Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Distribution Paris-Est (Dispa-Est) , société anonyme dont le siège social est 22, Promenée Marat, Centre commercial Ivry Marat, 94200 Ivry-sur-Seine,
2 / M. Samuel A…, demeurant …,
3 / M. Bernard X…, demeurant 3, Square Debussy, 92160 Antony,
4 / M. Albert Y…, demeurant …,
5 / M. David Y…, demeurant …,
6 / M. Dominique Y…, demeurant …,
7 / Mlle Sylvie Y…, demeurant …,
en cassation d’un arrêt rendu le 29 mars 2000 par la cour d’appel de Paris (16e Chambre civile, Section A), au profit :
1 / de la Société coopérative d’approvisionnement de l’Ile-de-France (SCADIF), dont le siège social est …,
2 / de M. Gérard Z…, demeurant …,
3 / de M. B…, demeurant …, pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Ivry distribution,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article L. 131-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 26 mars 2002, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, M. Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Sempère, Gridel, conseillers, Mmes Barberot, Catry, conseillers référendaires, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Distribution Paris-Est, de MM. A… et X… et des consorts Y…, de la SCP Monod et Colin, avocat de la Société coopérative d’approvisionnement de l’Ile-de-France, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte aux demandeurs au pourvoi de leur désistement partiel à l’égard de M. Gérard Z… ;
Attendu que la société Ivry distribution, dirigée par les époux E…, exploitait un centre Leclerc à Ivry-sur-Seine, en tant qu’adhérente de la société Scap Sud, devenue société SCADIF (la SCADIF), centre régional d’approvisionnement des magasins Leclerc du Sud de la région parisienne ; que les époux E…, actionnaires majoritaires, détenaient, avec leur fils, 2 460 actions sur 2 500, les 40 autres appartenant à huit sociétés dites « parrains », exploitant huit autres Centres Leclerc dans la même région ; qu’à la suite de difficultés financières, les « parrains » ont, en 1986, écarté M. D… de la direction d’Ivry distribution et nommé à sa place M. Dubois, vice-président de la SCADIF ; que, la situation financière d’Ivry distribution ayant continué à se dégrader, l’assemblée générale des actionnaires a, au vu du rapport spécial du commissaire aux comptes, décidé, le 12 mars 1992, de conférer tous pouvoirs au conseil d’administration à l’effet de mettre en oeuvre toutes solutions, y compris, s’il y avait lieu, la cession des éléments essentiels de l’actif social, cette décision étant prise à l’unanimité des huit actionnaires, dont six étaient des Centres Leclerc, membres de la SCADIF, les deux autres étant la société Boulogne distribution, dirigée par M. Y…, et la société Loponnis ; que, le 2 septembre 1992, un commandement de payer la somme de 5 374 341,11 francs a été délivré aux actionnaires par les banques qui avaient consenti un crédit-bail immobilier, en application de la clause résolutoire de ce contrat ; que, le 27 décembre 1993, le fonds de commerce d’Ivry distribution a été cédé à la société Dispaest, pour 3 MF ;
que l’assemblée générale extraordinaire d’Ivry distribution du 13 février 1995 a décidé de dissoudre amiablement cette société et de désigner en qualité de liquidateur amiable M. A…, auquel a succédé M. C…, le 11 septembre 1995 ; que, le 25 août 1995, M. B… a été désigné par le tribunal de commerce de Créteil afin de procéder à une enquête sur la situation active et passive d’Ivry distribution après que deux assignations en redressement eussent été délivrées à cette société par les sociétés EIC et Pluma ; que la SCADIF a produit un passif pour 7 039 806,55 francs, le passif vérifié s’élevant à 10 190 348,09 francs et l’actif à 319 042 francs ; que, par acte du 24 mars 1995, la SCADIF a assigné M. A…, ès qualités de liquidateur d’Ivry distribution, la société Dispaest, M. Z…, administrateur d’Ivry distribution, et les consorts Y…, créateurs de la société Dispaest, aux fins notamment de voir déclarer la nullité de la cession du fonds, pour excès de pouvoir du conseil d’administration, dire que cette opération était frauduleuse et inopposable à la SCADIF, voir déclarer la responsabilité solidaire des sociétés Ivry distribution et Dispaest ; que, par un premier arrêt du 8 septembre 1995, la cour d’appel de Paris a débouté la SCADIF de ses demandes en ce qui concernait la nullité de la cession du fonds de commerce et ordonné la réouverture des débats sur l’action paulienne ;
Sur le premier moyen, pris en ses sept branches, tel qu’il est énoncé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :
Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel (Paris, 29 mars 2000) d’avoir déclaré l’action paulienne fondée et dit que la cession du fonds était inopposable à la SCADIF par application de l’article 1167 du Code civil ;
Attendu que le moyen, en sa première branche, ne critique la motivation de l’arrêt que par référence à l’exposé des faits par la cour d’appel ; que celle-ci, qui a constaté l’existence d’un appauvrissement frauduleux de la société Ivry distribution en connaissance du préjudice ainsi causé à son créancier, la société SCADIF, n’était pas tenue de rechercher si la valeur du fonds de commerce cédé était suffisante pour la désintéresser, le bien frauduleusement aliéné ne pouvant, de surcroît, être appréhendé que par l’auteur de l’action paulienne ; que l’arrêt attaqué a fait ressortir que les adhérents de la SCADIF et les actionnaires de la société Ivry distribution constituaient deux groupes distincts même si certaines personnes physiques ou morales relevaient des deux, la reprise du crédit-bail ne profitant qu’aux membres du second groupe ; que la cour d’appel, qui a constaté que l’activité commerciale n’avait pas été interrompue, entre la résiliation, intervenue le 7 avril 1993, et la cession du fonds, intervenue le 27 décembre 1993, n’était pas tenue de rechercher si la résiliation ne justifiait pas la cession immédiate du fonds ;
que l’arrêt attaqué, qui ne se fonde pas sur l’impossibilité d’une compensation triangulaire, se borne à constater que la compensation ne peut être qu’instantanée, alors que, selon la société Dispaest, il s’agirait d’une compensation différée, ladite société n’ayant pas d’existence juridique lors de l’accord ;
D’où il suit que l’arrêt attaqué n’encourt aucun des griefs du moyen ;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu’il est énoncé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :
Attendu que la cour d’appel n’a pas déduit le bien-fondé de l’action paulienne de l’aveu des consorts Y…, mais, une fois ce bien-fondé établi, s’est bornée à tirer les conséquences de la demande d’implication de ces derniers au cas où l’action paulienne serait prononcée ; qu’elle ne s’est pas contredite en déduisant de l’option formulée par les consorts Y… et la société Dispaest de conserver le fonds en désintéressant le créancier, la responsabilité solidaire des premiers, en l’espèce, après avoir rappelé la faculté de choix dont dispose le défendeur à l’action paulienne ;
D’où il suit que la décision n’encourt pas davantage les griefs de ce moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SCADIF et celle des demandeurs au pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille deux.