Cour de cassation, Chambre civile 3, du 6 juillet 1988, 87-11.621, Inédit

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Cour de cassation, Chambre civile 3, du 6 juillet 1988, 87-11.621, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ Monsieur Charles KAUFMANN, demeurant à Paris (17e), …,

2°/ la société civile immobilière RESIDENCE NEPTUNE, dont le siège est à Paris (17e), …,

3°/ la société à responsabilité limitée RESIDENCE NEPTUNE GESTION, dont le siège social est à Paris (17e), …,

en cassation d’un arrêt rendu le 17 décembre 1986, par la cour d’appel de Paris (15e chambre section A), au profit de la société SOGEA, anciennement dénommée SOCEA BALENCY puis SOBEA, société anonyme, dont le siège est à Rueil Malmaison (Hauts-de-Seine), …,

défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoquent à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l’audience publique du 7 juin 1988, où étaient présents :

M. Monégier du Sorbier, président, M. Paulot, rapporteur, MM. Z…, A…, Y…, Didier, Senselme, Cathala, Douvreleur, Capoulade, Beauvois, Deville, Darbon, conseillers, M. X…, Mme Cobert, conseillers référendaires, M. de Saint Blancard, avocat général, Mlle Bodey, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Paulot, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. Kaufmann, de la société civile immobilière Résidence Neptune et de la société à responsabilité limitée Résidence Neptune Gestion, de Me Choucroy, avocat de la société Sogea, les conclusions de M. de Saint Blancard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Paris 17 décembre 1986) que la société Neptune Gestion représentée par M. Kaufmann a, le 29 avril 1983 chargé la société Socea Balency, aux droits de qui se trouve la société Sogea, de la construction d’un bar dans une résidence lui appartenant ; que le 11 mai 1983, elle a chargé la même entreprise de la construction d’une gaine d’ascenseur dans le même bâtiment, l’ensemble des travaux devant être terminés pour le 15 juin 1983 ; que la société Socea Balency n’ayant pu obtenir paiement des sommes prévues aux marchés, au motif d’un retard dans la livraison, a assigné la société civile immobilière Résidence Neptune et M. Kaufmann devant le tribunal de grande instance de Paris ; qu’une Société Neptune Gestion est intervenue en cause d’appel, prétendant avoir seule contracté avec l’entrepreneur, et que la cour d’appel de Paris, par arrêt du 17 décembre 1984, a ordonné une mesure d’instruction qui devait révéler que les interlocuteurs de l’entreprise Socea Balency étaient en réalité la SCI Résidence Neptune, son gérant, M. Kaufmann, propriétaire de 999 parts sur 1000, et la société Résidence Neptune Gestion, dont M. Kaufmann est l’un des associés ;

Attendu que la société Résidence Neptune Gestion fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de ses demandes d’indemnités de retard et de dommages-intérêts pour inexécution du marché du 11 mai 1983 alors, selon le moyen que, « en premier lieu, le procès-verbal de réception du 30 juin 1983 dont fait état la cour d’appel, concernait exclusivement la réception des travaux prévus au marché du 29 avril 1983 ; qu’en statuant différemment alors qu’il était stipulé dans l’acte que les travaux relatifs à la construction et à l’aménagement de la gaine d’ascenseur étaient exclus de la réception, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil en dénaturant l’acte précité ; alors que en deuxième lieu une entreprise de construction ayant conclu deux marchés distincts avec un maître de l’ouvrage, marchés ayant chacun un objet propre et dont la direction est assumée par des maîtres d’oeuvre juridiquement différents, ne peut se prévaloir d’une réception unique mais doit faire état d’une double réception amiable, établie pour chacun des marchés conclus ; qu’en estimant que le procès-verbal du 30 juin 1983 valait en définitive réception pour les deux marchés bien que signé par un seul des maîtres d’oeuvre, la société ERIB qui n’avait pas en charge la construction et l’aménagement de la gaine d’ascenseur dont la maîtrise avait été confiée au Cabinet Finiels, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 1792-6 du Code civil ; alors que en troisième lieu pour invoquer l’exception non adimpleti contractus, le débiteur d’une obligation dérivant d’un contrat synallagmatique doit justifier à l’égard de son contractant d’une créance certaine et exigible ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a fait droit à l’exception opposée par la société Socea-Balency en se fondant sur le fait que cette société n’avait pas été réglée de la situation de travaux adressée le 8 juillet 1983 et établie pour la totalité du prix du marché ce qui supposait l’achèvement complet des travaux ; qu’en relevant néanmoins que cette situation n’avait été acceptée ni par l’architecte ni, a fortiori, par le maître de l’ouvrage, la société Socea-Balency reconnaissant par ailleurs avoir interrompu l’exécution des travaux, la cour d’appel, en l’absence de créance certaine et exigible de cette société, ne pouvait statuer comme elle l’a fait sans violer le principe de l’exception d’inexécution et l’article 1184 du Code civil ; et alors que en quatrième lieu, l’exception d’inexécution ne peut-être invoquée qu’à propos d’obligations nées d’une même convention ; qu’en estimant fondée l’exception soulevée par la société Socea-Balency au motif que son débiteur, la société Résidence Neptune Gestion lui était redevable d’une somme due en vertu d’une autre convention conclue antérieurement au marché dont l’exécution avait été interrompue, la cour d’appel, faute d’avoir constaté l’existence d’obligations nées d’une même convention, a, une nouvelle fois violé le principe de l’exception d’inexécution et l’article 1184 du Code civil » ;

Mais attendu d’une part que l’arrêt retenant sans faire état d’une réception, que les plans n’ont été remis à l’entrepreneur que le 8 juin, que les travaux ont été suspendus jusqu’au 18 juin pour intempéries, et qu’il résulte d’un compte rendu du 30 juin qu’ils étaient terminés à cette date à l’exception des finitions qui ne pouvaient être effectuées qu’après la mise en place de l’ascenseur dont le maître de l’ouvrage n’a passé commande que le 11 novembre, la cour d’appel a pu décider que la société Sogea n’était pas débitrice d’indemnités de retard ; Attendu d’autre part qu’ayant constaté qu’au 14 novembre 1983 le maître de l’ouvrage n’avait encore procédé à aucun règlement, même en ce qui concerne le bar en service depuis le 20 juin, et qu’il avait tenté par fraude de faire signer à l’entrepreneur une modification du marché, la cour d’appel a pu décider qu’il était responsable de la non terminaison des travaux et que la société Sogea était en droit d’exiger son paiement ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le deuxième et le troisième moyens réunis :

Attendu que la société civile immobilière Résidence Neptune et M. Kaufmann font grief à l’arrêt de les avoir condamnés in solidum avec la société Résidence Neptune Gestion alors, selon le moyen, « que d’une part, en s’abstenant de rechercher si la SCI avait été contractuellement liée avec la société Sogea lors de la passation du marché du 29 avril 1983 et, s’agissant du contrat du 11 mai 1983, qu’en se bornant à relever que l’obligation au paiement mise à la charge de la SCI résultait du fait que M. Kaufmann s’était opposé à la demande de la société Sogea, le 14 novembre 1983, en utilisant du papier à en-tête de la société, et en se fondant par ailleurs sur un acte de marché produit par la société Sogea et dénué de toute valeur contractuelle faute d’avoir été revêtu de la signature des parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; alors que d’autre part, s’agissant du marché du 11 mai 1983, il résultait d’un arrêt devenu définitif rendu le 17 décembre 1984 par la cour d’appel de Paris, que ce marché avait été conclu par la seule société Résidence Neptune Gestion, mission étant confiée à un consultant pour rechercher si la SCI avait pu participer à « l’exécution » du contrat, ce qui n’était pas le cas en définitive ; que ce point ayant été tranché dans le dispositif de l’arrêt, était par conséquent revêtu de l’autorité de la chose jugée ; qu’en estimant néanmoins, au vu de l’acte produit par la société Sogea, que la SCI était tenue à l’égard de celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 1351 du Code civil ; et alors qu’enfin aux termes de l’arrêt rendu le 17 décembre 1984 par la cour d’appel de Paris, la société Résidence Neptune Gestion pouvant seule se voir reconnaître la qualité de co-contractant de la société Sogea, il en résultait nécessairement que l’engagement de M. Kaufmann à l’égard de celle-ci ne pouvait être que délictuel, ce qui supposait la preuve d’une faute par lui commise ; que la cour d’appel a tout d’abord relevé que M. Kaufmann avait entretenu la confusion en participant aux opérations contractuelles et en agissant comme mandataire de la société ;

que ces circonstances ne pouvaient être, contrairement à ce qu’à retenu la cour d’appel, constitutives de faute, M. Kaufmann ayant été à l’origine de la construction de la résidence en 1981 et étant par là-même intéressé à la bonne exécution des travaux engagés par la société ; que la cour d’appel s’est ensuite fondée sur l’intention malicieuse de M. Kaufmann qui aurait frauduleusement modifié les termes de l’acte du 11 mai 1983 ; que pour statuer ainsi, la cour d’appel s’est bornée à constater que l’acte prétendument falsifié n’était pas conforme à l’exemplaire produit par la société Sogea, tout en relevant que celui-ci avait été établi unilatéralement par celle-ci et n’avait pas de valeur contractuelle, faute d’être revêtu de la signature des parties ; qu’en s’abstenant ainsi de relever des éléments déterminants susceptibles de constituer une faute, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1982 (sic) du Code civil ; Mais attendu d’une part que l’arrêt du 17 décembre 1984, loin de décider que la société Résidence Neptune Gestion avait seule contracté avec l’entreprise Socea Balency, a ordonné une mesure d’instruction avant dire droit sur le rôle de la société civile immobilière et de M. Kaufmann dans les marchés intervenus ; que le moyen n’est pas fondé de ce chef ; Attendu d’autre part que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant qu’il y avait eu collusion frauduleuse entre la société à responsabilité limitée Résidence Neptune Gestion, la société civile immobilière Résidence Neptune, et M. Kaufmann ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


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