Cour de cassation, Chambre civile 1, du 6 décembre 1988, 87-12.927, Inédit

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Cour de cassation, Chambre civile 1, du 6 décembre 1988, 87-12.927, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Monsieur Robert X…, demeurant à Labennes (Landes), La Bananeraie, route nationale n° 10,

en cassation d’un arrêt rendu le 4 février 1987 par la cour d’appel d’Agen, au profit de :

1°/ la SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM), dont le siège social est à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), …,

2°/ la CHAMBRE SYNDICALE NATIONALE DE LA DISCOTHEQUE, dont le siège est à Fontaine (Isère), …,

défenderesses à la cassation ; Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 8 novembre 1988, où étaient présents :

M. Ponsard, président, M. Grégoire, rapporteur, M. Fabre, président faisant fonctions de conseiller, M. Dontenwille, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de M. Y…, de la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, les conclusions de M. Dontenwille, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre la Chambre syndicale nationale de la Discothèque ; Attendu que M. Y…, exploitant d’une discothèque, fait grief à l’arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Agen, 4 février 1987), de l’avoir condamné à payer à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs et musique (SACEM) la somme de 6 098 francs, à titre tant des redevances stipulées par un contrat de représentation générale, que de dommages-intérêts dus en raison de la diffusion publique, sans l’autorisation de ladite société, d’oeuvres inscrites à son répertoire ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et le second moyen, réunis :

Attendu que M. Y… soutient, en premier lieu, que la cour d’appel a violé les articles 65 de la loi du 11 mars 1957 et 1831 du Code civil en décidant que la SACEM avait qualité pour agir en justice alors, selon le moyen, qu’elle n’est pas régulièrement constituée, l’apport de leurs droits d’auteur que lui font ses adhérents n’étant pas évalué et ne donnant lieu à aucune attribution de droits sociaux ; et alors, encore, que la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile en ne déduisant pas de cette fictivité des apports la nullité de la SACEM ; et alors, enfin, que la cour d’appel ne pouvait déclarer M. Y… irrecevable à soulever cette nullité par voie d’exception ; Mais attendu que la cour d’appel a relevé que le capital social de la SACEM n’était pas formé par les droits d’auteur dont ses adhérents lui consentent la cession, mais par les « droits d’entrée » dont le versement en numéraire donne lieu à l’attribution d’une part sociale à chacun des membres de la société ; qu’elle en a exactement déduit que les moyens de nullité proposés par M. Y… étaient inopérants ; D’où il suit que le premier moyen n’est pas fondé et que le deuxième est sans portée ; Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Y… prétend encore qu’en reconnaissant à la SACEM le droit d’agir en justice, la cour d’appel a violé la règle « nul ne plaide par procureur » et l’article 65, alinéa 2, de la loi du 11 mars 1957, qui ne lui confère, selon le moyen, aucun mandat légal à cet effet ; Mais attendu qu’ayant statutairement la charge de défendre les droits d’auteur dont elle est cessionnaire, comme ceux dont d’autres sociétés d’auteurs lui ont confié la gestion, la SACEM tire des dispositions de l’article 65, alinéa 2, de la loi du 11 mars 1957 la qualité qui lui permet d’ester en justice à cette fin, quel que soit le fondement, contractuel ou délictuel, de l’action qu’elle exerce ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y… reproche encore à la cour d’appel de s’être contredite, d’une part, en affirmant que les droits patrimoniaux des adhérents de la SACEM ne constituent pas des apports en société, sans constater qu’elle en serait cessionnaire et, d’autre part, en retenant qu’elle était mandataire de ses membres, ce qui exclut qu’elle soit cessionnaire de leurs droits ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement distingué, sans se contredire, entre les droits d’auteur de ses membres, dont elle est cessionnaire par l’effet de leur adhésion, et ceux dont d’autres sociétés d’auteur lui confient la gestion ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le cinquième moyen :

Attendu que M. Y… fait encore grief à l’arrêt d’avoir admis, en violation de l’article 86 du traité de Rome, que la SACEM ne commettait pas un abus de position dominante en exigeant des discothèques le paiement d’une redevance complémentaire de reproduction mécanique, alors, selon le moyen, qu’en autorisant la reproduction de son oeuvre, l’auteur a « épuisé son droit » et qu’il a perçu sur le prix de vente de chaque phonogramme la totalité de la redevance à laquelle il pouvait prétendre ; Mais attendu que la cour d’appel a justement décidé que la SACEM, qui avait autorisé la fabrication de phonogrammes en vue de la seule diffusion privée des oeuvres reproduites, n’avait pas épuisé ses droits à l’égard de ceux qui souhaitent procéder à leur diffusion publique ; Sur le sixième moyen :

Attendu, enfin, que M. Y… reproche à la cour d’appel d’avoir de nouveau violé l’article 86 du traité de Rome en rejetant la demande en nullité des contrats de représentation « imposés par la SACEM », alors que celle-ci occupe en France une position dominante, que, par ses ententes avec les sociétés d’auteurs étrangères, elle exerce en France un monopole d’exploitation des oeuvres étrangères qui cloisonne le marché intérieur français, et que le taux de redevance de 8,25 % qu’elle exige sur les recettes des discothèques est supérieur à ceux qui sont pratiqués à l’étranger ; Mais attendu que sans dénier que la SACEM occupe une position dominante, puisqu’elle possède en fait le monopole de l’exploitation en France des oeuvres musicales tant françaises qu’étrangères, sans qu’il soit toutefois démontré que les conventions qu’elle a conclues avec les sociétés d’auteurs étrangères aboutissent à un cloisonnement du marché, la cour d’appel a constaté qu’ l’application du taux de redevance de 8,25 % des recettes des discothèques « conduit à un montant raisonnable », dès lors que celui-ci représente une fraction « modeste » des charges d’exploitation de ces établisseents, dont l’activité repose essentiellement sur la diffusion d’oeuvres musicales ; qu’ayant souverainement estimé, en l’état de ces constatations, que la rémunération perçue par la SACEM n’était pas inéquitable eu égard au service rendu, la cour d’appel a pu en déduire que le seul fait qu’elle soit supérieure à celle qui est pratiquée dans d’autres pays ne pouvait suffire à caractériser de la part de la SACEM un comportement abusif au sens de l’article 86 du traité de Rome ; Que le moyen ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


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