Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 1326 du Code civil, ensemble l’article 109, devenu l’article L. 110-3, du Code de commerce ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme en toutes lettres et en chiffres ; qu’il résulte du second que ce n’est qu’à l’égard des commerçants que les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens ;
Attendu que par acte sous seing privé du 29 janvier 1993, la société anonyme Sokoa s’est portée caution solidaire, à hauteur de la somme de 500 000 francs, du remboursement du prêt de la somme de 1 000 000 francs consenti par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne à la société anonyme Sei ; qu’aux termes de quatre actes sous seing privés, en date, les trois premiers du 23 janvier 1993, le dernier du 26 janvier 1993, souscrits respectivement par M. X…, M. Y…, M. Z… et M. A…, salariés et actionnaires de la société Sei, chacun de ceux-ci a déclaré « contregarantir la société Sokoa (…) à hauteur de la somme maximum de 50 000 francs » ; qu’ayant exécuté son engagement de caution, la société Sokoa a assigné en garantie MM. X…, Y…, Z… et A… ; que l’arrêt attaqué a accueilli cette demande ;
Attendu que pour écarter le moyen de défense commun à MM. X…, Y… et Z… et à Louis A…, aux droits duquel viennent ses héritiers, Mme B… et M. Nicolas A…, qui faisaient valoir qu’aucun des engagements qu’ils avaient souscrits ne portait la mention exigée par le premier des textes susvisés, la cour d’appel a retenu que le cautionnement présentait un caractère commercial dès lors que la caution a trouvé dans cette opération un intérêt personnel de nature patrimoniale, que les intéressés exercent les fonctions de cadres au sein de la société SEI dont ils sont en outre actionnaires tout comme la société Sokoa ;
qu’elle a encore retenu qu’en cette double qualité, alors que le prêt d’un million de francs accordé à leur société était destiné à permettre une restructuration financière, ils avaient un intérêt personnel de nature patrimoniale, distincte de celui de leur société, leur activité et leur emploi même étant en jeu dans le projet ayant conduit au cautionnement et à leur contre-garantie ; qu’elle en a déduit que la société Sokoa était recevable à prouver librement l’existence de l’engagement des intéressés sans que le formalisme prévu par l’article 1326 du Code civil dans le but de protection de la caution eût à être respecté ;
Qu’en se déterminant ainsi sans constater que lors de la souscription des engagements litigieux, chacun des souscripteurs avait la qualité de commerçant, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen, ni sur les deux branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 septembre 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Condamne la société Sokoa aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille quatre.