Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la SARL Nouvelles Frontières, spécialisée dans l’organisation des voyages touristiques lointains, a eu recours, en 1983, pour le transport de ses clients à la compagnie de transports aériens à la demande » Minerve » ; qu’elle a obtenu de la Direction générale de l’aviation civile, à compter du 1er juin 1983, l’autorisation pour les avions de la compagnie » Minerve » d’effectuer cinq rotations par semaine vers les Antilles françaises au lieu de trois précédemment ; que, cependant, la direction de l’aviation civile a, le 5 juillet 1983, rejeté pour le mois de juillet l’autorisation de poursuivre selon ce même rythme ; que la SARL Nouvelles Frontières, à laquelle la compagnie Air France a proposé de transporter ses passagers pour un tarif supérieur à celui de la compagnie » Minerve « , a offert à ses clients soit d’annuler leur passage soit de le leur fournir au tarif exigé par la compagnie Air France et sur ses avions ; qu’un problème s’est posé toutefois pour les passagers déjà aux Antilles et qui avaient payé d’avance leur retour à Nouvelles Frontières sur la base du tarif de la compagnie » Minerve » ; que Nouvelles Frontières les a fait rapatrier par Air France mais a refusé de payer à cette compagnie plus que le tarif auquel elle s’était engagée avec eux contractuellement au départ ;
Attendu que la compagnie Air France a assigné Nouvelles Frontières pour lui demander le complément ainsi que des dommages-intérêts ; que la cour d’appel a, par arrêt confirmatif, accueilli la demande de la société nationale ;
Attendu qu’en un premier moyen, la société Nouvelles Frontières fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué alors, d’abord, que la cour d’appel aurait violé le principe de la contradiction en soulevant, d’office et sans débats contradictoires, le moyen pris de ce que cette société ne démontrait pas la situation de monopole de la compagnie Air France sur la ligne des Antilles et alors, ensuite, que l’état de nécessité peut vicier le consentement lorsque celui des contractants qui est en mesure d’en tirer parti impose à celui qui en est victime des conditions anormalement défavorables pour ce dernier et que les juges se seraient, en l’espèce, abstenus de rechercher si le prix imposé par Air France était normal comparé à ceux de compagnies ne bénéficiant pas du monopole ;
Attendu qu’en un second moyen, il est encore reproché à la cour d’appel d’avoir dit que le transport aérien se trouvait, comme l’ensemble du secteur des transports, exempté par le règlement communautaire n° 141 des sanctions concernant les infractions à la libre concurrence alors qu’il a été affirmé le 30 avril 1986 par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt » Lucas X… et autres » que les transports aériens sont soumis aux dispositions du traité de Rome y compris celles qui concernent la concurrence et que les juges auraient donc dû rechercher si les tarifs pratiqués par Air France ne relevaient pas d’un abus de position dominante ;
Mais attendu que, s’il résulte de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, auquel se réfère le second moyen du pourvoi, que les règles de concurrence du traité de Rome s’appliquent au secteur des transports, il en résulte aussi que le régime d’homologation administrative des tarifs prévu par le Code français de l’aviation civile ne serait contraire à ces règles que s’il aboutissait à entériner les conséquences d’une entente illicite de nature à affecter le commerce entre Etats membres de la Communauté ; que l’arrêt » concurrence-tarifs aériens » Ahmed Z… Y… du 11 avril 1989, rendu par la même juridiction, précise que les règles qu’il définit ne s’appliquent qu’aux transports internationaux aériens entre aéroports d’Etats différents de la Communauté, les autres transports demeurant soumis aux dispositions transitoires dont il est fait état dans l’arrêt » Lucas X… » ; que la société Nouvelles Frontières n’ayant pas soutenu qu’il y ait eu entente illicite, les juges du fond ont relevé que la compagnie Air France, grevée à la différence des compagnies de » vols à la demande » d’obligations de service public, et soumise à l’homologation de ses tarifs, avait proposé les plus bas qu’elle fût autorisée à pratiquer ; que cette constatation exclut qu’il y ait eu pour Nouvelles Frontières état de nécessité, lequel aurait supposé que lui fussent imposées des conditions anormalement onéreuses et qu’elle exclut également que la compagnie nationale, dont peu importait, dès lors, pour la solution du litige qu’elle fût monopolistique, eût abusé de sa position ; qu’il s’ensuit que le premier grief du premier moyen s’attaque à un motif surabondant et que ni le deuxième grief du même moyen, ni le second moyen ne sont fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi