Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 13 mai 1986, 84-17.475, Publié au bulletin

·

·

Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 13 mai 1986, 84-17.475, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que Mme D…, fermière de terres appartenant à Jacques C… et à Jeannine Y…, aux droits de Mme X…, fait grief à l’arrêt attaqué (Reims, 15 octobre 1984) d’avoir, pour prononcer la résiliation du bail à ferme, retenu l’existence de sous-locations faites par elle à une Société Civile d’Exploitation Agricole (S.C.E.A.) et à son fils, alors, selon le moyen, que, d’une part, aux termes de l’article L. 411-37 du Code rural,  » à la condition d’en aviser au préalable le bailleur par lettre recommandée avec avis de réception, le preneur qui fait partie d’une société à objet exclusivement agricole constituée entre personnes physiques et dotée de la personne morale, peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l’attribution de parts  » ; que la mise à disposition prévue par ce texte implique l’existence préalable de la société et n’impose qu’une simple information du bailleur par lettre recommandée avec avis de réception ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations mêmes de l’arrêt que la Société Civile d’Exploitation Agricole constituée entre la preneuse et son fils a été immatriculée au registre du commerce le 24 novembre 1983 et a donc été dotée de la personnalité morale à compter de cette date ; que, dès lors, en avisant la bailleresse, par lettre recommandée du 16 décembre 1983, qu’elle mettait les biens donnés à bail à la disposition de cette société à compter du 1er janvier 1984, Mme B…, preneuse, a fait une stricte application des conditions prévues par l’article L. 411-37 du Code rural ; que, dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l’a fait, que l’avis de la preneuse avait été donné tardivement, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des exigences posées par le texte susvisé, alors, d’autre part, qu’en toute hypothèse, ni la lettre, ni l’esprit de l’article L. 411-37 du Code rural n’autorise le juge à sanctionner par la résiliation du bail le preneur qui, bien qu’ayant omis d’aviser le bailleur, a réalisé une véritable mise à disposition et continue à se consacrer à l’exploitation du bien loué ; que dès lors, en statuant comme elle l’a fait tout en constatant que si l’avis du preneur avait été donné tardivement à la bailleresse, l’opération constituait une véritable mise à disposition, permettant à la preneuse de se consacrer à l’exploitation des biens loués, la Cour d’appel n’a pas, de ce chef également, légalement justifié sa décision, alors, encore, que s’ils font état de l’apport par les associés des améliorations du fonds de leurs exploitations agricoles respectives, les statuts de la société ne mentionnent en revanche aucun apport au capital social d’un quelconque droit au bail ; que les améliorations du fonds ne constituent qu’un droit de créance aléatoire et de nature mobilière du preneur contre le bailleur ; que ce droit de créance est susceptible de faire l’objet d’un transfert au profit d’une société civile, mais ne saurait être assimilé au bail ; que, dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l’a fait, que l’opération de mise à disposition des biens avait donné lieu à une attribution de parts à l’associée concernée, bien qu’en vertu desdits statuts, les parts

sociales attribuées à Mme B… étaient destinées seulement à rémunérer ses apports en nature, constitués par l’amélioration du fonds de son exploitation, et non l’apport de son droit au bail, et qu’en outre, la mise à disposition avait été réalisée plusieurs mois après la constitution de la société, la Cour d’appel n’a pas, de ce chef également, légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 7 des statuts de la société et de l’article L. 411-37 du Code rural, alors, également, qu’en retenant qu’une société de fait avait fonctionné avant la naissance de la société de droit sans constater l’existence d’une véritable société de fait constituée entre la preneuse et ses fils, impliquant, d’une part, une volonté d’exploiter en commun l’ensemble des biens prétendument mis prématurément à la disposition de la société, et, d’autre part, la participation de tous les associés aux dépenses et recettes de l’exploitation pendant la courte période au cours de laquelle cette société de fait aurait fonctionné, la preuve de l’existence d’une telle société de fait ne pouvant résulter de l’ouverture provisoire d’un compte bancaire, quelques semaines avant son immatriculation au registre du commerce, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-35 et L. 411-37 du Code rural, alors, enfin, qu’il appartient au bailleur qui demande la résiliation d’un bail pour cession prohibée de rapporter la preuve de cette cession ; qu’en l’espèce, les juges d’appel, à l’appréciation desquels étaient soumises les deux attestations versées aux débats, n’ont relevé aucun fait pouvant être regardé comme suffisant pour démontrer l’existence d’une véritable cession de bail ; que, dès lors, en statuant comme elle l’a fait au vu d’une simple attestation, établie en termes vagues et imprécis par M. A…, qui se bornait à affirmer  » que Jean-Loup C… cultivait depuis au moins trois ans une parcelle d’environ 35 hectares située à Asfeld, contre une parcelle lui appartenant  » sans donner aucun renseignement sur le propriétaire de ladite parcelle, et en l’absence, par ailleurs, de toute précision suffisante contenue dans l’attestation établie par le directeur administratif de l’Union Agricole Ardennaise, la Cour d’appel n’a pas mis la Cour suprême en mesure d’exercer son contrôle sur les conditions dans lesquelles la preuve de la cession de bail retenue avait été rapportée et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-35 du Code rural et 1315 du Code civil, et que ne constitue pas une sous-location interdite l’hébergement à titre gratuit d’un tiers ; qu’en l’espèce, le seul fait pour Mme C… d’avoir accepté d’abriter à titre gracieux, dans le hangar de la ferme d’Asfeld, la caravane de M. Z… dans laquelle il logeait avec sa compagne et un troupeau de moutons appartenant à ce dernier, ne saurait, en l’état de d’exploitation donnée à bail, être regardé comme une sous-location prohibée, au sens de l’article L. 411-35 du Code rural ; que, de ce chef également, l’arrêt attaqué n’est pas justifié  » ; Mais attendu qu’après avoir exactement retenu que l’amélioration du fonds s’incorporant à l’immeuble et ne devenant une créance mobilière qu’à la fin du bail, lors du compte de sortie de ferme, Mme D… avait réalisé un apport en nature et non en valeur, la Cour d’appel, qui a constaté que cet apport avait donné lieu à une attribution de parts, en a justement déduit l’existence d’une infraction aux dispositions de

l’article L. 411-37 du Code rural justifiant la résiliation du bail ;

Que, par ces seuls motifs, l’arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x