Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 10 juin 1997, 95-13.106, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 10 juin 1997, 95-13.106, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Santé Beauté, société anonyme, dont le siège est …, en cassation d’un arrêt rendu le 25 janvier 1995 par la cour d’appel de Paris (15e chambre, section A), au profit :

1°/ de la Socadip, dont le siège est …, prise en la personne de ses liquidateurs, MM. Y… et X…, domiciliés …,

2°/ du Crédit lyonnais, dont le siège est …, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 29 avril 1997, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Santé beauté, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la Socadip, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat du Crédit lyonnais, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses sept branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 1995), que, conformément à une convention conclue avec la société Codec, intervenant en tant que « centrale de référencement », la société Santé beauté a livré des marchandises à des commerçants adhérents au « circuit direct » mis en place par cette centrale; que la société Santé beauté a invoqué contre une autre « centrale de référencement », dont la société Codec était actionnaire, la société Socadip, le bénéfice de la garantie de paiement que celle-ci accordait aux fournisseurs de « ses actionnaires » et des « adhérents de ceux-ci, nommément désignés »; que la société Socadip a appelé dans la cause le Crédit lyonnais, qui s’était porté contregarant; que la société Socadip et le Crédit lyonnais ont soutenu que leur garantie n’était applicable qu’aux « achats-ventes » pratiqués par la société Codec, en cas de commandes émanant d’elle pour des livraisons à faire dans ses propres entrepôts, ou ceux exploités pour son compte par des tiers expressément désignés, mais non en cas de commandes émanant directement des adhérents de la société Codec, laquelle n’intervenait alors qu’a posteriori, pour le règlement des factures en exécution d’un « mandat de paiement », ces opérations restant étrangères à la société Socadip, les adhérents de la Codec lui étant, d’ailleurs, inconnus ;

Attendu que la société Santé beauté fait grief à l’arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la convention de garantie du 22 décembre 1989, conclue entre Socadip et la société Santé beauté, ainsi que les documents contractuels concomitants et subséquents, prévoyaient que Socadip garantit aux fournisseurs le paiement des factures dues par ses actionnaires dont Codec, pour les livraisons effectuées pendant l’exercice 1990, et ne faisaient aucune distinction entre les opérations d’achat-vente et les opérations de « circuit direct » réalisées par la société Codec, en sorte qu’en décidant que seules les premières étaient couvertes par la garantie de Socadip, les juges d’appel ont purement et simplement violé l’article 1134 du Code civil; alors, d’autre part, qu’en tout état de cause, une clause figurant dans un contrat de garantie rédigé par une centrale d’achats et auquel un fournisseur est, par l’effet de contraintes économiques, bien contraint d’adhérer, doit nécessairement s’interpréter en faveur du bénéficiaire de la garantie; qu’en introduisant, pour interpréter le contrat, une distinction de laquelle il résulte que tout un secteur d’activité de la société Codec doit être exclu du bénéfice de la garantie, les juges d’appel ont violé les articles 1134 et 1162 du Code civil; alors, en outre, qu’en affirmant que seules les opérations d’achat-vente, réalisées par la société Codec étaient couvertes par la garantie de Socadip, tout en reconnaissant dans le même temps que cette garantie valait encore pour les livraisons faites dans des entrepôts exploités par un tiers pour le compte de Codec, c’est-à-dire par de simples adhérents à cette centrale de référencement, les juges d’appel se sont contredits et ont de ce fait violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, de plus, qu’il résultait du contrat que Socadip garantissait au fournisseur « le paiement des factures dues par ses actionnaires et les adhérents de ceux-ci », étant précisé en outre que le terme « adhérent » désigne aux présentes les associés, affiliés ou franchisés des actionnaires de Socadip »; qu’en l’état d’une telle clause, qui induit nécessairement une connaissance par Socadip des liens qui pouvaient exister entre Codec (actionnaire) et les diverses entités qui en dépendaient, la cour d’appel n’a pu se retrancher derrière une prétendue ignorance par Socadip desdits liens pour refuser la garantie qu’elle doit à un tiers (Santé beauté) qu’en privant sa décision de base légale au regard de l’article 1165 du Code civil; alors, encore, que la cour d’appel n’a pas pu, sans entacher sa décision d’une contradiction de motifs, violant ainsi l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, énoncer d’un côté, que Socadip pouvait ignorer les liens existant entre Codec et les diverses entités qui en dépendaient et, d’un autre côté, limiter la garantie aux seuls achats-ventes, à l’exclusion du circuit direct, lequel résultait précisément des conventions existant entre Codec et les entités qui en dépendaient; alors, par ailleurs, qu’en l’état d’un contrat de garantie qui couvrait toutes fournitures sans distinction, prévoyant au surplus une rémunération, laquelle a été payée dans son intégralité, y compris pour les livraisons litigieuses, et ce paiement a été dûment

accepté par Socadip; et, en l’état de deux lettres des 31 mai et 23 août 1990, précisant que le jeu de la garantie était subordonné à une facturation qui devait transiter par Codec Longjumeau, ce qui a été le cas en l’espèce, la cour d’appel n’a pu écarter la garantie de Socadip qu’en privant sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil; et alors, enfin, qu’en affirmant qu’il ressort de la lettre du 31 mai 1990 que la garantie concernait les marchandises devant transiter par les entrepôts Codec ou acceptées par la société Socadip, qu’en revanche en étaient exclues les marchandises livrées directement aux magasins, bien que cette lettre exposât : « Codec est actionnaire de Socadip à part entière et à ce titre bénéficie de la garantie de paiement. Cette couverture s’applique également : 1 – sur les entrepôts directement exploités par Codec, soit : Pont de Veyle, Thuit-Hébert, Peynier-Rousset, Agen ;

2 – mais également sur les entrepôts exploités par un tiers pour le compte de Codec, sous conditions que la facturation transite pour paiement par Codec Longjumeau; entrepôt des Transports TLO à Betton, entrepôts Pomona à Carquefou; 3 – sur les filiales suivantes : Covam, Scapa, CGL Frais – Thiais, CGL entrepôts de produits secs à Melun-Sénart », les juges d’appel en ont dénaturé les termes clairs et précis et ont violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant relevé que la convention conclue entre les sociétés Santé beauté et Socadip ne prévoyait la garantie de celle-ci que pour les factures dues par des actionnaires ou adhérents désignés expressément, la cour d’appel a pu retenir que les commandes des commerçants opérant en « circuit direct » n’étaient pas couvertes par la garantie dès lors que les factures étaient établies à leur nom, qu’ils n’étaient pas inscrits sur une liste établie par la société Socadip, et que la société Codec elle-même, seule inscrite sur la liste, était alors seulement « mandataire au paiement », sans être acheteur; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision, hors dénaturation et hors toute contradiction, sans méconnaître la portée des lettres citées au moyen et sans se fonder sur l’ignorance ou la connaissance de l’existence du « circuit direct » par la société Socadip ;

Attendu, en second lieu, que les règles afférentes à l’interprétation des conventions ne présentent pas un caractère impératif ;

que leur éventuelle méconnaissance ne peut, à elle seule, donner ouverture à cassation ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Santé beauté aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Socadip et du Crédit lyonnais ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du dix juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.


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