Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ la compagnie d’assurances LA CONCORDE, dont le siège est … (9ème),
2°/ la société anonyme SAGECO-HLM, dont le siège est … (8ème),
en cassation d’un arrêt rendu le 25 juin 1987 par la cour d’appel d’Orléans, au profit de la société anonyme KONE, dont le siège est Tour Gan Paris-la-Défense (Hauts-de-Seine),
défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, en l’audience publique du 18 juillet 1989, où étaient présents :
M. Jouhaud, conseiller doyen faisant fonctions de président ; M. Camille Bernard, rapporteur ; MM. A…, C…, D…, Z…, Y…, Bernard de Saint-Affrique, Pinochet, Mabilat, Lemontey, conseillers ; M. Savatier, conseiller référendaire ; Mme Flipo, avocat général ; Mlle Ydrac, greffier de chambre
Sur le rapport de M. le conseiller Camille Bernard, les observations de la SCP Le Bret et de Lanouvelle, avocat de la compagnie d’assurances La Concorde et de la société Sageco-HLM, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Kone, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :
Vu l’article 1351 du Code civil, ensemble l’article 624 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que, le 26 septembre 1978, le corps de Mohamed X… était découvert sur le toit de l’ascenseur d’un immeuble appartenant à la société Sageco ; que l’enquête a révélé que le décès était dû à une chute dans la cage depuis le neuvième étage, la victime ayant ouvert la porte palière dont la serrure n’était pas vérouillée, bien que la cabine ne fût pas immobilisée à l’étage ; que la veuve de Mohamed X…, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice légale des biens de ses enfants mineurs, et Melle B… Bent X…, enfant majeur, ont assigné la société Sageco et la compagnie La Concorde, son assureur, en réparation de leur préjudice ; que la compagnie La Concorde a assigné la société Kone, chargée de l’entretien « complet » de l’ascenseur, pour faire juger qu’elle devrait la garantir des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre ; que, par arrêt du 31 mai 1983, la cour d’appel de Versailles a déclaré la société Sageco entièrement responsable de l’accident, au motif « qu’elle aurait dû aviser immédiatement l’entreprise Kone de venir réparer l’ascenseur et, en attendant, prendre toutes dispositions utiles pour éviter l’accident », après avoir retenu,
notamment, « qu’il est constant que cet accident est dû au mauvais entretien de l’ascenseur », et a rejeté la demande en garantie formulée par la compagnie La Concorde, au motif que la preuve d’une faute caractérisée, en relation directe avec l’accident, commise par l’entreprise Kone dans l’exécution de ses obligations contractuelles, n’est pas établie ; que cet arrêt a été cassé par arrêt de la Première chambre civile de la Cour de Cassation du 5 mars 1985, en ce qu’il a rejeté l’appel en garantie, sur un moyen, pris de ce que la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d’après lesquelles il existait une carence de la société Kone dans l’entretien de l’ascenseur ; Attendu que l’arrêt attaqué, statuant sur renvoi, qui a aussi rejeté la demande en garantie, a estimé que, s’agissant des rapports contractuels des intéressés, le principe même des manquements contractuels ou l’existence de leur lien de causalité avec l’accident pouvaient être remis en cause, et a retenu « qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir l’une des deux hypothèses (émises par les experts :
soit un acte de malveillance ou le défaut d’entretien de l’ascenseur) de préférence à l’autre, ni, par suite, d’affirmer que les manquements contractuels de la société Kone sont bien à l’origine de l’accident » ; Attendu cependant que, dans la partie maintenue de son arrêt, qui n’avait pas été critiquée par le précédent pourvoi, la cour d’appel de Versailles, statuant sur l’action des ayants-droit de la victime, avait expréssément écarté l’hypothèse de l’acte de malveillance ; qu’ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d’appel de renvoi a méconnu l’autorité de chose jugée attachée à la partie non cassée de l’arrêt précité du 31 mai 1983 et la portée de l’arrêt de cassation, violant ainsi les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 1987, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;