Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 15 juillet 1999, 97-13.659, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 15 juillet 1999, 97-13.659, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Philippe X…, notaire associé de la SCP André Begon, Robert Bonneau et Philippe X…, domicilié …,

en cassation d’un arrêt rendu le 17 janvier 1997 par la cour d’appel de Paris (5e chambre civile, section B), au profit :

1 / de la société Aluvar, société anonyme, dont le siège est …,

2 / de M. Baudouin Libert, administrateur judiciaire pris en son nom personnel, demeurant …,

défendeurs à la cassation ;

La société Aluvar a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt, en ce qu’il est rendu au profit de M. Libert et de la société Brisse-Poustis-Gobin-Valeyre et Clus, dont le siège est …,

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 8 juin 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Aubert, conseiller rapporteur, M. Sargos, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Aubert, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X…, ès qualités et de la société Brisse-Poustis-Gobin-Valeyre et Clus, de Me François Bertrand, avocat de M. Z…, de Me Foussard, avocat de la société Aluvar, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. X… de son désistement partiel au profit de M. Libert ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond (Paris, 17 janvier 1997), que, par un acte authentique du 17 septembre 1990 établi par la société Brisse-Poustis-Gobin-Valeyre et Clus (SCP Brisse), société titulaire d’un office notarial, avec le concours de M. X…, notaire associé de la SCP Begon-Bonneau et X…, la société Spica a consenti à la société Aluvar une promesse de cession d’un contrat de crédit bail immobilier conclu le 10 février 1987 entre la société Frankobail et la société Acto International ; que la crédit bailleresse, la société Frankobail, a subordonné son agrément de la cession à la fourniture de garanties dont le refus à provoqué un rejet de la demande d’agrément, notifié le 29 novembre 1990 ; que la société Aluvar avait informé la société Brisse, dès le 21 novembre 1990, de son intention de « mettre fin à la transaction » et de récupérer l’indemnité d’immobilisation de 500 000 francs versée à M. X…, qui en était séquestre ; que la société Spica, les 27 novembre et 4 décembre 1990, a informé vainement la société Aluvar de ce que la rupture unilatérale de la promesse lui coûterait la perte des 500 000 francs versés et qu’elle lui proposait de contribuer à la fourniture des garanties exigées par la société Frankobail ;

que, s’appuyant sur le refus de celle-ci et sur la caducité de la promesse, la société Aluvar a demandé, le 10 décembre 1990 à la société Spica de donner instruction à M. X… de lui restituer les 500 000 francs qu’elle avait versés ; que la société Spica et son avocat, M. Y…, ont prétendu, fin décembre 1990, que la condition du refus d’agrément de la cession par la crédit bailleresse n’était pas réalisée puisque la société Frankobail avait seulement demandé la caution des actionnaires ou d’une banque que la société Aluvar avait refusé de fournir ; que, le 6 février 1991, sur assignation de la société Spica, le président du tribunal de commerce de Corbeil Essonnes a enjoint à M. X…, « au vu de la présente ordonnance devenue définitive », de verser à la société Spica les 500 000 francs qu’il détenait; que, le 8 février 1991, M. Y… a fait parvenir à M. X… une télécopie faisant référence à une conversation téléphonique dans laquelle il précisait avoir « entre les mains la grosse de l’ordonnance de référé, exécutoire par provision », lui donnant injonction de verser les fonds à la société Spica et annonçant qu’un coursier viendrait « prendre le chèque » ; que, le 12 février, la société Aluvar a fait interdiction à M. X… de se dessaisir des fonds, l’informant qu’elle avait fait appel de l’ordonnance qui n’était pas définitive ; que le 15 février, M. X… a répondu qu’il avait versé les 500 000 francs le 11 février à la société Spica, faisant valoir que l’ordonnance étant exécutoire de plein droit, il ne lui était pas possible de conserver cette somme ; que la société Spica a été déclarée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, le 20 juin 1991 ;

qu’un jugement du 17 septembre 1992, passé en force de chose jugée, a déclaré nulle la promesse de cession de crédit-bail faute pour la société Spica d’apporter la preuve de ce qu’elle disposait d’un titre pour signer cette promesse et a fixé à 500 000 francs avec intérêts la créance chirographaire de la société Aluvar, rejetant sa demande de dommages-intérêts faute de preuve du préjudice allégué ; que la liquidation judiciaire de la société Spica ne permettant d’opérer aucune répartition entre les créanciers chirographaires, la société Aluvar a assigné en réparation de son préjudice la SCP Brisse, M. X… et M. Libert, commissaire à l’exécution du plan de la société Acto International ; que l’arrêt attaqué, partiellement confirmatif, a condamné M. X… à réparer le dommage subi par la société Aluvar mais l’a déboutée de ses demandes contre la SCP Brisse et M. Libert ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi principal formé par M. X… :

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt d’avoir retenu sa responsabilité, alors que, d’une part, en estimant qu’il avait commis une faute en n’attendant pas l’expiration des délais d’appel qui aurait rendu exécutoire l’ordonnance litigieuse, la cour d’appel aurait violé l’article 489 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d’autre part, en estimant que, sans la précipitation du notaire, la société Aluvar serait nécessairement entrée en possession de ses fonds, bien que, au vu de la signification, qui serait nécessairement intervenue rapidement, le notaire aurait été dans l’obligation de se dessaisir des fonds au profit de la société Spica, la cour d’appel n’aurait pas donné à sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d’abord, qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, en tenant compte de la formulation particulière de l’ordonnance, que le notaire s’était dessaisi trop rapidement, sans même attendre la signification de cette ordonnance, alors, de surcroît, qu’il aurait dû tirer des enseignements de la lettre de la société Frankobail du 29 novembre 1990, qui impliquait que la société Spica n’était pas bénéficiaire du contrat de crédit-bail, les juges du fond ont pu estimer que le notaire avait commis une faute ; qu’ensuite, ayant relevé que, s’il avait attendu que l’expiration des délais d’appel ait rendu exécutoire l’ordonnance de référé ainsi que son signataire l’avait expressément prévu, la société Aluvar, qui avait interjeté appel de l’ordonnance, aurait pu obtenir la restitution de la somme sequestrée à la suite de la reconnaissance judiciaire de son droit à cette restitution, la cour d’appel a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué de la société Aluvar, pris en ses trois branches, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu qu’ayant relevé qu’il résultait tant des instructions données le 6 septembre 1990 par la société Aluvar à M. A…, de la SCP Brisse, que des énonciations mêmes de la promesse de cession que la société Aluvar avait parfaitement conscience de ce que la société Spica ne pouvait céder des droits résultant d’un contrat liant les sociétés Frankobail et Acto International sans devoir justifier qu’elle en était titulaire, ce qui démontrait que ladite société connaissait la précarité des droits de Spica et que le notaire avait fait son office, la cour d’appel a pu admettre que la SCP n’avait pas commis de faute ; que le moyen n’est donc pas fondé en sa première branche et qu’il est, par voie de conséquence, inopérant en ses deux autres branches ;

Et, sur le second moyen du même pourvoi, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu qu’ayant relevé que la lettre reprochée à M. Libert était postérieure à la signature de la promesse de cession et que la société Aluvar avait, à ce même moment, connaissance de la précarité des droits de la société Spica, la cour d’appel a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi principal formé par M. X… que le pourvoi provoqué de la société Aluvar ;

Laisse les dépens pour moitié à la charge de M. X… et pour moitié à celle de la société Aluvar ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Aluvar et la SCP Brise-Poustis–Gobin-Valère et Clus ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


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