Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Françoise Y…, épouse B…, demeurant 11, quartier Saint-Jean à Roquefort-sur-Soulzon (Aveyron), en cassation d’un arrêt rendu le 25 mai 1993 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre, section A), au profit :
1 / de M. Jacques Z…, demeurant villa Saint-Louis, avenue Maurice Fournol à Saint-Affrique (Aveyron),
2 / de Mme Geneviève Z…, épouse X…, demeurant …,
3 / de Mme Marie C…, veuve A… Z…, demeurant boulevard Emile Trémoulet à Saint-Affrique (Aveyron), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 12 avril 1995, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Savatier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Thierry, Lemontey, Chartier, Gélineau-Larrivet, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, Mme Bignon, conseiller référendaire, M. Gaunet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Savatier, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme B…, de Me Vincent, avocat des consorts Z…, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par acte authentique du 22 octobre 1958, François Z… a constitué une société en nom collectif avec son fils Jacques ;
que le premier a apporté différents biens dont le fonds de commerce qu’il exploitait, le second une somme représentant la valeur déclarée des apports en nature de son père ;
que les parts sociales ont été réparties entre eux par moitié ;
que, par acte du 11 octobre 1974, François Z… et son épouse ont donné, en avancement d’hoirie et avec dispense de rapport en nature, à M. Jacques Z… les parts sociales qu’ils détenaient ;
que ce dernier, devenu propriétaire de toutes les parts, a procédé à la liquidation de la société ;
que François Z… est décédé le 10 septembre 1987 ;
que l’une de ses filles, Mme B…, a demandé la liquidation et le partage de la succession ;
que, soutenant que l’apport de François Z… dans la société avait été sous-évalué, ce qui serait constitutif d’un recel successoral et révélerait le caractère fictif de la société, elle a demandé qu’un expert recherche la valeur réelle des biens apportés ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que, pour juger que la société n’était pas fictive, la cour d’appel a exactement retenu, par motifs adoptés, que la simple sous-évaluation des apports ne suffisait pas à établir le caractère fictif d’une société ;
que sa décision, qui est ainsi légalement justifiée, n’encourt donc pas les critiques du moyen ;
que celui-ci ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches réunies :
Vu l’article 792 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter Mme B… de sa demande fondée sur le recel, la cour d’appel a, par motifs adoptés des premiers juges, retenu qu’est exclusif du recel, qui suppose des manoeuvres ignorées des cohéritiers, le fait que les actes, dont Mme B… se prévaut, avaient la forme authentique, de sorte que les opérations incriminées n’avaient pu lui échapper ;
Attendu cependant qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme le soutenait Mme B…, si, lors de la constitution de la société, la valeur de l’apport en nature de François Z… n’avait pas été minorée en vue de parvenir à une répartition des parts sociales procurant à M. Jacques Z… un avantage dont la dissimulation caractériserait le recel incriminé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté Mme B… de sa demande fondée sur le recel successoral, l’arrêt rendu le 25 mai 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;
REJETTE, par voie de conséquence, la demande formée par les consorts Z… sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne les consorts Z…, envers Mme B…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu’à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d’appel de Montpellier, en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.