Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 13 juillet 2000, 98-15.188, Inédit

·

·

Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 13 juillet 2000, 98-15.188, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. X…,

en cassation de l’arrêt rendu le 26 février 1998 par la cour d’appel de Rouen (3ème chambre civile), au profit de Mme Y…, épouse X…,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience du 14 juin 2000, où étaient présents : M. Buffet, président, Mme Solange Gautier, conseiller rapporteur, M. Guerder, conseiller, M. Chemithe, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Solange Gautier, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X…, de Me Roger, avocat de Mme Y…, les conclusions de M. Chemithe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Rouen, 26 février 1998) d’avoir prononcé le divorce des époux X…-Y… à ses torts alors, selon le moyen, 1 ) que le premier juge avait constaté que les injures proférées publiquement par l’épouse à l’encontre de son mari l’avaient été au cours du premier trimestre 1995, ainsi qu’il ressortait d’ailleurs des attestations de MM. A… et B… ; que la cour d’appel, qui constatait que M. X… avait cohabité avec sa maîtresse à partir du mois d’avril 1995, soit postérieurement, ne pouvait, sans se contredire, affirmer que ces « épisodes » se seraient déroulés à une époque où M. X… venait d’installer sa maîtresse au sein de la propriété familiale de sorte que « l’extrême indélicatesse » de l’époux aurait expliqué et excusé le comportement injurieux de l’épouse, ce en quoi elle a entaché sa décision d’une violation de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) qu’en affirmant que les épisodes dont il est fait état dans les attestations produites par le mari se sont déroulés à une époque où M. X… venait d’installer sa maîtresse au sein de la propriété familiale, soit au début du deuxième trimestre 1995, selon les constatations des juges d’appel, tandis que l’une des attestations ainsi visées précisait que les faits reprochés à l’épouse et également rapportés par une deuxième attestation s’étaient produits à la fin du premier trimestre de cette année et que la troisième attestation visée par les juges ne comportaient pas d’indication, la cour d’appel a dénaturé les attestations dont s’agit et a violé l’article 1134 du Code civil ; 3 ) que tant le premier juge que M. X… et Mme Y… s’entendaient pour admettre que les agissements reprochés à l’épouse s’étaient produits dans le courant du premier trimestre 1995 ; que la cour d’appel, qui retenait que la

cohabitation de M. X… avec sa maîtresse avait débuté au mois d’avril 1995, soit au deuxième trimestre de cette année, ne pouvait affirmer que cette cohabitation aurait précédé, expliqué et excusé le comportement injurieux de l’épouse, sans préciser les éléments sur lequels elle s’appuyait pour dater au deuxième trimestre 1995 les agissements fautifs de l’épouse, ce en quoi elle a privé sa décision de base légale au regard de l’article 245 du Code civil ; 4 ) que dans ses conclusions d’appel, M. X… avait également fait reproche à son épouse d’entretenir elle-même une relation adultère, de nature à justifier le prononcé du divorce aux torts de celle-ci ; que les juges d’appel, qui ont purement et simplement omis de s’expliquer sur ce grief invoqué en cause d’appel, ont entaché leur décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 245 du Code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l’arrêt relève qu’il ressort des déclarations faites par M. X… dans le constat d’huissier et du témoignage de Mme M.F. Y… que l’infidélité du mari existait déjà au moment de l’ordonnance de conciliation, en octobre 1994, que, dès cette époque, il avait installé sa maîtresse dans une dépendance de la propriété familiale et qu’il était allé vivre avec elle en avril 1995 ; qu’aucune pièce du dossier ne permet d’établir la réalité des deux premiers griefs invoqués par le mari ; qu’en ce qui concerne l’attitude injurieuse de Mme Y… à l’égard de son mari, elle s’est manifestée à deux reprises à une époque où l’infidelité de son mari était patente et que l’attitude de l’épouse se trouve donc excusée par le comportement du mari ;

Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, sans se contredire et répondant aux conclusions, a, dans l’exercice de son pouvoir souverain, apprécié les éléments de preuve ;

qu’elle a ainsi justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, alors, selon le moyen, que la cour d’appel ne pouvait, sans entacher sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 266 du Code civil, s’appuyer sur « les circonstances du départ de M. X… » pour faire droit à la demande de Mme Y… au titre de l’article 266 du Code civil, sans apporter la moindre précision sur les « circonstances » ainsi visées et justifiant, selon elle, l’octroi de dommages-intérêts au profit de l’épouse ;

Mais attendu qu’ayant relevé que les circonstances dans lesquelles M. X… avait quitté le domicile conjugal et son indélicatesse envers son épouse justifiaient l’allocation de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, la cour d’appel a constaté l’existence du préjudice moral que la dissolution du mariage avait fait subir à Mme Y… ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à verser une prestation compensatoire et d’avoir fixé à un certain montant sa part contributive à l’entretien et à l’éducation de sa fille, alors, selon le moyen, 1 ) qu’en affirmant qu’il ressortirait des rapports de gestion et des balances comptables produites aux débats pour les exercices clos au 30 juin 1995 et 30 juin 1997 que, durant cette période, l’activité de la société BTB constituée par M. Schleger en juin 1994 aurait été en pleine expansion et encore que les options budgétaires prises par M. X… durant cette période auraient eu pour conséquence d’alourdir le passif de l’entreprise, la cour d’appel a dénaturé les éléments de preuve ainsi visés, desquels il ressortait que l’activité de l’entreprise avait connu une nette régression lors de l’exercice 1996-1997 ressortant essentiellement de la perte du marché de la vente de planches palettes, et encore que le passif s’était trouvé diminué de plus de 20 % entre 1996 et 1997, ce en quoi elle a entaché sa décision d’une violation de l’article 1134 du Code civil ; 2 ) qu’en affirmant que les options budgétaires prises par M. Schleger (constitution de réserves, accroissement des immobilisations et du capital propre) auraient eu pour conséquence de pénaliser l’activité de l’entreprise, et de priver de façon artificielle son dirigeant de tout revenu, et qu’elles ressortiraient de manoeuvres grossières relevant de la détermination de M. X… d’échapper à ses obligations envers son épouse et sa fille, pour considérer que M. X… serait réputé disposer d’un revenu correspondant au bénéfice réalisé par la société BTB lors de l’exercice 1996, la cour d’appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 288 du Code civil et des articles 270 et suivants du Code civil ; 3 ) que dans ses conclusions d’appel, M. X… avait fait valoir, au titre de ses charges, qu’il avait à faire face au passif de la société X… mise en liquidation judiciaire, notamment au paiement du solde exigible de deux comptes ouverts auprès du Crédit agricole pour lesquels il s’était porté caution solidaire et indivisible, pour un

total de 920 496 francs, ce dont il justifiait en produisant la mise en demeure que lui avait adressé le Crédit agricole ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt relève que la EURL BTB dont M. X… est l’unique actionnaire, a eu une activité en pleine expansion de 1995 à 1997, que ses bénéfices, qui ont augmenté de 16 %, ont été affectés à la constitution de réserve, que les provisions pour amortissement et les stocks de matières premières ont plus que doublé ; qu’en ce qui concerne la société X…, dirigée par M. X… jusqu’en octobre 1995, l’arrêt constate que le règlement définitif de sa liquidation judiciaire ne serait pas encore intervenu ;

Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, ayant apprécié souverainement les éléments de preuve et répondu aux conclusions, a estimé que les options budgétaires prises, au cours des trois derniers exercices par M. X…, révélaient sa détermination de dissimuler la réalité de sa situation financière afin de se soustraire à ses obligations, et a évalué le montant réel de ses revenus et de ses charges ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X… à payer à Mme Y… la somme de 10 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x