des communes ; Mais attendu que l’arrêt s’est référé aux critères retenus par la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 mai 1988 concernant les monopoles communaux concédés à un même groupe d’entreprises dans le domaine des pompes funébres et à un avis émis par le conseil de la concurrence les 12 et 21 janvier 1988 en application des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relatif à la licéité des activités exercées par la société PFG ; qu’après avoir procédé à une analyse concréte des contrats litigieux à l’encontre desquels M. Z… ne formulait aucun grief particulier, la cour d’appel a pu, en l’état de ces motifs, décider que la société PFG ne recourait à aucune pratique illicite notamment en ce qui concerne la détermination des prix, et, répondant aux conclusions invoquées, a pu décider que cette société n’avait pas méconnu les dispositions des textes susvisés ; que les deux moyens ne sont pas fondés ; Sur le troisième moyen :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir condamné M. Z… à verser à la société PFG
des dommages-intérêts correspondant au montant des revenus dont elle avait été privée, alors, selon le pourvoi, que si le tarif des pompes funébres a le caractère d’une taxe, il est destiné à couvrir, non
seulement les frais exposés par l’entreprise de pompes funèbres, mais également son bénéfice, de sorte que le préjudice subi par l’entreprise qui n’a pas opéré l’inhumation ne correspond pas au
montant de la taxe, mais au montant de la taxe sous déduction des frais qu’elle aurait supportés si elle avait procédé à l’inhumation, de sorte que les juges du fait ont violé tout à la fois les dispositions de l’article 1382 du Code civil, et celles de l’article 362-2 du Code des communes ; Mais attendu que l’arrêt constate que M. Z… n’a pas critiqué l’évaluation du dommage de la société PFG fait par les premiers juges ; que, dès lors, abstraction faite de tout autre motif erroné mais surabondant, la cour d’appel a pu, après avoir relevé les interventions illicites de M. Z… en violation de l’exclusivité dont bénéficiait la société PFG, décider que celles-ci lui avaient causé un préjudice dont elle a justifié tant l’existence que l’importance par l’évaluation qu’elle en a faite ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;