Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 12 décembre 1995, 94-12.551, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 12 décembre 1995, 94-12.551, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société Marc X…, société anonyme, prise en la personne de M. Marc X…, son président-directeur général, dont le siège est …,

2 / M. Marc X…, demeurant …, en cassation d’un arrêt rendu le 19 janvier 1994 par la cour d’appel de Besançon (2e chambre commerciale), au profit :

1 / de la société SOMIIP 90, société à responsabilité limitée, dont le siège est …,

2 / de M. Jean-Claude Y…, demeurant …, défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 2 novembre 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de Me Foussard, avocat de la société X… et de M. X…, de la SCP Gatineau, avocat de la société SOMIIP 90 et de M. Y…, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué (Besançon, 19 janvier 1994), que M. Jean-Claude Y… a été employé, du 16 avril 1973 au 12 juin 1990, en qualité de représentant exclusif pour la France moins le Territoire de Belfort, dans l’entreprise individuelle de M. X…, puis dans la société X… dont il était actionnaire ;

que son contrat de travail a été rompu et l’employeur a été condamné par le conseil de prud’hommes à payer un rappel de salaires et des indemnités ;

qu’après plusieurs mois de chômage, M. Y… a créé en mai 1991 la société SOMIIP 90 qui fabrique et commercialise des injecteurs pour le traitement et la protection des bois de charpentes ;

que la société X… a assigné M. Y…, la société SOMIIP 90 et deux anciens salariés ayant participé à la constitution de cette société pour concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen pris, en ses trois branches :

Attendu que, M. X… et la société X… font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande fondée sur la concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’une décision de non-lieu étant dépourvue d’autorité de chose jugée, ils étaient recevables à invoquer, à titre de faute civile, l’emport de bons de commande, de fichiers clients, de carnets à souche et qu’ainsi, l’arrêt a été rendu en violation de l’article 1382 du Code civil ;

alors, d’autre part, que, faute d’avoir recherché si l’emport de bons de commande, de fichiers clients et de carnets à souche n’était pas de nature à relever une concurrence déloyale, dans la mesure où, comme ils le faisaient valoir, les carnets à souche permettaient notamment de connaître les quantités livrées aux clients, les types de produit, les conditions de règlement, les prix pratiqués, et les remises accordées, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

et alors, enfin, que le dénigrement auprès d’un seul client, a fortiori auprès de deux clients, est suffisant pour caractériser une concurrence déloyale, et qu’en omettant de rechercher si les faits relatés dans les lettres des 18 décembre 1992 et 6 janvier 1993, émanant respectivement de l’office de Distribution technique moderne et de la société le Bois Traité, ne caractérisaient pas une concurrence déloyale, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d’une part, que la cour d’appel a rappelé le fait qu’une ordonnance de non lieu avait été confirmée par la chambre d’accusation sans en tirer la conséquence qu’elle aurait eu autorité de la chose jugée et sans décider, pour cette raison, que M. X… et la société X… étaient irrecevables à invoquer à titre de faute civile l’emport de bons de commande, de fichiers clients et de carnets à souches ;

que le moyen manque en fait ;

Attendu, d’autre part, que la cour d’appel n’avait pas à rechercher si la possession de documents appartenant à son employeur avaient permis à M. Y… et à la société SOMIIP de connaître les quantités livrées aux clients, les types de produits, les conditions de règlement, les prix pratiqués et les remises accordées par la société X… dès lors que cette dernière et M. X… fondaient leurs allégations relatives à la possession de ces informations sur la décision pénale et qu’il n’apparaît ni des conclusions ni de l’arrêt qu’ils aient offert d’apporter autrement qu’en se référant à ladite décision pénale la preuve de la soustraction de ces documents par M. Y… ;

Attendu, enfin, qu’en retenant que la preuve d’actes de dénigrement à la charge de M. Y… ne résultait pas des documents produits à l’appui de leurs allégations par la société X… et M. X…, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, M. X… et la société X… font grief à l’arrêt de les avoir condamnés au paiement d’une indemnité de cent mille francs, alors, selon le pourvoi, d’une part, que l’exécution d’un jugement assorti de l’exécution provisoire, lequel constitue un titre, ne peut jamais être imputée à faute et donner lieu à des dommages et intérêts ;

qu’ayant constaté que le jugement de première instance avait ordonné la publication du dispositif dans trois journaux, à savoir un journal professionnel, un journal de diffusion régionale et un journal de diffusion nationale, l’arrêt, qui n’a pas relevé qu’ils ne s’étaient pas conformés aux prescriptions du jugement, en ce qui concerne la publication du dispositif, a violé les articles 1382 du Code civil, et 514 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d’autre part, qu’aucune circonstance révélatrice d’un abus du droit d’ester en justice n’a été relevée à leur encontre ;

qu’à cet égard encore, l’arrêt est dépourvu de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d’une part, qu’après avoir relevé que la société X… et M. X… avaient pour exécuter le dispositif du jugement du tribunal de commerce qui, après avoir décidé que M. Y… et la société SOMIIP s’étaient rendus coupables d’actes de concurrence déloyale, avait ordonné avec exécution provisoire la publication du dispositif du jugement dans trois journaux l’un professionnel et les deux autres de diffusion régionale et nationale, la cour d’appel a pu décider que le choix de la publication de ce dispositif dans des journaux très célèbres et lus alors que le jugement avait été frappé d’appel dès le lendemain du prononcé du jugement, était constitutif d’un abus causant un préjudice commercial ;

Attendu, d’autre part, que c’est surabondamment que la cour d’appel a motivé la condamnation de la société X… et de M. X… au paiement de la somme de cent mille francs, dès lors qu’elle statuait sur la demande fondée sur la faute commise dans l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, M. X… et la société X… font grief à l’arrêt de les avoir condamnés au paiement d’une indemnité de vingt mille francs, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’il n’a pas été dit en quoi la mise en cause personnelle de M. Y… était constitutive d’un abus du droit d’ester en justice ;

d’où il suit que l’arrêt est privé de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

et alors, d’autre part, que, l’ordonnance de non lieu n’étant pas revêtue de l’autorité de la chose jugée, ils étaient en droit d’invoquer, à titre de faute civile, la soustraction frauduleuse de documents ;

de sorte que l’arrêt, qui n’a pas relevé l’existence d’un abus du droit d’ester en justice, est derechef privé de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu’après avoir rappelé que la poursuite de M. Y… du chef de détournement de documents avait fait l’objet d’une ordonnance de non lieu, confirmée par la chambre d’accusation, et retenu que M. Y…, mis en cause personnellement, était toujours accusé par la société X… et M. X… d’avoir détourné des documents et alors qu’elle avait retenu que la preuve d’un tel détournement et d’un tel usage n’avait pu être faite devant elle, la cour d’appel, qui en a déduit que ce comportement était fautif, ne s’est pas fondée sur le caractère définitif de la décision pénale et a légalement justifié sa décision ;

d’où il suit que le moyen est inopérant ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que M. X… et la société X… font grief à l’arrêt de les avoir condamnés à la restitution de la somme de trois cent mille francs et d’avoir condamné la société X… au paiement des frais de publication du jugement, alors, selon le pourvoi, que l’exécution provisoire dont un jugement de première instance est assorti constitue un titre faisant obstacle, tant qu’il n’est pas infirmé, à ce que le détenteur de sommes, en vertu du jugement, puisse être condamné à des intérêts ;

que les intérêts ne peuvent courir, en pareil cas, que du jour de la mise en demeure délivrée postérieurement à l’infirmation de la décision de première instance ;

d’où il suit qu’en décidant le contraire, les juges du second degré ont violé les articles 1146 et 1153 du Code civil, ensemble l’article 514 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le titre en vertu duquel la société X… et M. X… détenaient les fonds ayant été annulé, c’est à bon droit que la cour d’appel a ordonné leur restitution avec intérêts à compter de la date des conclusions qui la demandaient ;

d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur la demande présentée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que M. Y… et la société SOMIIP demandent l’allocation de la somme de 11 860 francs par application de ce texte ;

Mais attendu qu’il n’y a pas lieu d’accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Rejette la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la société X… et M. X…, envers la société SOMIIP 90 et M. Y…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

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