Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Martine Z… veuve B…, demeurant … d’Antin, 75009 Paris,
en cassation d’un arrêt rendu le 11 janvier 1996 par la cour d’appel de Paris (6e chambre, section B), au profit :
1 / de Mme Françoise X… épouse de Turckheim, demeurant …,
2 / de M. Jacques X…, demeurant …,
3 / de M. Régis A…, demeurant …, agissant en qualité d’héritier de Mme Monique Y… veuve X…,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 13 octobre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Bourrelly, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bourrelly, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme B…, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d’appel a répondu aux conclusions, d’une part, en retenant, par motifs adoptés, qu’il n’était pas prouvé que les preneurs, qui ne produisaient pas de facture de travaux effectués par un électricien, mais seulement celles où n’étaient mentionnées que des références, et que l’expert n’avait pas vues, aient, conformément à leurs obligations contractuelles, refait l’installation du réseau électrique, d’autre part, ayant adopté l’estimation de la valeur locative opérée par le technicien commis dans le procès, en faisant siens les termes du rapport où, sans relever que les locaux étaient pourvus d’une cave et d’un escalier intérieur, cet expert avait constaté l’état de la façade de l’immeuble et la nature de ses matériaux, celui de l’appartement, qu’il donnait pour différent d’un état correct, l’utilité d’un ravalement et le défaut d’ascenseur, et avait proposé en conséquence de diminuer le prix de location tel qu’il ressortait des références de loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l’article 1382 du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 1996), que Mme B…, ayant pris à bail un local d’habitation pour un loyer minoré en contrepartie de son engagement d’effectuer dans les lieux certains travaux, a reçu au titre des loyers et des charges plusieurs commandements des propriétaires qui l’ont ensuite assignée en condamnation à leur payer de ce chef une somme d’argent, et en prononcé de la résiliation du bail ; qu’il a été sursis à statuer sur ces demandes jusqu’à l’établissement du compte des parties ; que, de nouveaux commandements lui ayant été délivrés au visa de la clause résolutoire, Mme B… a engagé contre les bailleurs trois procédures, deux en référé aux fins, l’une, de se faire donner acte de ce qu’elle avait versé une somme d’argent, l’autre, d’obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire, la troisième, devant le juge du fond, pour faire juger que le logement ne répondait pas aux normes réglementaires, annuler la clause par laquelle elle s’était obligée à des travaux, obtenir une diminution du prix du bail et condamner les bailleurs à lui payer une somme d’argent ; qu’expulsée en cours de procédure, elle a demandé de plus la résiliation du bail aux torts des consorts X… ; que ceux-ci ont conclu à la confirmation des ordonnances ayant, la première, constaté cette résiliation et prescrit l’expulsion, la seconde, dit la locataire irrecevable à agir en suspension des effets de la clause résolutoire, et demandé la condamnation de Mme B… à leur payer deux sommes d’argent, d’une part, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation, d’autre part, à celui de dommages-intérêts ;
Attendu que, pour condamner de ce dernier chef Mme B… à payer une somme d’argent aux consorts X…, l’arrêt retient qu’en multipliant et en compliquant les procédures, Mme B… a, par un véritable détournement des institutions judiciaires, fait dégénérer en abus certain son droit d’ester en justice et qu’elle a ainsi occasionné aux consorts X… le préjudice qu’il évalue ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que des décisions avaient débouté les bailleurs et que le jugement avait sursis à statuer sur la demande de résiliation, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné Mme B… à payer aux consorts X… la somme de 50 000 francs de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 11 janvier 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les consorts X… et M. A… aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.