Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 février 1995, 93-11.769, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 février 1995, 93-11.769, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Sur le pourvoi n P/93-11.769 formé par la Banque française de crédit coopératif, société anonyme coopérative, dont le siège social est sis à Nanterre (Hauts-de-Seine), Parc de la Défense, …,

II – Sur le pourvoi n C/93-12.403 formé par Mme B…, mandataire liquidateur, demeurant à Coutances (Manche), 3, place de la Croûte, agissant poursuites et diligences en sa qualité de syndic de la liquidation judiciaire de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels (SELVMI), en cassation d’un arrêt rendu le 7 janvier 1993 par la cour d’appel de Caen (1re chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de la société anonyme Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels (SELVMI), dont le siège est à Torigni-sur-Vire (Manche), route de Saint-Lô, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

2 / de M. Z…, administrateur judiciaire, demeurant à La Barre de Semilly (Manche), avenue de la Mazure, pris en sa qualité d’ancien administrateur du redressement judiciaire de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels,

3 / de M. Michel X…, demeurant à Tessy-sur-Vire (Manche), 23, route de Saint-Lô, liquidateur de la société SELVMI par décision de l’assemblée générale des actionnaires du 22 octobre 1992, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n P/93-11.769 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n C/93-12.403 invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 13 décembre 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de Me Goutet, avocat de la Banque française de crédit coopératif, de Me Capron, avocat de Mme B…, ès qualités, de Me Foussard, avocat de la Société européenne de locatyion de véhicules et de matériels industriels (SELVMI), de M. Y…, ès qualités et de M. X…, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n P/93-11.769, formé par la Banque française de crédit coopératif, et n C/93-12.403, formé par Mme B…, ès qualités, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels (la Société européenne de location) ayant été mise en redressement judiciaire, un préposé de la société anonyme Banque française de crédit coopératif (la banque) a adressé, dans les délais, au représentant des créanciers plusieurs déclarations de créances ;

que le juge-commissaire a admis au passif les créances ainsi déclarées par 23 ordonnances qui ont été frappées d’appel par la société débitrice et l’administrateur de son redressement judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi de la banque :

Attendu que la banque reproche à l’arrêt d’avoir déclaré recevable cet appel alors, selon le pourvoi, d’une part, que celui-ci ayant, selon l’arrêt, été interjeté le 19 février 1992, la constatation de la désignation de M. X… comme liquidateur de la société le 22 octobre 1992 et le fait qu’il ait eu, à partir de cette date, qualité pour la représenter, n’étaient pas de nature à justifier légalement la recevabilité de l’appel, de sorte que l’arrêt est dépourvu de base légale au regard des articles 31 et 102 de la loi du 25 janvier 1985 ;

et alors, d’autre part, que s’agissant de M. A…, l’arrêt, qui ne fait aucune allusion à sa situation, ne justifie pas de ses pouvoirs, malgré les conclusions dont la cour d’appel était saisie et qui contestaient sa qualité pour agir, et malgré les dispositions des articles 31 et 102 de la loi du 25 janvier 1985 aux termes desquels l’appel de l’administrateur n’est recevable que lorsqu’il a pour mission d’assurer l’administration, ce qui n’est pas constaté en l’espèce ;

que, dès lors, l’arrêt n’est pas légalement justifié au regard de ces dispositions ;

Mais attendu qu’en vertu de l’article 102 de la loi du 25 janvier 1985, lorsque la matière est de la compétence du Tribunal qui a ouvert le redressement judiciaire, la décision du juge-commissaire admettant ou rejetant la créance peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel de la part du débiteur, fût-il dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens ;

qu’ayant relevé, tandis que la banque ne discutait que la qualité pour agir de l’administrateur de la procédure collective, que la Société européenne de location, « prise en la personne de son représentant légal », était aussi appelante des ordonnances du juge-commissaire, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, du même pourvoi :

Vu les articles 1328 du Code civil, 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;

Attendu que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les deux derniers textes susvisés, former lui-même ;

que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n’émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d’une délégation de pouvoirs lui permettant d’accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ;

qu’il peut enfin être justifié de l’existence de la délégation de pouvoirs, jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;

Attendu que pour décider que les créances étaient éteintes comme ayant été déclarées irrégulièrement et n’ayant pas fait l’objet d’une action en relevé de forclusion dans le délai d’un an à compter de la décision d’ouverture, l’arrêt, après avoir énoncé que la déclaration de créance, qui s’analyse en une demande en justice, doit être faite pour une société par le président du conseil d’administration, le président du directoire, le directeur général unique, le directeur général spécialement habilité ou le gérant, et, à défaut, par un avocat, un avoué ou par un mandataire muni d’un pouvoir spécial ayant date certaine, établi avant l’expiration du délai de déclaration des créances, retient qu’en l’espèce n’a été produit, après l’expiration de ce délai, qu’un pouvoir général n’ayant pas date certaine délivré au profit d’un préposé par le président du conseil d’administration de la banque ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir relevé que le signataire des déclarations de créance litigieuses était un préposé de la banque investi d’un pouvoir donné par le président du conseil d’administration de celle-ci, sans rechercher si ce préposé n’avait pas ainsi reçu, par une délégation générale ou spéciale, le pouvoir de déclarer les créances, peu important l’absence de date certaine du pouvoir, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du second moyen et sur le pourvoi de Mme B…, ès-qualités :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’appel de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels, l’arrêt n 28 rendu le 7 janvier 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes ;

Condamne les défendeurs, envers la Banque française de crédit coopératif et Mme B…, ès qualités, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu’à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d’appel de Caen, en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze février mil neuf cent quatre-vingt-quinze.


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