Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 juin 1989, 88-16.087, Inédit

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Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 juin 1989, 88-16.087, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°) la SOCIETE MAURITANIENNE DES ALLUMETTES dite SOMAURAL, dont le siège est à Nouakchott (Mauritanie),

2°) Monsieur Abdellali A…, demeurant BP. 1011, à Bouakchott (Mauritanie),

en cassation d’une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris rendue le 30 juin 1988, au profit de la SOCIETE INDUSTRIELLE ET FORESTIERE DES ALLUMETTES (SIFA), dont le siège est … (8ème),

défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l’audience publique du 9 mai 1989, où étaient présents :

M. Jouhaud, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Camille Bernard, rapporteur, MM. Y…, Grégoire, Kuhnmunch, Fouret, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Pinochet, Lemontey, conseillers, Mme X…, M. Savatier, conseillers référendaires, M. Dontenwille, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Camille Bernard, les observations de Me Boullez, avocat de la Société Mauritanienne des Allumettes et M. Z…, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de la Société industrielle et forestière des allumettes (SIFA), les conclusions de M. Dontenwille, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que par acte du 31 décembre 198O, la Société industrielle et forestière des allumettes (SIFA), dont le siège est à Paris, a cédé à M. Z…, 34OO actions de la Société Mauritanienne des Allumettes (SOMAURAL) ; que M. Z…, devenu actionnaire majoritaire, a, dans la convention, repris à son compte les engagements, cautions et garanties donnés par la SIFA pour Somaural ; qu’aux termes de l’article 5 du contrat, la SIFA s’est engagée à apporter gracieusement son assistance technique pour le fonctionnement de l’usine appartenant à cette dernière société, pendant cinq années ; que la société Somaural et M. Z…, reprochant à la SIFA de n’avoir pas respecté cet engagement, l’ont assignée devant la juridiction mauritanienne en réparation de leur préjudice ; que, par arrêt du 3O décembre 1987, la cour d’appel de Nouakchott a condamné la société SIFA à payer à la société SOMAURAL la somme de 83 831 836,5 Ouguiyas et à M. Z… celle de 5OO OOO Ouguiyas ; que l’ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Paris, 30 juin 1988), retenant que cette décision étrangère n’émanait pas d’une juridiction compétente selon les règles de conflits de juridictions admises en France, a rejeté la demande d’exequatur formulée en application de la Convention franco-mauritanienne du 19 juin 1961 ; Sur la recevabilité des moyens, contestée par la défense :

Attendu que l’article 39, alinéa 2, de la Convention précitée dispose que le juge de l’exequatur procède d’office à l’examen des conditions prévues à l’article 36 et qu’il doit en constater le résultat dans sa décision ; que ce magistrat a donc l’obligation, en ce qui concerne la compétence, d’examiner la condition énoncée par l’article 36 a) d’après lequel la décision doit émaner d’une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l’Etat où la décision est exécutée ; qu’ainsi il importe donc peu que les demandeurs à l’exequatur se soient uniquement fondés sur les règles mauritaniennes de compétence territoriale et de compétence d’attribution pour en déduire que l’arrêt du 3O décembre 1987 avait satisfait aux exigences de l’article 36 de la Convention ; que les deux moyens sont donc recevables ; Sur le second moyen, qui est préalable :

Attendu que la société SOMAURAL et M. Z… font grief à l’ordonnance attaquée d’avoir rejeté la demande d’exequatur, au motif que la société SIFA, défenderesse, a invoqué le privilège de juridiction de l’article 15 du Code civil français devant les juridictions mauritaniennes, qui n’ont pas répondu à ce moyen, alors qu’aucune des énonciations de l’arrêt étranger ne permet d’affirmer que la société SIFA avait revendiqué, devant les juridictions mauritaniennes, le bénéfice de l’article 15 précité, de sorte que le président du tribunal aurait simultanément dénaturé les énonciations de l’arrêt de la cour d’appel de Nouakchott et violé l’article 9 du nouveau Code de procédure civile, en vertu duquel il appartenait à la société SIFA de rapporter la preuve de ses assertions ; Mais attendu qu’en soutenant qu’elle avait invoqué devant les juridictions mauritaniennes le bénéfice de l’article 15 du Code civil français, la société SIFA s’est, devant le juge de l’exequatur, nécessairement prévalue du privilège de juridiction fondé sur sa nationalité française ; qu’ainsi l’ordonnance attaquée, ayant refusé de déclarer l’arrêt de la cour d’appel de Nouakchott exécutoire en France, au motif qu’il n’émanait pas d’une juridiction compétente, se trouve légalement justifiée ; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Et, sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SOMAURAL et M. Z… reprochent encore à l’ordonnance attaquée d’avoir rejeté la demande d’exequatur, au motif que l’instance d’origine aurait dû être introduite devant la juridiction française dont la compétence internationale ordinaire était fondée sur le lieu du siège social de la société défenderesse, situé en France, alors, d’une part, qu’en matière contractuelle le demandeur dispose d’une option de compétence et qu’en s’abstenant de vérifier si la juridiction mauritanienne n’était pas compétente sur le fondement de l’article 46 du nouveau Code de procédure civile en tant que juridiction du lieu de l’exécution de la prestation de services, le président du tribunal aurait privé sa décision de base légale ; alors, d’autre part, que, selon le moyen, la société SIFA n’ayant pas contesté la compétence des juridictions mauritaniennes, bien qu’elle aurait dû le faire « in limine litis » en application de l’article 75 du nouveau Code de procédure civile, elle ne peut plus contester la compétence des juridictions étrangères devant le juge de l’exequatur ; Mais attendu que la règle de compétence exclusive, édictée par l’article 15 du Code civil, prive de toute portée le premier grief tiré de l’application des règles de compétence internationale ordinaires ; que celui de la seconde branche est tout aussi inopérant, la procédure suivie à l’étranger étant celle prévue par la loi du « for » ; D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


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