Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 11 juillet 2006, 05-14.406, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 11 juillet 2006, 05-14.406, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2005), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 4 juin 2002, pourvoi n° 00-11.846) que la société SBT Batif, aux droits de laquelle vient la société CDR créances, a assigné la société holding Sophopar en remboursement d’un prêt accordé en 1993, destiné, à concurrence de 3 000 000 francs, à financer son exploitation, et, à concurrence de 9 000 000 francs, à apurer le découvert de sa filiale la société Saitec ; que parallèlement à cette procédure, la société CDR créances et la société Sophopar ont été condamnées par un arrêt, devenu définitif, au paiement d’une certaine somme au commissaire à l’exécution du plan de la société Saitec, à titre de dommages-intérêts pour soutien abusif de cette dernière ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sophopar fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la société CDR créances, venant aux droits de la société SBT Batif, la somme de 12 156 979,29 francs, outre intérêts, au taux de 11,2964 %, à compter du 7 février 1994, alors, selon le moyen, que selon l’article 1849 du code civil, dont les dispositions sont reprises, à la lettre, par l’article 14 paragraphe 6 de ses statuts, « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social » ; qu’il incombait donc aux juges du fond de rechercher si le prêt litigieux, conclu par elle, représentée par son gérant, agissant seul, sans autorisation des associés, qui était destiné, aux termes mêmes de l’acte, s’agissant de la somme de neuf millions de francs, « à rembourser le découvert accordé par la banque à une filiale de l’emprunteur, la société Saitec, l’emprunteur donnant instructions irrévocables et inconditionnelles à la banque d’affecter la somme de neuf millions de francs au remboursement, en principal, du découvert en compte courant de la société Saitec ouvert dans les livres de la banque », entrait, ou non, dans l’objet social de la société Sophopar, qui, selon l’arrêt, consistait en « la prise de participations dans toutes les sociétés civiles, agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales par voie de souscription ou d’acquisition d’apports en nature de tous droits sociaux de toute nature, la gestion de ces participations et généralement toutes opérations quelconques se rapportant à cet objet ou contribuant à sa réalisation, pourvu que celles-ci n’aient pas pour effet d’altérer le caractère civil de la société » ; qu’en considérant que « la gestion de ses participations dans le capital de la société Saitec n’excluait pas la souscription d’un tel prêt et que le prêt était donc conforme à l’objet social de la société Sophopar », cependant que n’entre pas dans cet objet social la conclusion de prêts destinés à rembourser les dettes de tiers, s’agirait-il de filiales, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1849 du code civil ;

Mais attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des pièces de la procédure que la société Sophopar ait soutenu devant la cour d’appel que le prêt était nul pour avoir été contracté par son gérant agissant seul tandis que sa conclusion n’entrait pas dans son objet social ; que le moyen est donc nouveau, et mélangé de fait et de droit, irrecevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Sophopar fait le même grief à l’arrêt, alors selon le moyen, que comme le précise l’arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation le 25 mars 2003, la cour d’appel de Poitiers avait précédemment jugé, par un arrêt en date du 12 décembre 2000, lequel constituait un fait juridique opposable à la banque, qui était partie aux deux instances, que la société SBT Batif « avait organisé avec la société Sophopar un montage, reportant en apparence sur celle-ci les engagements de sa filiale, qui permettait à l’établissement de crédit, dès lors que les fonds devaient contractuellement être affectés au remboursement du découvert du compte courant de la société Saitec, de maintenir en réalité le concours qu’il avait octroyé jusque-là à sa cliente, ce dont il résultait que la société SBT Batif avait, fût-ce en substituant un prêt de restructuration à un découvert, soutenu abusivement, par personne interposée, la société Saitec, dont la situation était alors irrémédiablement compromise » ; qu’en considérant que cet état de fait était « indifférent », « l’utilisation des fonds prêtés étant sans incidence sur la validité du prêt et l’engagement de la société Sophopar de le rembourser selon les modalités prévues à l’acte », cependant qu’en cet état, la cause du prêt litigieux était illicite, la cour d’appel a violé les articles 1131 et 1133 du code civil ;

Mais attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des pièces de la procédure que la société Sophopar ait soutenu devant la cour d’appel qu’il résultait des condamnations prononcées par la cour d’appel de Poitiers que le prêt était illicite et donc nul en application de l’article 1131 du code civil ; que le moyen est donc nouveau, et mélangé de fait et de droit, irrecevable ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Sophopar fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que la cour d’appel de Poitiers, statuant sur la responsabilité encourue par les parties pour le soutien abusif apporté à la société Saitec, avait relevé, pour moduler la sanction encourue par chacune d’entre elles, qu’ »il est constant que la société Sophopar a participé au montage du prêt permettant la poursuite du soutien abusif de la banque, contribuant à l’ensemble de l’aggravation de la société Saitec et de ses créanciers ; elle doit donc être condamnée in solidum à la réparation du préjudice ; toutefois, n’y ayant pas eu le même intérêt, et ayant été l’objet de pressions en ce sens, il y a lieu, dans les rapports entre la banque et la société Sophopar de réduire au quart la responsabilité de cette dernière » ; qu’en cause d’appel, pour soutenir que le consentement de son gérant avait été vicié par la contrainte, la société Sophopar se prévalait notamment d’une attestation émanant de son ancienne secrétaire de direction, Mme X…, établie postérieurement à son licenciement, dans laquelle celle-ci précise que la demande de prêt avait été « dactylographiée par ses soins sous la dictée de M. Y… qui était venu spécialement à Challans pour obtenir de M. Z… la reformulation d’une demande de crédit au nom de Sophopar, la précédente demande ayant été faite au nom de Saitec » et que « bien que M. Y… essayait de le rassurer, M. Z… semblait très préoccupé par cette situation mais il n’avait d’autre choix que d’accepter (car) les dépenses chez Saitec étaient déjà engagées » ; qu’en se bornant à énoncer qu’ »il n’en résulte pas que la banque ait exercé une contrainte constitutive de violence sur la société Sophopar ou sur son gérant, professionnel expérimenté, ni qu’elle ait accompli une manoeuvre dolosive de nature à altérer la liberté de son consentement, la vive préoccupation que M. Z… aurait manifestée à cette occasion étant surtout à mettre en relation avec l’endettement de la société Saitec et sa situation particulièrement délicate », la cour d’appel, qui s’est déterminée par voie de simple affirmation, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1112 du code civil ;

2 / que la règle selon laquelle l’exception de nullité ne peut jouer que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté et n’est donc pas recevable à l’endroit d’un acte ayant déjà reçu exécution est inapplicable lorsque la nullité est opposée par voie d’exception, mais dans le délai de l’action en nullité ;

qu’en se prononçant de la sorte, cependant qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement entrepris que le contrat de prêt a été conclu par acte en date du 4 juin 1993 et que sa nullité a été soulevée par la société Sophopar devant le tribunal, soit bien avant l’expiration du délai de cinq ans dans lequel la nullité pouvait être invoquée par voie d’action, la cour d’appel a violé les articles 1108 et 1304 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir émis des réserves sur la portée de l’attestation de l’ancienne secrétaire de direction de la société Sophopar en raison des fonctions occupées par cette personne au moment des faits décrits, l’arrêt relève que les termes de ce document n’établissent pas que la banque ait exercé une contrainte constitutive de violence sur la société Sophopar, ni qu’elle ait accompli une manoeuvre dolosive de nature à altérer la liberté de son consentement ; qu’il ajoute que le gérant de la société connaissait parfaitement la situation de la société Saitec ainsi que le risque d’ouverture d’une procédure collective qu’elle encourait et ne peut prétendre que son consentement aurait été affecté par un ou plusieurs vices dont la société ne rapporte pas la preuve ; qu’appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui ne s’est pas déterminée par voie de simples affirmations, a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en second lieu, que le rejet du premier grief rend inopérant le second grief qui critique un motif surabondant ;

D’ou il suit que le grief n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sophopar aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à la société CDR créances la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille six.


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